Mr Roger Joakim,
Professeur de chant à l’Académie Grétry
Interview réalisée en novembre 2018 |
Comment définissez-vous le chant ? Comment le présentez-vous à vos étudiants ?
À la différence des instruments de musique, le chant consiste à s’exposer soi-même. Chaque individu a sa personnalité propre, c’est plus riche qu’un simple enseignement technique. Enseigner le chant consiste avant tout à travailler sur la personne. Le chant est un don de soi, on expose ses sentiments sans la protection de l’instrument. Le rôle du professeur de chant s’apparente parfois au travail de psychologue, pour faire ressortir certaines personnalités qui sont au départ fermées. C’est une discipline très enrichissante, qui apporte à chaque fois de nouvelles découvertes. Chaque élève a ses qualités propres. On n’y rencontre pas la même répétition qu’on retrouve dans les cours d’instruments. Je donne également des cours de percussion, où je sais que je peux m’attendre à être confronté aux mêmes fautes aux mêmes endroits, aux mêmes erreurs de doigté ou de position, etc. Dans les cours de chant, cela ne se passe pas du tout comme cela, chaque élève est différent et c’est très intéressant.
Quels cours de chant donnez-vous exactement ?
Je donne des cours de chant classique : opéra, opérette, comédie musicale, mélodie, chant baroque. Ma spécialité est l’opéra, que je pratique, mais en Académie le professeur touche à tout. En revanche, je ne donne pas le cours de variété qui est aussi proposé dans l’Académie où j’enseigne. Je ne me sens pas apte à enseigner ce domaine, bien que j’adore cela.
Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
Je suis né dans une famille de musiciens. Comme Obélix, j’ai été plongé dedans depuis que j’étais tout petit ! J’ai commencé par un parcours d’instrumentiste percussionniste et pianiste, le chant est venu s’y ajouter par la suite. Dans un premier temps, je chantais par amusement, notamment en faisant les chœurs dans des opérettes. Le chant a fini par prendre le pas sur tout le reste, car je pense que c’est ce pour quoi je suis fait. Le fait d’avoir aussi un parcours d’instrumentiste est un plus, cela me permet d’accompagner mes élèves au piano dans les cours de chant. Nous n’avons plus droit à autant d’heures d’accompagnement qu’auparavant dans les Académies, c’est donc un atout de pouvoir le prendre en charge personnellement. Ma formation musicale est assez complète : rythmique, pianistique et vocale. Pour les chanteurs, il est important d’avoir une bonne base musicale. Il ne suffit pas d’avoir une bonne oreille. Il y a beaucoup de bons chanteurs aujourd’hui, la concurrence est rude et on exige plus d’eux, notamment d’autres qualités musicales. J’ai d’abord étudié à l’Académie Grétry, puis au Conservatoire Royal de Liège, où j’ai obtenu mon diplôme de percussionniste. C’est ensuite au Conservatoire Royal de Bruxelles que j’ai étudié le chant et l’art lyrique, avec Jules Bastin. Les études de chant me correspondaient mieux, je les trouvais beaucoup plus riches. De retour à Liège, j’ai d’abord travaillé comme accompagnateur de danse (ballet) au piano, puis comme professeur de percussion, car il n’y avait pas d’heure de cours de chant disponible. C’est vers 2000-2001 que j’ai commencé à enseigner le chant, quand les heures de cours se sont libérées. À côté de cela, j’exerçais déjà le métier de chanteur sur scène. Par rapport à mon vécu personnel, je me sens plus légitime comme professeur de chant. Je n’enseigne pas la percussion aussi bien puisque je ne la pratique pas professionnellement.
Vous avez donc un parcours d’artiste/chanteur en dehors de votre métier d’enseignant ?
Oui, mais je ne sais pas si cela durera encore longtemps. J’ai 48 ans et cela commence à devenir plus difficile. J’ai presque 25 ans de carrière comme chanteur. Il faut savoir que de moins en moins d’enseignants exercent sur scène parce que c’est devenu très compliqué de concilier les deux. J’ai la chance d’avoir un directeur d’Académie qui me donne des congés pour que je puisse aussi remplir mes contrats d’artiste, je lui en suis très reconnaissant. Ce n’est malheureusement pas le cas dans toutes les Académies. C’est dommage, car les meilleurs conseils que j’ai reçus provenaient de personnes qui chantaient sur scène. C’est plus riche pour nos élèves si l’apprentissage théorique se complète par la réalité du terrain. Cependant, tous les chanteurs professionnels ne font pas d’excellents profs et l’inverse est vrai également. Je chante principalement à l’Opéra Royal de Wallonie, depuis 23 saisons (23 ans), mais aussi parfois à l’étranger : Monaco, Bordeaux, Nancy, Toulon, Las Palmas en Espagne, Luxembourg, Oman au Moyen-Orient, Israël, etc.
Vos études vous ont elles bien préparé pour exercer votre profession ?
Elles m’ont bien préparé à l’enseignement du chant, mais pas à être sur scène. Certains ont la chance de posséder un instinct scénique naturel, un don exceptionnel. Pour ma part, il m’a fallu au moins cinq ans pour trouver ma place sur scène. À l’époque, c’était ma voix qui me sauvait et compensait mon manque de présence scénique. En tant qu’enseignants, nous sommes bien préparés et formés. Je le constate encore aujourd’hui avec les étudiants du Conservatoire de Liège qui effectuent leurs stages dans mes cours d’Académie. Leurs cours sont excellents et mes élèves en sont ravis !
Quelle pédagogie adoptez-vous dans vos cours ?
Le plaisir avant tout ! Les élèves viennent pour prendre du plaisir. L’Académie n’est pas faite uniquement pour former des professionnels. Il arrive parfois qu’un jeune talent se présente et nous le formons alors dans une optique de carrière. Mais la majorité des élèves sont des adultes qui viennent pour le plaisir. Je fais aussi preuve d’une certaine rigueur technique envers eux, mais elle ne sera pas la même qu’avec un jeune pour lequel je vois un potentiel de futur professionnel. Si chanter génère chez les élèves des angoisses et n’est plus un plaisir, ils ne peuvent pas bien chanter. Il m’est arrivé, rarement, d’avoir des élèves qui éprouvaient trop de trac à s’exposer. Cela prenait une place démesurée et devenait très négatif pour eux. Dans ce cas, je leur conseille d’arrêter. Il faut être capable de s’entendre, d’accepter ce qui sort de nous. Certains élèves ont d’abord été figurants à l’Opéra et ont été baignés dans l’excellence, dans ce qui se fait de mieux. Quand ils commencent à chanter, ils sont traumatisés par ce qui sort de leur bouche, car ils se comparent aux professionnels qu’ils ont côtoyés ou vus sur scène. Il faut être conscient qu’il faut 10 ans pour former une voix. Le professeur essaye de les aider à dépasser ces angoisses et crispations de départ afin qu’ils s’épanouissent dans l’apprentissage. À l’opposé, certains élèves se prennent d’emblée pour des divas et il faut les calmer. On rencontre des extrêmes, toutes sortes de personnalités. Le métier est très varié et fonctionne beaucoup au ressenti, en plus des notions techniques.
Dans quel(s) cadre(s) exercez-vous votre profession ?
J’ai toujours enseigné à l’Académie Grétry, j’ai également enseigné deux ans au Conservatoire et j’ai aussi donné quelques cours particuliers. Je trouve que les conditions de travail à l’Académie Grétry sont excellentes, pour une Académie en Wallonie. Nous accueillons beaucoup d’élèves et beaucoup d’activités extérieures sont organisées, notamment des concerts un peu partout dans la ville.
Travaillez-vous seul ou en équipe ? Collaborez-vous avec d’autres enseignants ?
Nous essayons de plus en plus de travailler en collaboration au sein de l’Académie. Il y a une bonne entente entre collègues. Le travail n’est cependant pas pour autant identique. Chacun fonctionne selon sa personnalité et son vécu en chant et c’est compliqué d’avoir une homogénéité. Les élèves nous choisissent aussi en fonction de nos particularités et personnalités. Les délibérations et évaluations sont collégiales. L’équipe fonctionne bien et la direction prône cet esprit d’équipe, c’est une dynamique d’école. Les élèves ont aussi le choix, la direction et les enseignants acceptent que les élèves changent de professeur, par envie pédagogique. Si l'on ne s’entend pas avec son professeur humainement parlant, cela ne peut pas fonctionner. En chant, pour que le cœur et le corps parlent, il faut se sentir à l’aise avec son professeur.
Combien de classes et d’étudiants encadrez-vous ?
Il ne s’agit pas de classes, mais de degrés. Le parcours complet en qualification dure 8 années qui peuvent s’étaler sur 11 années maximum (trois années "joker"). Il existe aussi un cycle de transition, des études préparatoires pour les élèves exceptionnels qui souhaitent plus tard étudier au Conservatoire et devenir professionnels. Quand nous repérons un jeune talent réel, nous le guidons vers le cycle de transition si c’est réaliste par rapport à ses études de jour. La formation de base en transition est plus fournie et comporte plus d’heures de cours. Elle ne s’adresse pas aux adultes, le public cible sera âgé de maximum 27/28 ans puisque c’est un tremplin vers les études supérieures au Conservatoire. J’encadre en général un ou deux élèves par an en filière de transition, en cours individuels. En filière de qualification, les cours sont semi-collectifs, avec en théorie deux élèves par période de 50 minutes (selon les règles décrétales). Dans la pratique, nous devons parfois les adapter en fonction des besoins. C’est parfois compliqué pour les élèves timides qui débutent d’avoir une autre présence dans la pièce. Plus ils avancent et ont des facilités, plus il est possible de les regrouper. Quand plusieurs étudiants ont la même voix, par exemple plusieurs filles sopranos, il est très utile de les regrouper, car elles profiteront des mêmes conseils. Il n’y aura cependant jamais plus de trois ou quatre élèves par cours.
Développez-vous des collaborations en dehors de l’Académie (par exemple, inviter des professionnels dans vos cours ou emmener les élèves à des spectacles) ?
Auparavant, des intervenants externes participaient aux évaluations et auditions. Aujourd’hui, l’optique de l’école est plutôt de se centrer uniquement sur l’équipe pédagogique. Les élèves sont toujours jugés par les mêmes personnes. Je le regrette, car un avis extérieur neutre pourrait y apporter plus d’objectivité. Nous connaissons les élèves, leurs qualités, leurs défauts, leurs vies et leurs vécus. Cela peut nous conduire à être plus indulgents ou plus durs avec eux, tandis qu’un professionnel externe ne jugerait que le talent brut. C’est malheureusement très compliqué à organiser désormais, notamment pour des raisons financières.
À chaque fois que je joue à l’Opéra, j’emmène des élèves pour qu’ils assistent au spectacle. L’Opéra est très coopératif et offre des places à des prix très intéressants pour nos étudiants. Mais ils ne sont pas tous intéressés par l’opéra, même s’ils suivent des cours de chant classique.
Quels sont vos horaires de travail ?
Nous bénéficions d’une certaine liberté de choix. En semaine, les cours se donnent entre 15h30 et 20h50, le mercredi de 12h à 20h50 et le samedi de 9h à 16h. Nous choisissons nos plages horaires parmi ces tranches, en veillant à les équilibrer et répartir entre professeurs d’une même discipline afin que des cours soient proposés tous les jours. Je donne 14 périodes de chant par semaine, et 6 de percussion. Un horaire complet en Académie se compose de 24 périodes par semaine.
Enseigner dans l’enseignement artistique à horaire réduit nécessite-t-il beaucoup de travail à domicile ?
Avec les années d’expérience, le temps de préparation est moindre qu’en début de carrière. Nous effectuons aussi des tâches administratives : bulletins, suivi des absences, registres, etc. Je n’ai cependant pas à me plaindre à ce niveau-là. Mon épouse travaille dans l’enseignement primaire, et je constate que sa charge de préparation en dehors des cours est beaucoup plus élevée que la mienne. En début de carrière, c’est plus compliqué. Si l'on n’est pas bien préparé, on risque de faire n’importe quoi. Une voix, c’est très délicat. Il ne faut pas se ruer vers un choix de programme pour un élève sans avoir bien analysé sa voix. J’estime qu’il faut au moins dix ans de métier pour fonctionner de façon plus fluide et développer de bons automatismes. Au début, on tâtonne, on doit être très prudent. Nous ne pouvons pas nous fier uniquement à nos instincts ou à ce que nous avons nous-mêmes pratiqué. Cela nécessite de rester à l’écoute de ce qui se fait ailleurs pour ne pas se limiter aux mêmes répertoires. Cela prend du temps, mais écouter de la musique et des chants doit aussi rester un plaisir. Pour la partie plus administrative, elle est assez raisonnable pour ma part puisque j’encadre peu d’élèves (35 cette année). Les professeurs de solfège ou de danse ont un travail administratif plus conséquent, car leurs classes se composent d’une vingtaine d’élèves sur une dizaine de classes, ils ont 200 bulletins à préparer.
Quels sont les aspects positifs de votre métier ?
Voir les gens heureux et épanouis avant tout. Quand certains deviennent professionnels par la suite, c’est valorisant de savoir qu’on les y a conduits et de les voir épanouis dans leur métier. Ils sont souvent très reconnaissants également. Je pense contribuer sur le plan musical au bonheur de beaucoup de personnes. Quand on donne du bonheur, cela rejaillit automatiquement sur nous. Je ne vois quasiment que des points positifs quand je donne cours de chant, je découvre la personnalité humaine chaque jour davantage. Dans ma vie quotidienne, cela m’aide à améliorer ma communication. Au début, je pense que j’étais un prof assez dur. Avec l’expérience, je me rends compte que l’exigence doit être là, mais la manière de la formuler est tout aussi importante. Donner cours de chant s’apparente parfois à un travail de psychologue, les élèves peuvent ressentir le besoin de s’ouvrir et de s’exprimer sur ce qu’ils ont vécu durant leur semaine avant de chanter. Parfois, ils pleurent ou expriment des émotions, ce sont des moments humainement très riches où le professeur doit faire preuve d’une grande capacité d’écoute.
Et les aspects les plus négatifs ? Des difficultés ?
Physiquement, donner des cours de chant est très fatigant si l'on s’investit. Je ne parviens plus à être à la fois sur scène et à donner des cours, voilà pourquoi je prends congé à l’Académie quand je chante à l’Opéra. Après une journée de cours, je suis épuisé le lendemain. Je ne donne jamais cours deux jours de suite. J’accompagne au piano, je déchiffre les partitions, j’écoute et dirige musicalement les élèves, gérer efficacement tout cela en même temps mobilise énormément d’énergie, tant au niveau mental que corporel.
Certains élèves ont des personnalités plus compliquées à gérer et il faut de la force de caractère pour ne pas se laisser "bouffer" ou écraser par eux. Mais dans l’ensemble, je n’ai que des éloges à dire sur mon métier de professeur. Je voudrais avoir plus de moyens et plus de temps pour aller plus loin, être encore plus efficace.
Quelles qualités faut-il posséder pour exercer ce métier ?
Il faut avant tout de l’humilité. Je connais des professeurs qui sont jaloux de leurs élèves ! C’est extrêmement dommage de rencontrer dans ses cours un talent et de le brider par rapport à soi-même. Il faut veiller en premier lieu au bien de l’étudiant, à ce qui lui convient et à se mettre à sa place. Si l’étudiant n’est pas capable d’exécuter certaines choses, il faut aussi avoir le courage de le lui dire. Il faut être honnête, direct, ne pas mentir. Un professeur de chant qui ment et laisse miroiter des illusions peut entraîner des catastrophes dans les choix d’orientation professionnelle de ses élèves. Il faut fixer des objectifs clairs et les faire évoluer en fonction de la personnalité de l’élève. Il faut posséder une bonne oreille, pour choisir le bon répertoire par rapport à la tessiture de l’élève. C’est capital : si on se trompe de voix, on détruit un élève ! Cela demande beaucoup de patience et de prudence pour trouver la bonne tessiture. J’ai pour habitude de dire que chacun a son "costume", sa "voiture" ou son "moteur". Il faut trouver ce qui convient pour chacun. On ne donne pas une Ferrari à quelqu’un qui ne sait pas encore conduire et inversement, on ne doit pas brider celui qui a un moteur puissant, au risque de casser des potentiels. Un professeur de chant se base aussi sur son expérience personnelle, il travaille sa propre voix et cela nourrit son enseignement. Il faut des connaissances musicales, c’est une évidence. Enfin, il faut toujours être à l’écoute et ouvert aux demandes des élèves. Je dois être capable de sortir de mon répertoire personnel, par exemple pour les élèves qui demandent à chanter du baroque.
Quel conseil donnez-vous aux personnes qui souhaitent se lancer dans ce métier ?
Je leur conseille de suivre la filière d’études en chant : les années d’Académie suivies par les études supérieures au Conservatoire. Si cela leur est possible, je leur conseille d’exercer sur scène, au moins un minimum. Une fois sur le terrain, il ne faut pas être dogmatique. Il faut faire preuve de souplesse et toujours être à l’écoute de ce que leurs élèves proposeront. Le cursus en Académie prépare suffisamment, et pas uniquement en filière de transition (qui reste exceptionnelle). La filière de qualification peut également les préparer à entrer au Conservatoire, surtout s’ils la suivent jusqu’au bout. Malheureusement, je constate souvent que les jeunes sont impatients et ont tendance à entrer au Conservatoire sans avoir terminé leurs années d’Académie. Je peux les comprendre, les parents et le système les poussent à choisir des études supérieures à la sortie de leurs études secondaires. Je conseille parfois à mes étudiants de commencer par d’autres études supérieures pour obtenir un premier diplôme avant d’entrer au Conservatoire, afin d’avoir une stabilité et une sécurité en cas d’échec dans la musique.
Comment envisagez-vous votre avenir professionnel ?
J’ai testé l’enseignement au Conservatoire, mon rêve était d’y enseigner avec les moyens d’un professeur de Conservatoire "à l’ancienne", mais aujourd’hui ce n’est plus possible, les choses ont évolué. Mon objectif est désormais de continuer à former des gens en Académie, le plus longtemps possible. J’aime le travail à la source. Certains élèves arrivent au Conservatoire avec des égos surdimensionnés, ils sont orgueilleux et imbus d’eux-mêmes. Ils viennent uniquement chercher la glorification. Même si le fignolage d’une voix est certes amusant, le dégrossissage a aussi son charme. Musicalement parlant, le métier est plus simple et plus riche au Conservatoire, mais humainement parlant, il est plus agréable en Académie. Les élèves y sont plus humbles, car ils débutent. On y rencontre par exemple des adultes qui se découvrent un potentiel vocal à 40 ans, ils sont avides d’apprendre. C’est un travail plus social en Académie.
En tant que chanteur, il faut savoir qu’on évolue dans un monde professionnel très compétitif. On s’épanouit sur scène, mais l’environnement est plein de rivalités. Nous subissons beaucoup de pressions, le système vise de plus en plus la rentabilité et au moindre souci, on est tout de suite remplacé ! C’est un milieu très cruel. En vieillissant, avec les problèmes de santé (notamment l’acidité d’estomac), le métier devient plus difficile et exige une hygiène de vie irréprochable. Peu de chanteurs d’Opéra continuent de prester au-delà de la cinquantaine. Il y a moins de théâtres qu’auparavant et certains chanteurs mènent une vie de nomade, se produisant partout dans le monde.
Le mot de la fin ?
Je remercie ma direction de me permettre d’enseigner tout en continuant à chanter. Je plains mes collègues qui ont dû faire un choix entre l’enseignement et la scène, choix auquel je n’ai jamais été contraint. J’ai eu la chance d’avoir des directeurs qui comprenaient qu’il était aussi intéressant pour les élèves de voir leur professeur sur scène et pas seulement en classe. Je trouve risqué de former d’un côté des chanteurs et de l’autre des professeurs de chant. Dans les études au Conservatoire, la division est de plus en plus nette entre les masters à finalité didactique et les autres masters à finalités plus scéniques. Je trouve cela dommage, car selon moi les deux sont nécessaires. Il est important que le professeur continue d’exercer son art, qu’il ne reste pas assis sur sa chaise.