Mr Kerstenne, Prothésiste dentaire
| Interview réalisée en janvier 2005 |
Quel est votre parcours professionnel ?
J'ai fait mon apprentissage à l'âge de 16 ans puis 2 ans de patronat puis, il y a une quinzaine d'années, j'ai repris le labo de mon père. Je suis donc indépendant, patron de mon labo, j'ai un ouvrier et mon épouse travaille avec moi, elle est technicienne aussi.
Faut-il un investissement important pour s'installer ?
Il existe deux manières d'envisager un labo :
- Si l'on fait de la prothèse résine, ce que l'on appelle communément des dentiers, il ne faut presque pas d'investissements. Ces labos deviennent minoritaires.
- Si l'on fait de la prothèse traditionnelle (dentiers et bridges, la porcelaine, etc.), là l'investissement est plus conséquent.
Avec les nouvelles technologies on fait, par exemple, des prothèses par ordinateur assisté et bien sûr l'investissement est beaucoup plus important encore. Pour amortir des machines de ce type, il faut un gros labo et faire beaucoup de sous-traitance.
Quelle est votre clientèle ?
Je travaille pour une quinzaine de dentistes.
Comment se déroule votre travail ?
En fin de journée, je fais une tournée, je collecte les empreintes chez les dentistes. Le matin, je procède au coulage des empreintes dentaires. Cette étape, qui consiste à remplir les empreintes avec du plâtre puis à démouler les modèles obtenus, nécessite entre une et trois heures de travail. Je réalise des montages à partir des empreintes pour pouvoir les travailler. Cela peut être une réparation de prothèse ou d’un bridge. Le reste du temps, je confectionne des prothèses. Les délais sont souvent courts, une journée, et quand les commandes sont nombreuses, je peux travailler jusqu'à minuit.
Qu'est-ce que vous fabriquez ?
Pour faire une prothèse, le dentiste va d'abord vous faire une empreinte sur un porte empreinte standard. Ensuite, pour réaliser la prothèse, je vais réaliser, à partir du moulage, un second porte empreinte aux mesures du patient.
Je fabrique donc la prothèse et ce qui sert à la créer, soit des prothèses en résine, des prothèses métalliques amovibles, des prothèses fixes comme des couronnes.
Quelles sont les compétences nécessaires pour exercer votre métier ?
Il faut être manuel, c'est un métier de très grande précision, je travaille au millimètre près. Être habile de ses mains et courageux.
Y a-t-il une formation continue ?
La Chambre de Médecine Dentaire organise des formations régulièrement. Ce sont des conférences, des colloques, des rencontres où toutes les nouvelles technologies sont abordées. Aucune formation n'est obligatoire mais elles sont indispensables pour prendre connaissance des nouveaux matériaux.
Que pensez-vous de l'adéquation entre la formation et votre métier ?
Je trouve que la formation par apprentissage est très bien parce que l'apprenti travaille en labo avant d'avoir son diplôme. On dit qu'il faut 10 ans pour faire un bon technicien. Il y a d'innombrables techniques à maitriser et un labo est obligé de se spécialiser. Dans tous les labos, il y a des ouvriers spécialisés qui ne font, par exemple, que la prothèse amovible.
Quels conseils donneriez-vous à une personne intéressée par ce métier ?
Par rapport aux études, il y a deux possibilités : une option en technique de qualification de prothèse dentaire ainsi qu'une 7ème technique de qualification en prothésiste dentaire, ou une formation de chef d'entreprise à l'IFAPME. Selon moi, le meilleur plan est de faire ses secondaires puis l'apprentissage. Un ouvrier qui va se spécialiser trouvera du travail.
Humainement, vous n'avez aucune reconnaissance du patient : comment le vivez-vous ?
A ce niveau, c'est un métier très ingrat, je m’adresse uniquement à des professionnels ; vous ne pouvez pas maquiller ou rater quelque chose. Un monsieur qui viendrait installer de nouveaux châssis chez moi, s'il fait du bricolage et que ça parait correct, je n'y verrai que du feu ! Le dentiste qui reçoit une prothèse sait ce qu'est une prothèse, c'est un professionnel. Et c'est vrai que, ne connaissant pas les patients, les remerciements sont exceptionnels, cela arrive parfois par l'intermédiaire du dentiste.
Fait-on appel à des prothésistes pour d'autres clients que les dentistes ? Le cinéma ? Les animaux ?
Oui, dans le cinéma ou au théâtre, il arrive que l'on fasse appel aux prothésistes pour des "accessoires", j'ai dû créer un jour des dents de Dracula !
Au niveau des animaux, il existe des dentistes pour chiens mais ils sont rares en Belgique. Ceux-ci fabriquent des couronnes pour les chiens. Par contre, il n’est pas possible de leur faire de prothèses amovibles. Un jour, j'ai reçu une demande d'un dentiste pour son chien. Evidemment, la prothèse a duré 15 secondes, le chien l'a directement croquée !
Quel est l'aspect esthétique de votre métier ?
Le côté esthétique est très important, les patients veulent des dents blanches, de plus en plus blanches.
J’ai un panel de 16 teintes pour la couleur de l'émail. Avant, la moyenne la plus usitée était la huitième, aujourd'hui, c'est la deuxième ou la troisième. Les gens se font blanchir les dents.
Comment voyez-vous l'évolution de votre métier ?
Je pense que les petits labos vont disparaitre parce qu'il est impossible financièrement de supporter les frais d'investissements.
Sur le plan technique, ça va continuer à évoluer de plus en plus, à se robotiser mais le travail de l'Homme sera toujours indispensable.
Quels sont les avantages et les inconvénients de votre métier ?
Les avantages sont la satisfaction personnelle du travail bien fait et l'aide qu'on apporte aux gens, même si on ne les rencontre pas beaucoup !
Les inconvénients sont le stress, le travail qui varie selon la demande. Je peux avoir 3 ou 10 prothèses à faire pour le lendemain, les échéances sont réduites et les journées sont parfois très longues.