Mr Michel Fisset, Machiniste
Interview réalisée en septembre 2008 |
Machiniste au Théâtre National Wallonie-Bruxelles.
Quelle est votre parcours ?
Je n’ai pas fait d’études car, dans le temps, il fallait aller travailler tout de suite. Je ne pouvais donc pas me former car il n’était pas question d’aller à l’école. J’ai alors travaillé dans la restauration de tableaux, dans la parfumerie en tant qu’emballeur et dans la maroquinerie. J’ai été déménageur puis je suis allé à l’armée. Après cela, j’ai à nouveau travaillé en tant que déménageur puis je suis resté un mois au chômage. Là, j’ai trouvé une place comme peintre en bâtiment. J’ai donc touché un peu à tout ! Ensuite, je suis entré au Théâtre National car mon frère y travaillait et il m’a dit que si une place se libérait, il essaierait de m’y faire entrer. Lors d’un remplacement, j’ai rencontré le fondateur du théâtre qui m’a finalement engagé. J’ai donc appris mon métier sur le tas.
Qu’est ce qui vous a donné envie de continuer à faire ce métier ?
Lorsque je travaillais dans le déménagement, il m’arrivait déjà de me rendre au théâtre et je me disais à l’époque que je n’aimerais pas du tout travailler dans cet endroit ! Finalement, le boulot m’a plu. J’ai beaucoup aimé les tournées, il y avait pas mal de travail et puis, on gagnait bien notre vie.
Concrètement, en quoi consiste votre métier de machiniste ?
Le machiniste touche à tout sauf à l’électricité, même si maintenant, on donne de plus en plus un coup de main aux électriciens. Avant, on n’avait pas le temps de s’occuper de cela. Nous montons les décors, nous les mettons en place selon les indications, nous assurons leur transport pendant les tournées ainsi que les éventuelles réparations. On est là du début à la fin : avant le spectacle pour mettre en place les décors ; pendant les répétitions pour s’assurer que tout fonctionne et pour voir s’il y a des modifications à faire ; pendant le spectacle pour faire les changements entre les scènes et pour les réparations nécessaires et après le spectacle pour démonter et charger les camions. A l’époque, il arrivait même que les machinistes fassent de la figuration !
Comment préparez-vous un spectacle ?
Quand les décors sont prêts, on les amène sur la scène. Il faut les assembler selon les indications du metteur en scène ou du décorateur. Ensuite, on assiste aux répétitions. C’est la partie la plus importante car c’est là que l’on voit si ça marche ou pas, si les mécanismes fonctionnent, etc. En général, il y a toujours des transformations à faire. Je n’ai jamais connu un décor qu’on amenait sur scène et qu’il ne fallait pas modifier, ça n’existe pas ! On répète également les changements de décors qui auront lieu pendant la représentation. En fait, nous avons aussi besoin de répétitions, tout comme les comédiens !
Faut-il forcément avoir suivi une formation particulière ?
A l’époque non, j’en suis le meilleur exemple. Aujourd’hui, je pense quand même que les jeunes devraient pouvoir apprendre à faire les nœuds servant à retenir les décors, à se servir des machines comme les treuils, etc. Il faut également savoir comment utiliser les perches, connaître les équilibrages, pouvoir soupeser un décor afin de savoir s’il tiendra sur une ou deux perches, etc. Tout cela peut s'apprendre à travers des formations telles que "Régisseur général des spectacles" ou encore "Régisseur technicien des spectacles" qui sont des formations proposées par les Promotions Sociales et les IFAPME.
Quelles sont les qualités nécessaires pour exercer ce métier ?
Il faut avant tout aimer le métier, je pense que c’est la base de tout. Ensuite, il ne faut pas compter ses heures ! Lorsque j’ai commencé, il m’arrivait de ne pas dormir pendant les tournées car il fallait monter, démonter, charger dans les camions, partir dans une autre ville et recommencer. Il faut être aussi très disponible, ne pas compter sur ses soirées ou ses week-ends. Si on vous appelle un soir ou pendant vos congés pour venir réparer un décor, il faut y aller car le spectacle doit pouvoir continuer le lendemain. Il faut aussi avoir un goût prononcé pour le travail manuel, même si maintenant les machines nous aident beaucoup, et avoir des idées. Si le metteur en scène veut qu’une partie du décor tombe et l’autre pas, par exemple, il faut trouver une solution avec le concepteur et voir si cela est réalisable. Enfin, les tournées amènent le machiniste à se déplacer assez souvent et pour des durées relativement longues. Il est donc important d’aimer voyager.
Quels sont les avantages et les désavantages de votre métier ?
Avantage : de nos jours, le fait de partir en tournée peut être considéré comme un "cadeau" car on peut découvrir certains pays. Avant, on n’avait pas le temps de rester, il fallait tout de suite partir dans un autre pays et finalement, on ne voyait rien ! J’ai également rencontré des comédiens, des personnes plus connues, la Reine, etc.
Inconvénient(s) : il s’agit d’un métier assez physique, qui demande un investissement total et qui peut entraîner des blessures physiques plus ou moins importantes.
Est-ce que cela vous dérange de travailler "dans l’ombre" ?
Non pas du tout, même si, je l’avoue, c’est quand même valorisant quand les spectateurs viennent dans les coulisses après le spectacle pour voir comment ça fonctionne. Les théâtres devraient organiser ça plus souvent. Notre rôle en tant qu’artistes de l’ombre, c’est avant tout de créer "la magie du spectacle" sans que les spectateurs ne se rendent compte de tout ce que cela implique.
Est-ce un travail d’équipe ?
Tout à fait. Il faut énormément de coordination car si une pièce du décor arrive avant l’autre, ça n’ira pas. Il faut être à l’écoute des éclairagistes, du metteur en scène, travailler en partenariat avec le concepteur du décor, etc.
Quel est exactement votre statut ?
Je suis engagé à l’année. Au Théâtre National, nous sommes 7 machinistes mais il nous arrive d’en engager lors de gros événements ou lorsque l’on a trop de travail. En général, on essaie de reprendre toujours les mêmes personnes pour ne pas perdre notre temps à expliquer comment tout fonctionne. Si elles conviennent, alors on essaie de les engager !
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait faire ce métier ?
Il faut se lancer ! Ne pas avoir peur d’aller sur le terrain car c’est à ce moment là qu’on voit si on aime ou pas.