Mme Raphaëlle Swinnen,
Formatrice en informatique

 Interface 3 est un organisme de formation continue destiné aux femmes

Pourriez-vous présenter brièvement Interface 3 ?

L'idée centrale est de former les femmes aux nouvelles technologies afin de favoriser leur insertion dans un secteur où elles sont peu représentées. Actuellement, les métiers de l'informatique ne comptent que 10 à 15 % de femmes. Pour se projeter dans un métier, il est important d'avoir face des figures d'identification qui ont pu assimiler cette matière, qui sont capables de développer des applications et qui ont réussi dans ce domaine. C'est pourquoi notre centre emploie exclusivement des formatrices.

Nos programmes sont flexibles : chaque année nous tentons de les adapter à l'évolution du marché de l'emploi mais aussi aux groupes de stagiaires. Nos formations durent entre 6 et 12 mois, en journée (8 h 30 - 16 h 30 ou 9 h - 17 h) et pendant la moitié des congés scolaires. Chaque formation se clôture par un stage professionnel de 6 semaines et 70 % de nos stagiaires trouvent un emploi.

Comment s'explique la sous-représentation des femmes dans le secteur des nouvelles technologies ?

C'est une question culturelle. Les femmes ne sont pas projetées vers des métiers techniques et ça commence avec l'éducation. Dès l'enfance on leur donne comme jouets des poupées plutôt que des robots ou du matériel technique et on leur apprend plutôt à développer l'aspect communicationnel, l'écoute et l'attention aux autres. Cette orientation se marque jusqu'au choix de la formation : les femmes auront tendance à privilégier les sciences humaines plutôt que les sciences exactes.

Quel est le profil des stagiaires ?

Pour des raisons administratives, 3 de nos formations s'adressent en priorité aux personnes qui n'ont pas terminé leurs études secondaires. Il y a 3 autres formations ouvertes à tout type de public qui exigent néanmoins un niveau de qualification plus élevé et des capacités d'assimilation plus fortes (programmation, gestion de réseaux, etc.). La moyenne d'âge de notre public est particulière et se situe entre 25 - 35 ans, voire 45 ans. Les femmes qui souhaitent se recycler après 25 ans ne trouvent pas toujours de la place dans d'autres centres ou se sentent mal à l'aise dans des écoles où elles côtoient des personnes plus jeunes.

Les stagiaires rencontrent-elles des problèmes au cours de leur formation ?

Ce sont généralement des problèmes d'ordre social puisque nos stagiaires sont fragilisées sur le marché de l'emploi. En plus de leurs préoccupations financières, elles doivent également s'occuper de leurs enfants, ce qui implique un double temps de travail. Heureusement, un des points forts de nos formations est l'importance accordée à la pratique : nous faisons beaucoup d'ateliers, développons de nombreux projets (création de sites, développement de réseaux, etc.). Il y a aussi des phases de découragement et de doute qui sont liées au manque de visibilité de ces nouveaux métiers. Les stagiaires s'interrogent sur l'utilité des matières abordées et se demandent si elles ne seront pas vite obsolètes.

Le cours que l'on dispense comprend une dimension technique et une dimension graphique mais nous insistons bien, lors de la procédure de sélection, sur le fait que la programmation prime. Il faut donc assumer les 2 facettes de la formation.

Nos stagiaires manquent d'autonomie. Sur leur propre initiative, elles doivent faire la démarche d'aller sur Internet et trouver l'information en rapport avec tel ou tel logiciel. Dans le contexte d'un marché très évolutif, elles craignent de ne jamais en savoir assez. 

Quel est le profil des formatrices d'Interface 3 ?

Aucune formatrice n'a fait d'études liées à sa fonction actuelle. Raphaële a un profil de chimiste, une autre est psychologue, etc. Nous privilégions à la base des personnes qui sont pédagogues et qui ont un feeling informatique. Aussi les formatrices exercent d'autres fonctions : elles gèrent notre parc informatique (réseau de 150 postes) et maintiennent nos 3 sites, ce qui leur permet d'apprendre les bases de données en ligne, etc.

Raphaële, pourriez-vous parler de vos parcours scolaire et professionnel ?

J'ai un master en chimie. Ensuite, j'ai souhaité me réorienter vers l'informatique et j'ai suivi une formation (1 an) d'Interface 3 en télécommunications et multimédia. Dans ce cadre, j'ai été initiée à l'HTML et à la programmation. Je suis passionnée par la programmation Internet, et au cours de mon stage, j'ai participé à l'élaboration d'un Intranet. Ensuite, je suis revenue en tant que formatrice. Auparavant, j'étais autodidacte et plutôt bidouilleuse. La formation d'Interface 3 m'a vraiment permis d'asseoir mes bases de connaissances.

Un formateur en multimédia est-il avant tout un bon pédagogue ou un expert dans l'utilisation des produits et services multimédia ?

Il faut forcément un juste équilibre entre les 2. Il est impossible de bien donner cours sans la maîtrise technique, mais la pédagogie est nécessaire pour faire passer un message. Il faut adapter son langage afin qu'il soit compréhensible et se remettre perpétuellement en question.

Quel est le profil de la formatrice idéale ?

Tout d'abord, il faut être passionné par ce que l'on fait. En dehors de mes activités de formatrice, je suis vraiment passionnée par la création de sites Web. J'ai mon propre site qui me permet de me poser des questions, de me lancer des défis et de trouver des exercices intéressants à proposer aux stagiaires. Sans le côté applicatif, les exercices peuvent sembler vides de sens.

Quelles sont les qualités humaines requises ?

Il faut aimer partager son savoir et, évidemment, avoir beaucoup de pédagogie pour bien gérer la dynamique de groupe et parfois les conflits qui peuvent naître. Il faut avoir énormément de patience, notamment pour répéter plusieurs fois la même chose avec des termes différents. Il faut aussi faire preuve d'une grande disponibilité, parce que certaines stagiaires n'osent pas poser les questions pendant les cours et le font pendant la pause à midi ou après 16 h 30. Il faut faire preuve d'assertivité pour garder la ligne directrice de la leçon. Enfin, il faut être crédible et connaître le marché de l'emploi pour rassurer les stagiaires.

A quoi ressemble une semaine type pour vous ?

Pour l'instant, je donne cours pendant 3 demi-journées. Je recherche et mets en place des exercices, je rédige des notes, etc. Je développe (programmation) également pour notre organisme et je gère les serveurs. Je dois donc faire beaucoup de veille technologique, afin de rester à niveau. Je dois compter 2 jours complets sur 3 week-ends où j'aurai le nez collé devant mon ordinateur. Je suis abonnée à des mailing lists qui proposent une information continue sur les nouveautés pour assurer le suivi des stagiaires. Le fait de tester de nouveaux programmes est aussi lié à ma fonction de gestionnaire de site.

Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre métier ?

L'aspect le plus positif est à nouveau lié à l'idée du partage : lorsque je croise des stagiaires qui me remercient pour ce que je leur ai apporté, c'est très gratifiant. Ce qui est plutôt négatif, c'est le grand investissement. Par exemple, les tests de nouveaux logiciels prennent énormément de temps et si je ne consulte pas mes mailing lists pendant 2 week-ends consécutifs, je sens immédiatement qu'il y a des choses qui m'échappent.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait exercer votre métier ?

Il faut savoir qu'au-delà des 38 h/semaine prestées dans le cadre d'un contrat de travail, l'informatique implique un grand investissement personnel. Cela dit, il faut faire la part des choses et préserver sa vie privée.


 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.