Mr Pascal Naveaux, Contrôleur aérien
Interview réalisée en janvier 2005 |
Officier (capitaine), spécialisé dans le contrôle aérien.
Qu'est-ce qu'un contrôleur de la circulation aérienne ? Quelles fonctions exerce-t-il ?
Le but du contrôleur de la navigation aérienne est d'assurer la sécurité du trafic aérien et de le rendre le plus fluide possible. Il est en quelque sorte l'agent de police qui évite les bouchons et rend le trafic plus aisé, mais dans un espace tri-dimensionnel.
Y a-t-il différents types de contrôleurs aériens ?
Non, pas vraiment, mais on doit savoir tout faire : le contrôle au sol, le contrôle dans la zone de l'aérodrome, être en relation avec les météorologues, le personnel au sol, etc.
Comment se déroule une journée d'un contrôleur ?
L'ouverture officielle de la base se fait généralement à 8 heures. Avant de monter en tour, nous faisons généralement une inspection de la piste et des infrastructures (taxi, tests radio, etc.). Une demi-heure après l'ouverture officielle, nous donnons un briefing aux pilotes. Cela dure maximum dix minutes, on leur fait part d'éventuels changements (réparations, radar), on leur donne l'état des autres bases militaires, on leur fournit des informations purement aéronautiques (consignes OTAN), etc. On monte ensuite à la tour ou au radar et on commence réellement notre travail de contrôleur de la navigation aérienne. Tout est fonction du trafic, il y a quelques heures de pointe, mais ce n'est jamais aussi important que dans le civil. On n'est d'ailleurs que deux dans la tour. La principale différence, c'est le trafic irrégulier : à Zaventem, tel avion décolle tous les jours à la même heure. Chez nous, les missions des pilotes ne sont jamais régulières. La fermeture officielle est prévue à 17 heures, mais il faut quelquefois rester pour des vols de nuit. Il y a beaucoup de rotation dans l'équipe, on travaille généralement 3 jours par semaine.
Quelles sont les qualités d'un contrôleur ?
Il doit tout d'abord avoir une certaine résistance au stress, ou en tout cas savoir le gérer. Il ne doit pas s'énerver et rester patient.
Il faut également avoir de l'autorité, surtout au niveau militaire. On a en permanence des contacts avec des plus haut gradés, mais on doit leur donner des ordres et montrer qu'on est maître de la situation. Il faut également avoir le sens des responsabilités.
Dans ce métier, il y a beaucoup de paramètres à gérer, il faut donc pouvoir s'occuper de beaucoup de choses en même temps et écouter plusieurs sources en même temps : l'appel du pilote, les informations du météorologue par téléphone, les consignes du collègue qui s'occupe d'un autre avion, etc. Mais tout cela s'apprend en formation, on travaille beaucoup sur simulateur avant de tenir un poste.
Cela implique donc qu'il est indispensable de travailler en équipe et ce n'est pas toujours évident parce que certains font moins que d'autres ou posent problème. Pour résumer, il faut être idéaliste et même parfois un peu fou, parce que ce n'est pas mieux payé qu’un autre métier alors que, à mon avis, c'est beaucoup plus difficile.
Quels défauts sont sanctionnés ?
Notre travail est, essentiellement, un service rendu aux pilotes et à la base. On est là au service des gens et on travaille en équipe, celui qui fait ce métier pour son profit personnel n'a aucune chance de réussir.
D'un point de vue physique, y a-t-il des contraintes ?
Il faut, évidemment, avoir une bonne vue : il y a d'ailleurs un examen médical d'aptitude, à passer tous les ans. Il ne faut pas être daltonien, avoir une vue en relief, ne pas avoir un défaut physique grave.
Aux examens, il y a aussi des tests auditifs, des tests psychomoteurs (coordination dans l'espace, évaluation des distances, etc.). En marge de cela, il y a, de toute façon, les tests militaires classiques.
Quels sont les points positifs de votre métier ?
On a beaucoup de responsabilités. Mais attention, on est responsable en bien et en mal de tout ce qui se passe sur la piste et dans la zone. Au moindre accident, ça coûte cher. A côté de cela, on participe un peu à la vie et au rêve de l'aviation puisqu'on est le contact entre le ciel et la terre.
Y a-t-il des points négatifs ?
Non, si ce n'est les horaires irréguliers (se lever à 4 heures du matin, exercices de nuit) et les exercices militaires qui reviennent régulièrement.
Quelles sont les connaissances requises pour se présenter à la formation ?
Il y a tout d'abord l'anglais qu'il faut comprendre et parler. En formation, on étudie tous les termes précis en aéronautique et dans la pratique, on doit pouvoir comprendre tous les pilotes qui ont des prononciations différentes. Je peux vous dire que ce n'est pas toujours facile de comprendre un Américain, un Italien et un Français qui parlent anglais. A part cela, le niveau secondaire supérieur suffit avec une bonne préparation en mathématiques.
Quelles connaissances doit-on acquérir par la suite ?
On revoit une partie des matières enseignées dans le secondaire et on étudie l'aérodynamique, la navigation, la météorologie, les télécommunications, les réglementations du contrôle aérien et un minimum de connaissances des bases belges et étrangères.
Comment se déroule la formation à l'armée ?
On peut suivre deux filières : l’École Royale Militaire ou sous-officier (Safraanberg puis Coxyde). A l'ERM, après avoir réussi ses années en Polytechnique ou en Toutes Armes, on choisit la formation de contrôleur de la navigation aérienne en fonction des places disponibles (francophones et néerlandophones). Dans ma promotion, nous étions 5 francophones, 2 sont allés en Allemagne, 2 ont trouvé une place dans une unité de défense et je suis allé à Florennes.
Après l'ERM, les candidats vont à l'école de Coxyde et rejoignent une promotion de sous-officiers qui sont déjà là depuis 3 mois. Ils doivent rattraper le retard et suivre le cours en 17 semaines alors que les sous-officiers ont 28 semaines. Il y a trois examens tout au long de la formation.
Ensuite, chaque candidat fait une visite d'une semaine dans une base, puis entame un stage pratique en tour de 6 mois. Si le stage est réussi, on commence la théorie radar pendant 18 semaines avec examen final sur simulateur.
Et ce n'est pas fini : il faut retourner en base pour un stage radar de 6 mois. Le stage réussi, le candidat est contrôleur aérien. Par la suite, il y a possibilité de passer un brevet "d'Area controler". Cela prend en tout environ 4 ans.
Pour les sous-officiers, il faut au minimum avoir un diplôme d'enseignement secondaire pour se présenter à la formation. Après examen d'entrée, il faut suivre un an de formation à Safraanberg. Une fois les examens réussis, les candidats doivent choisir : contrôleur de la navigation aérienne ou opérateur. S'ils choisissent contrôleur, il vont à Coxyde et suivent la formation que je viens de décrire. S'il veulent être opérateur, ils sont affectés à une base et peuvent être contrôleur d'interception (c'est-à-dire diriger les avions de chasse, une fonction purement militaire).
Le candidat est-il certain de trouver une place par la suite ?
Oui, il y a toujours un manque, car on a besoin de rotation. Mais attention, il y a un certain filtre, on ne peut pas accepter tout le monde à la fois.
Peut-on ensuite se diriger vers le civil ?
Oui, et d'ailleurs beaucoup essaient parce que la formation est gratuite à l'armée. On est déjà tous formés et rentables, donc aptes à aller travailler dans le civil où l'on gagne plus, mais ce n'est pas si facile que cela d'y entrer.
Et pour terminer, une anecdote ?
On a déjà eu des cas assez amusants. Un pilote d'hélicoptère américain a dû atterrir dans un champ non loin d'une base militaire. Ne pouvant retrouver sa trace sur radar, on a essayé de deviner sa position en dialoguant par radio. Il a tenté d'expliquer où il était pour qu'on puisse aller le chercher. Il a dit qu'il était à côté de la "Twit doée". Personne ne comprenait et ne savait où c'était. Des habitants ont téléphoné et on a tout de suite compris quand ils ont dit qu'un hélicoptère avait atterri dans le jardin du restaurant "La Truite Dorée" !