Interview anonyme, Magicothérapeuthe
Interview réalisée en avril 2004 |
Que faites-vous en tant que magicien, dans le cadre d'une thérapie ?
En collaboration avec un thérapeute, j'apprends aux enfants en situation de handicap des tours de magie pour les revalider et les revaloriser. Cela leur offre un stimulus personnalisé qui déclenche l'envie de se dépasser en évitant de pratiquer passivement les exercices de revalidation avec comme unique souci la poursuite de la thérapie. L'enfant va retenir les bons mouvements puisque ceux-ci doivent aboutir à la réussite du tour de magie.
Le thérapeute aide le magicien à adapter ses tours à la maladie selon tel angle, tel type de mouvement avec telle amplitude. Les tours de magie peuvent être adaptés à n'importe quelle pathologie.
Qu'apportez-vous aux enfants ?
Tous les enfants rêvent au moins une fois dans leur vie d'être magicien, d'apprendre des tours de magie. Avec la magicothérapie, les patients mettent leur handicap au second plan : le but est d'arriver à faire le tour et les résultats sont valorisants.
Quelles sont les difficultés de cette activité ?
La première chose à apprendre est de ne pas se laisser envahir par les problèmes de santé des patients. Face à la mort, je reste démuni et je dois gérer cela pour ne pas me laisser déborder par mes sentiments. Il faut arriver à faire participer tout le monde, à tenir compte de la spécificité des pathologies.
Je dois être à même de pouvoir me retourner dans n'importe quelle situation, ne jamais me laisser surprendre ou dépasser. Pour cela, il faut un mental positif et solide, beaucoup de confiance en soi et de l'imagination. Ne jamais rejeter ceux qui sont différents, les faire participer autrement. Je suis gaucher et si un enfant doit faire travailler sa main droite, je dois être capable de refaire sans hésitation le tour de la main droite, même si je ne l'avais jamais fait auparavant.
Une autre difficulté est d'arriver à proposer des tours sans les imposer aux patients. Dans certains cas, il faut s'adresser à eux avec une bonne dose de psychologie pour leur communiquer l'envie de se battre. Il convient parfois de prendre des pincettes pour s'adresser à eux. J'étais en train d'expliquer un tour de magie qui nécessite l'utilisation des deux mains, quand un monsieur hémiplégique qui avait perdu l'usage de son bras droit m'apostrophe, furieux : "Et moi, je fais quoi avec ça?" en montrant son bras immobile. J'ai réagi au quart de tour en posant mon bras droit sur ma jambe exactement comme lui, et j'ai entrepris de faire passer ma baguette de la main gauche à la main droite sans bouger le bras droit afin de lui montrer qu'il pouvait le faire lui aussi. Il a fini par arriver à faire le tour.
La magicothérapie est-elle une spécificité belge ?
C'est le célèbre magicien américain David Copperfield qui a commencé à mettre cette pratique au point en 1982. Mais il s'agit plus de clown doctor que de magicothérapie : le magicien fait un spectacle et apprend quelques tours aux enfants après le spectacle. La Belgique est le seul pays du monde à réellement faire intervenir la magie dans la thérapie.
En Italie, le magicien fait simplement un tour pour détourner l'attention de l'enfant pendant que le médecin fait une piqûre. Mais de nombreux pays ont envie de nous suivre et même David Copperfield nous a félicités. Aujourd'hui nous voulons que cela devienne un vrai métier rémunéré.
Que vous apporte le bénévolat ?
Cela m'apporte et apporte aux autres. Un jour, cette activité sera reconnue au même titre que les autres professions et je ne désespère pas. Je pense que les bénévoles d'aujourd'hui seront les professionnels de demain.
Quels sont vos parcours scolaire et professionnel ?
J'ai commencé la magie à l'âge de 10 ans. Deux ans plus tard, j'ai rencontré Klingsor, le roi de la magie à l'époque, qui m'a initié à la manipulation et à la scène. J'ai ensuite appris à faire le clown, à manipuler des ballons, la ventriloquie. A 20 ans, j'ai commencé à faire mes premiers spectacles. Je suis un autodidacte.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait être magicothérapeute ?
Je lui conseillerais de commencer la magie très jeune, de s'inscrire dans un club de magie pour en apprendre un maximum.