Robin C.,
Plongeur démineur sur un chasseur de mines
Interview réalisée en décembre 2022 |
Comment s’est passée votre formation pour devenir plongeur ?
La formation pour devenir plongeur est assez difficile. Elle dure neuf mois. Pour y avoir accès, il faut passer des épreuves médicales particulières, ainsi que des tests sur ordinateurs propres à la fonction. Il faut aussi réussir des épreuves sportives qui ont lieu à Zeebrugge. Il faut beaucoup de volonté, une santé de fer et une très bonne forme physique : nous sommes directement « immergés » dans la fonction, au sens propre comme au figuré. Il y a énormément de pratique. Nous avons dû suivre plusieurs modules : nous avons d’abord appris toutes les techniques de nage et de respiration. Nous avons étudié les différents appareils respiratoires et avons appris à plonger avec divers mélanges gazeux qui nous permettent de rester plus longtemps sous l’eau.
En tant que candidat sous-officier, j’ai également eu l’opportunité de suivre une formation pour devenir démineur : cette formation est quasiment aussi longue que celle de plongeur. Lors de cette formation, nous apprenons à reconnaître les différentes mines, munitions et explosifs. Nous apprenons également à les désamorcer.
Que recommandez-vous pour maximiser les chances de réussite de la formation ?
Je recommande de se préparer à la fois mentalement et physiquement. Mentalement car il s’agit d’une formation très prenante et énergivore qui demande beaucoup de sacrifices par rapport à la vie personnelle des apprenants. Il faut s’y faire directement car ces sacrifices seront aussi le lot de tout matelot en fonction, quels que soit son rôle, son grade ou sa spécialisation. Physiquement car il faut avoir une santé irréprochable et être très athlétique.
La vie de matelot est donc une vie de sacrifices ?
Quand je dis qu’il y a des sacrifices, je veux dire que devenir matelot, ce n’est pas choisir un métier, c’est choisir une vie : il faut être capable de travailler sans horaire défini, d’accorder du temps à ses entraînements sportifs, de faire face à des situations stressantes, de partir loin et longtemps en mission, de subir parfois des conditions de travail et de vie peu confortables ou difficiles. Tous ces sacrifices n’en sont pas si on décide de s’engager en connaissance de cause, par passion pour la Défense et pour la mer.
Il y a bien des avantages ?
Bien sûr. D’abord les avantages sur papier : un bon salaire, des primes, des assurances hospitalisations… Et puis les avantages les plus importants, comme le fait de se trouver une deuxième famille, d’apprendre l’entraide, la vie en communauté. Les collègues deviennent de véritables bras droits, ils sont indispensables. Les liens qu’on peut créer n’ont rien à voir avec ceux que l’on a quand on travaille dans un bureau avec des horaires classiques.
En tant que plongeur, quelles sont vos principales missions ?
En tant que plongeur, je suis chargé d’effectuer des réparations sur la coque, les hélices… J’aide à localiser et à identifier les objets sous-marins, pour les neutraliser. En plus de cela, je suis également formé aux tâches de base des matelots service nautique : l’ancrage, l’amarrage, je participe, comme toute l’équipe, aux exercices de sécurité et à la vie en communauté. En tant que sous-officier, je supervise une équipe de plongeurs. Je m’assure qu’ils respectent bien les normes de sécurité, je les encourage, je transmets des ordres…
Votre métier est-il dangereux ?
Oui, on peut dire que c’est plutôt dangereux. Nous nous approchons, et parfois manipulons, des explosifs ! Il faut être particulièrement minutieux et précis. Il faut vraiment avoir bien en tête toutes les règles de sécurité. N’importe quelle erreur peut en effet être fatale. D’où l’importance de faire preuve de rigueur. Pour limiter les risques, une grande partie de la neutralisation des mines est d’ailleurs prise en charge par des machines. De plus en plus de nouvelles technologies sont mises en place pour justement assurer le plus possible la sécurité des matelots plongeurs-démineurs. Souvent, l’identification est également informatisée. On peut prévoir qu’un jour, il y aura une généralisation des drones sous-marins autonomes.
Vous pensez donc qu’il y aura une révolution technologique bientôt… C’est une bonne chose ?
Bien sûr. Cela nous permettra d’exposer le moins possible nos matelots.
Pouvez-vous citer deux qualités essentielles pour être un bon plongeur démineur ?
Le plongeur démineur est très fort physiquement : il est capable de porter des appareils très lourds sur le dos. Il doit supporter d’être immergé parfois jusqu’à 80 mètres de profondeur. Il fait face à des conditions de travail parfois difficiles : forts courants, eau glacée…
Il est également courageux : la vie de matelot est rude et fatigante. Malgré cela, le travail doit être fait. Il faut être capable de mettre ses émotions et sa fatigue de côté.
Même si vous m’avez demandé de citer deux qualités, je dirais qu’il y en a une troisième qui est essentielle : l’esprit d’équipe. Sans une bonne communication avec son équipe, et sans entraide, un plongeur ne pourra pas faire son travail correctement.
Quelle est l’opération qui vous a le plus marqué, en tant que plongeur ?
Je suis encore un débutant. Je n’ai donc pas encore eu l’occasion de faire de grosses missions à l’étranger en tant que plongeur. Cependant, il y a de quoi faire en Belgique ! On a du mal à le croire, mais la mer du Nord est envahie de mines et d’explosifs datant des dernières guerres mondiales. Déminer notre mer, c’est permettre aux bateaux et aux pêcheurs de voyager en tout sécurité. Il y a déjà eu des accidents à cause de ces explosifs : notre objectif est de sécuriser la mer et de faire en sorte que ça arrive le moins possible. Ma mission en Belgique, c’est de sauver des gens. C’est très valorisant, on se sent vraiment utile !