Interview anonyme, Avocat
Pourquoi avoir choisi d'exercer la profession d'avocat ?
Je suis passionné de théâtre. Tout petit déjà, j'adorais me produire en spectacle devant un public. La plaidoirie, qui est une sorte de théâtralisation du métier d'avocat, m'a toujours fasciné. C'est pourquoi je me suis inscrit en droit à l'UCL. Mais je dois vous avouer que j'ai été assez déçu de mes études. J'espérais pouvoir apprendre à plaider ou tout du moins travailler sur des cas concrets. Or, il faut savoir que le master en droit est fort théorique. Trop même à mon goût. Toujours est-il que, comme j'avais la ferme intention de d'exercer ce métier, je me suis accroché. Mon diplôme en poche, j'ai été travaillé chez un avocat qui m'a formé durant les trois années de stage obligatoires. Je dois reconnaître que j'ai eu énormément de chance d'aboutir chez lui car il m'a tout de suite mis au feu. Peu de temps après être arrivé chez lui, il m'a confié des dossiers plus ou moins importants à traiter et même des plaidoiries ! Je me suis occupé de la récupération de créances, de contentieux du travail, de divorces, etc. J'ai touché ainsi à quasiment toutes les matières du droit ! C'est clair que, avec mon caractère, s'il m'avait confiné dans du travail de secrétariat, je ne serais pas resté longtemps.
Quels sont les points positifs et négatifs que vous retirez de vos études ?
J'ai adoré l'ouverture d'esprit qui s'opère en vous quand vous faites ces études. Cela vous permet de toucher à toutes les branches du droit, à tous types de matières. Par contre, j'ai très souvent pesté sur l'absence de travaux pratiques. Je peux comprendre qu'un stagiaire qui débuterait chez un avocat soit complètement perdu si on lui demande d'introduire une procédure ou de faire des recherches. Mais ces études sont indispensables pour devenir avocat. Il faut donc simplement être conscient qu'il reste encore un tas de choses à apprendre. Ces choses-là, c'est le stage qui doit vous les inculquer.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler isolément ?
Pour l'indépendance, être mon propre patron, jouir de ma liberté dans mon travail. Ce sont d'immenses privilèges pour moi. Mais tout n'est pas rose, je le concède. Il y a d'autres facettes qui rendent l'exercice du métier plus difficile. La moindre n'est pas l'aspect financier. Un avocat isolé travaille comme indépendant et de ce fait, a de lourdes charges sociales. En outre, le terme le dit bien : on est «isolé», tout seul. Ce n'est pas toujours agréable. Parfois, on aimerait bénéficier de conseils d'un autre avocat. Pour ma part, je pense de plus en plus à m'associer. Je vais bientôt m'installer avec une autre avocate.
Par ailleurs, étant isolé, je suis forcé de travailler énormément. Je dois satisfaire toute une série de clients. J'ai plusieurs dossiers à traiter en même temps ce qui me mène à travailler six jours sur sept. Je commence très tôt le matin et finit très tard le soir. Pour être un bon avocat et avoir des clients, il n'y a pas de secret : il faut travailler !
Y a t il encore un avenir pour les avocats isolés ?
On peut sérieusement se poser la question. Mais je reste convaincu qu'un avocat de quartier aura toujours des clients au même titre qu'un «médecin de famille». Les clients auront toujours besoin de ce contact personnel et régulier dans toute une série de matières telles que le droit familial et pénal et non du contact froid et distant que l'on connaît dans des matières plus économiques.
De quel ordre sont les affaires que vous traitez ? Pouvez-vous donner des exemples ?
J'ai fait du droit familial ma spécialisation parce que j'ai toujours marqué un certain intérêt pour ce type d'affaires. Je traite ainsi par exemple des cas de divorce, des factures impayées, des litiges en rapport aux CPAS ou encore des allocations de personnes en situation de handicap. C'est très étrange mais il arrive aussi fréquemment que je doive jouer les assistants sociaux. Certains de mes clients me confient leurs problèmes personnels qui, parfois, n'ont rien à voir avec le droit. Il importe donc surtout de les écouter, les comprendre et trouver avec eux la solution la plus idéale à leurs problèmes. Il m'arrive aussi fréquemment d'avoir un retour sur les affaires que je traite. Mes clients m'écrivent ou reviennent dans mon bureau pour me remercier de l'aide que j'ai pu leur apporter. C'est très gratifiant. Je pense d'ailleurs que c'est l'un des avantages des petits cabinets d'avocats par rapport aux gros : la relation que l'on parvient à créer avec les clients. Beaucoup d'entre eux considèrent qu'en confiant leur affaire à un avocat isolé, ils auront un contact plus humain. Je connais un avocat qui rendait visite régulièrement à un enfant blessé dans un accident de voiture et qui avait été abandonné dans un hôpital.
Comment se déroule une journée d'un avocat isolé ?
Je commence ma journée par diverses tâches de secrétariat puis je revois certains dossiers avant de me rendre à l'audience. On ne s'en rend pas toujours compte mais nous accomplissons de nombreuses démarches au Palais de Justice : nous consultons des dossiers aux greffes et rencontrons nos confères. Les contacts entre avocats sont très importants tout simplement parce qu'ils peuvent parfois vous permettre de régler toute une série de choses à l'amiable et à ainsi éviter de grosses difficultés à nos clients respectifs. Contrairement à ce que certains pourraient penser, nous ne recherchons pas à tout prix à nous affronter devant le tribunal. Je consacre généralement l'après-midi à recevoir les clients.
L'image de l'avocat qui plaide est-elle surfaite ?
En partie oui. Le gros du travail de l'avocat se situe dans la constitution de dossiers, la recherche de la jurisprudence et de textes légaux applicables et la rédaction d'arguments écrits. Même dans le pénal, la plaidoirie a une importance moindre. Selon moi, le premier travail de l'avocat consiste à appréhender la législation en vigueur. Le second travail est d'essayer de la comprendre. Bref, selon moi, le travail de fond, bien que restant dans l'ombre, est plus important que la plaidoirie. D'ailleurs, au fil des ans, j'ai appris à apprécier tout autant ce type de travail que la plaidoirie. Essayer de trouver le «nid» du litige, puis le défaire, c'est particulièrement motivant.