Mme Nathalie Cock, Ergonome
Interview réalisée en janvier 2009 |
Responsable de l'unité d'ergonomie au CESI, un des 15 Services Externes de Prévention et de protection au travail, qui mène ses missions en conformité avec la législation du bien-être au travail.
Comment êtes-vous devenue ergonome ?
Après mes études en kinésithérapie, j'ai intégré une unité de recherche de l'UCL où j'ai surtout travaillé sur les troubles musculosquelettiques (TMS) durant 13 ans. J'ai également à cette époque suivi parallèlement la formation en ergonomie dispensée par l'Université. Depuis plus de 10 ans, j'ai intégré l'équipe du CESI.
Quelles sont les missions du CESI ?
Veiller à la santé et au bien-être des travailleurs des entreprises, qui se sont affiliées chez nous, dans le cadre de leurs activités professionnelles. Cette notion de bien-être au travail recouvre la sécurité au travail, la protection de la santé du travailleur, la charge psychosociale occasionnée par le travail, l'ergonomie et l'hygiène industrielle. Le CESI permet l’identification et la maîtrise des risques liés au travail et conseille les entreprises affiliées. Nos experts (conseillers en prévention, médecins du travail, ergonomes, ingénieurs en construction, électromécaniciens, chimistes, assistants sociaux, toxicologues, hygiénistes industriels, psychologues, kinésithérapeutes, etc.), développent à cet effet, en complémentarité avec l’entreprise, toute activité susceptible de promouvoir des actions de prévention et de protection et ayant pour objectif le bien-être des travailleurs et l’amélioration de leurs conditions de travail. En 2009, il y avait 17000 entreprises qui avaient recours aux services du CESI.
Pouvez-vous nous parler plus spécifiquement de l'unité "ergonomie" dont vous êtes la responsable ?
Les ergonomes du CESI, qui sont au nombre de six, interviennent à trois niveaux pour :
- concevoir et aménager correctement les postes de travail par l’étude et l’amélioration des contraintes musculosquelettiques, l’étude de l’environnement physique de travail (bruit, vibrations, éclairage, températures, qualité de l’air dans les bureaux, etc.), et l’optimalisation du traitement de l’information ;
- sensibiliser les travailleurs de l'entreprise et la hiérarchie aux risques liés à leur activité professionnelle (tels que les risques liés au travail sur écran, aux ambiances bruyantes, à la gestuelle lors de la manutention manuelle de charges, etc.) ;
- former les travailleurs aux techniques de prévention spécifiques aux risques rencontrés.
Tous nos ergonomes peuvent intervenir dans ces trois niveaux mais, en tant que responsable de l'unité, je veille à ce que chacun d'entre eux effectue son travail en fonction de ses affinités.
Sur quels points précis l'ergonome peut-il avoir une influence ?
L'aménagement de bureaux, l'adaptation ergonomique de lignes de production dans l’industrie, l'accompagnement dans certains projets de construction (conception) ou de réaménagement (crèches, unités de soins, locaux de production), les risques musculosquelettiques, la détermination de la charge physique de travail et des temps de repos adéquats, la formation à la bonne gestuelle et à la manutention manuelle de charges ou de personnes, la gestion de l’agressivité physique et verbale, la sensibilisation aux risques liés au travail sur écran de visualisation. Nos ergonomes sont également amenés à travailler sur ce que l'on appelle les "facteurs physiques d'ambiance".
Quels sont-ils ces "facteurs physiques d'ambiance" ?
Ce sont des éléments que l'on retrouve dans les locaux de travail. Généralement, les locaux doivent avoir une température et un taux d’humidité convenables, un éclairage adapté à la tâche ainsi qu'un niveau de bruit acceptable. La taille des locaux doit également répondre à certaines normes et garantir aux travailleurs la liberté de mouvement nécessaire à leur travail. Lors de la visite du lieu de travail, l'ergonome du CESI examine le contexte de travail et détermine les obligations qui en découlent.
Le CESI, comme la plupart des autres services externes, organise des formations. De quels types ?
Voici, parmi d'autres, quelques exemples de formations, qui allient théorie et pratique, que nous organisons régulièrement et qui sont données par nos ergonomes :
- formation à une bonne gestuelle et à la manutention de charges : pour toute personne amenée à manipuler des charges, à réaliser des efforts physiques ou à travailler dans des postures inconfortables au sein de son entreprise. Un module de formation plus approfondi existe également pour toute personne amenée à prodiguer des conseils ou à former des collègues à la manutention manuelle de charges ;
- formation manutention de personnes : pour toute personne (infirmière, kinésithérapeute, etc.) amenée à déplacer ou mobiliser des personnes. De même un module de formation plus approfondi existe également pour toute personne amenée à prodiguer des conseils ou à former des collègues à la manutention de personnes, à déplacer des patients ou des personnes âgées ou moins valides ;
- formation à la prévention des troubles musculosquelettiques : cette formation permet au travailleur d’acquérir les bons gestes et les bonnes postures afin d'éviter les maux de dos et les TMS des bras. Les personnes seront également sensibilisées à l’importance de l’aménagement correct de leur poste de travail (hauteur de travail correct, distances d’atteinte à respecter, etc.) ;
- formation aux risques liés au travail sur écran : pour apprendre à organiser, régler et adapter son poste de travail afin d’éviter la survenue de pathologies musculosquelettiques.
Pouvez-vous nous décrire l'un ou l'autre exemple de travail effectué récemment par vos ergonomes ?
Une entreprise affiliée à notre service nous a contactés car elle souhaitait modifier ses bureaux individuels pour faire un grand plateau paysager. Un de nos ergonomes est allé sur place inspecter les lieux, étudier les différentes possibilités d'aménagement (au niveau de l'espace, de l’orientation des bureaux, de la lumière, de l'acoustique). Une autre société nous a demandé d'effectuer un mesurage de bruit dans un nouvel atelier. Pour chacune de ses missions, et pour les autres également, nos ergonomes procèdent de la même façon : une visite préalable destinée à analyser la situation, des interventions directes (formation, mesurage) et/ou proposition, via rapport, d'éventuelles mesures d'amélioration.
Les mesures recommandées par l'ergonome sont-elles toujours suivies par les directions ?
Souvent mais pas toujours malheureusement, pour des raisons de coût.
Combien de temps peut durer une analyse ergonomique ?
Une mission d'analyse peut durer plusieurs jours. Tout dépend de la mission et de la taille de l'entreprise. Les interventions de l'ergonome sont généralement ponctuelles. Toutefois, on essaie de mettre plus régulièrement à disposition d'une entreprise un de nos ergonomes. Celui-ci s'y rendra une à quatre fois par mois ce qui lui permettra de mieux connaître cette société, de constater plus rapidement les problèmes existant et donc d'éviter d'en voir apparaître de nouveaux.
Y a-t-il un volet administratif important ?
Après avoir effectué son analyse de la situation, l'ergonome rédige un rapport qui peut être plus ou moins conséquent en fonction de la mission. Ce rapport doit évidemment être bien structuré et synthétique. On y retrouve des photos et des croquis mais surtout des propositions d’amélioration.
Quelles qualités principales doivent avoir vos ergonomes ?
Outre des capacités d'ouverture et des facilités de contact, ils doivent aussi être très créatifs. C'est absolument nécessaire pour réaménager ou concevoir convenablement un espace.