Interview anonyme,
Directrice de restaurant chinois
Quelle est votre formation scolaire ?
Après les secondaires, j'ai suivi un master en administration publique, à l'Université.
Quelles sont les raisons qui ont motivé votre choix pour ce type d'études ?
Mes parents possèdent un patrimoine propre, le but de mes études est de gérer ce patrimoine familial.
Quelles sont les fonctions professionnelles que vous avez remplies jusqu'à ce jour ?
J'ai d'abord travaillé comme traductrice-interprète assermentée (français/chinois) au tribunal de Liège. Ensuite, lorsque mes parents sont arrivés de Saïgon et ont ouvert un restaurant, j'ai décidé de travailler avec eux. Depuis lors, je travaille dans le monde de la restauration.
Votre formation correspond-t-elle aux exigences du monde professionnel ?
Bien que ma formation ne soit pas liée à la restauration proprement dite, elle me procure une grande ouverture d'esprit et je suis plus réceptive vis-à-vis des nouveautés et de l'évolution du marché. Mes connaissances en gestion et en management notamment me permettent d'appliquer une gestion saine et équilibrée à mon restaurant.
Etes-vous amené à employer couramment les langues étrangères ?
Nous recevons beaucoup de clients étrangers (chinois, allemands, anglais, etc.). Il est donc indispensable, pour avoir une communication aisée avec la clientèle, de connaître au moins le français, le chinois (et plus spécifiquement le mandarin) et l'anglais.
En quoi consistent vos activités professionnelles actuelles ?
Je suis responsable de deux restaurants chinois dont l'un est en gérance.
Dès neuf heures, je m'occupe du courrier, du relevé de la recette que l'on a fait la veille, de la vérification des factures et des extraits de comptes d'abord dans le restaurant qui est en gérance et ensuite dans le second restaurant dont je m'occupe plus particulièrement.
Jusqu'à midi, et par la suite si j'en ai l'occasion, je me consacre à la gestion et à la gestion financière de mon entreprise (tout est encodé sur ordinateur). A partir de douze heures, je suis présente dans la salle afin d'accueillir les premiers clients. Je m'occupe également de superviser le travail du personnel en salle et en cuisine. Je suis d'ailleurs régulièrement sollicitée par le personnel pour le moindre petit problème. J'essaie donc aussi de former mon personnel afin qu'il accède à un certain degré d'autonomie. Lorsque j'ai beaucoup de travail à accomplir, je suis obligée de m'isoler.
J'aide également à établir la liste des priorités pour la journée (les commandes notamment).
A un moment donné, je fais le tour des tables afin de savoir si les clients sont satisfaits et afin de connaître leurs réactions vis-à-vis des plats qu'ils ont choisis. Ainsi je décèle si je dois éventuellement utiliser de nouveaux produits ou encore modifier certains plats.
J'ai ensuite un temps d'arrêt d'environ deux heures mais qui est surtout tributaire des activités que j'ai à remplir pendant la journée (réception des commandes, rendez-vous avec le comptable, problème de personnel, etc.).
Le soir, c'est-à-dire dès vingt-deux heures, un travail identique à celui de midi recommence. Les soirées sont souvent très longues et s'achèvent généralement vers minuit, surtout le week-end. Elles peuvent parfois durer plus longtemps, lors par exemple de grandes occasions comme par exemple le Nouvel An chinois. Mon travail consiste également à essayer de trouver de nouvelles idées au niveau de l'élaboration des menus, des techniques de service en salle, de la décoration de l'établissement, du bien-être de la clientèle, etc. Je prépare également l'ouverture d'un troisième restaurant à Bruxelles.
Lorsque j'ai le temps, je lis aussi des ouvrages traitant du management, de la fiscalité, etc.
Quelles sont les particularités d'un restaurant chinois ?
La restauration chinoise est un créneau tout à fait différent des autres restaurants. Le service, particulièrement, se différencie de par le fait qu'il est beaucoup plus long que dans les autres types de restaurant. En effet, en cuisine asiatique, le nombre de plats servis est très important.
De plus, on doit être très attentif à la décoration de l'établissement afin de créer un certain "exotisme" et une ambiance particulière. En effet, le client qui désire manger de la cuisine chinoise préférera souvent opter pour un restaurant où le cadre est représentatif de la nationalité des plats servis.
Outre la composition des plats et les aspects cités ci-dessus, un restaurant chinois est identique à un autre restaurant.
Quels sont les avantages et les désavantages de votre métier ?
Avantage(s) : le métier de restauratrice est très intéressant sous différents aspects. On a l'occasion de rencontrer beaucoup de monde, on doit perpétuellement se remettre en question car chaque jour est différent et, surtout, on est son propre patron.
Inconvénient(s) : ils sont nombreux : les journées sont très longues et les horaires astreignants. En tant que patronne, je dois être continuellement présente, que ce soit vis-à-vis de la clientèle qui l'exige que vis-à-vis du personnel. Les charges, elles aussi, sont très lourdes, surtout lorsqu'on possède du personnel (ONSS, TVA, factures fournisseurs, etc.). Il faut donc avoir les épaules solides et également ne pas confondre recette et bénéfice.
Pouvez-vous expliquer l'organisation de votre restaurant ?
En cuisine, il y a un chef cuisinier qui organise tout le travail, cinq cuisiniers et deux plongeurs.
En salle, il y a un barman et six chefs de rangs. Il y a un roulement qui s'effectue régulièrement pour chaque rang car, comme dans tout restaurant, certaines tables sont mieux situées que d'autres et, de ce fait, demandent plus de travail. Il faut donc assurer un équilibre en ce qui concerne le travail de chacun.
Mon personnel est cosmopolite : la moitié est asiatique, les autres sont belges, italiens, etc.
Il y a aussi des extras qui viennent travailler le week-end, en salle et en cuisine.
Votre profession est-elle rentable ?
Il y a moyen de bien gagner sa vie si l'on est travailleur, rigoureux (dans la comptabilité) et toujours à la recherche de nouvelles idées.
Quelles sont les connaissances indispensables dans votre métier ?
Il faut posséder de bonnes connaissances en gestion, en management et en langues (français, chinois et anglais particulièrement).
Travaillez-vous en équipe ?
Oui, nous travaillons en équipe et c'est primordial lorsqu'il y a beaucoup de personnel. Il faut absolument créer un esprit de respect mutuel et d'entraide. Un chef de rang plus lent, par exemple, travaillera avec un collègue plus rapide. Ainsi le client sera satisfait du service et cela aura naturellement des conséquences positives au niveau de l'entente du personnel.
Quelles sont les qualités essentielles qui sont exigées dans l'exercice de votre profession ?
On doit être courageux, rigoureux (au niveau de la gestion), avoir le sens de l'accueil et des relations publiques. Il faut aussi posséder beaucoup de sensibilité et d'intuition afin de pouvoir satisfaire le client au maximum et donc aller au devant de ses désirs. On doit également proposer le meilleur rapport qualité-prix et ne pas hésiter à aller à la source pour choisir des produits de qualité.
Il faut aussi s'imposer une ligne de conduite assez stricte et, surtout, être soutenu par sa famille car il n'est pas facile de concilier une vie professionnelle aussi remplie avec une vie familiale saine et régulière.
Votre profession convient-elle à une femme ?
Il est vrai que c'est une profession très difficile pour une femme. Il faut être lucide et très bien armée face aux divers problèmes qui peuvent, à tout moment, survenir.
Sur quels critères basez-vous votre choix lors de l'engagement de votre personnel ?
Je demande qu'ils soient dynamiques, qu'ils possèdent une gentillesse naturelle et le sens des responsabilités.
De plus, en ce qui concerne plus particulièrement le personnel de salle, ils doivent avoir une bonne présentation, le sens de l'accueil, une bonne élocution et posséder des connaissances valables en français (ce qui n'est pas toujours le cas pour le personnel asiatique) et en anglais. Le personnel de cuisine doit aussi, cela va de soi, posséder de réels talents culinaires.