Mr Thibault Léonard,
Fondateur et CEO de Primento, distributeur de livres numériques

Interview réalisée en mars 2014

Pourriez-vous nous présenter brièvement Primento ? 

Primento est une entreprise qui a été créée il y a quelques années (2010). Il s’agit d’un distributeur-diffuseur numérique. Concrètement, nous jouons un rôle d’intermédiaire entre l’éditeur qui crée un contenu et le libraire numérique (qui vend des livres numériques). 

Quel est votre parcours personnel ? Pourquoi avoir eu envie de vous lancer dans l’édition numérique ? 

J’ai toujours été passionné par le web et le marketing. J’ai travaillé pendant plusieurs années dans la stratégie numérique dans la musique. Lorsque je me suis rendu compte que quelque chose se passait dans le livre numérique, je me suis lancé et j’ai découvert une autre industrie culturelle passionnante. 

Est-ce que ce sont les éditeurs qui viennent spontanément vers vous ou devez-vous prospecter ? 

Il faut savoir que le monde de l’édition est complètement différent des autres secteurs. Il s’agit d’un monde très complexe et il est indispensable de bien comprendre les dynamiques de ce milieu et les liens entre les acteurs pour s’y frayer un chemin. Au niveau commercial cela signifie qu’on est davantage dans un processus de vente consultatif, c’est-à-dire que les éditeurs sont demandeurs de conseils et d’accompagnement sur le long terme, dans leurs projets numériques.

Aussi, la confiance dans ce milieu est un élément important. Les éditeurs ont besoin de temps pour prendre des décisions, surtout en ce qui concerne le numérique. On peut croiser et discuter avec un éditeur pendant deux ans, avant qu’il ne finisse par travailler avec nous. On fonctionne sur des relations à long terme, on prend le temps d’expliquer ce qu’on peut leur apporter et lorsqu’ils sont prêts, ce sont eux qui viennent vers nous. 

Quels sont les principaux avantages, pour un éditeur, de passer à l’ebook ? En quoi cela peut-il être intéressant pour lui ? 

Qu’on le veuille ou non, les gens lisent de plus en plus de numérique. Je pense que l’avenir passe par le numérique, il va falloir en tenir compte, sans qu’il ne remplace le format papier pour autant. Les deux sont complémentaires. On lit du numérique par choix ou par nécessité, comme c’est le cas des personnes âgées qui apprécient le support car elles peuvent agrandir les caractères, etc. Le numérique ne va donc peut-être pas plaire à tous les lecteurs mais il va répondre aux attentes de certains, ce qui n’est pas négligeable.

Les ventes de livres papier étant en nette diminution depuis plusieurs années, pour pouvoir survivre, certains éditeurs proposent donc également du numérique. C’est important pour pouvoir amortir les frais de création littéraire, de pouvoir toucher des lecteurs, quels qu’ils soient. Et passer au numérique permet bien évidemment de toucher un public plus large, au-delà de la Belgique, car, là où il est difficile d’imposer un livre papier belge dans une libraire française, les formats numériques ne souffrent pas de cette concurrence sur internet. 

Quelles sont les différentes étapes de fabrication d’un livre numérique ? 

Tout dépend de la complexité du livre. Chaque contenu mérite un format et un support de lecture différent. Un code juridique, par exemple, sera adapté sous forme de base de données, utile et rapide pour les cabinets d’avocats qui doivent effectuer de nombreuses recherches. Pour les romans, le contenu sera transposé et optimisé afin d’améliorer l’expérience de lecture, pour que le lecteur puisse non seulement lire mais aussi partager facilement son opinion, ses réactions sur le livre. 

De combien de personnes est composée votre équipe et quels sont les différents profils ? 

Nous sommes 12 et nous comptons à la fois des profils littéraires et techniques. Dans l’édition numérique, c’est nécessaire d’avoir les deux car il faut une expertise dans la fabrication (comprendre les spécificités des différents formats ebook), dans la distribution (se connecter à toutes les plateformes des libraires ayant leurs propres spécificités), dans le marketing, etc. Tous sont des passionnés de lecture numérique. 

Quelles sont les principales difficultés rencontrées dans votre métier ?

Il faut prendre le temps d’expliquer aux éditeurs quelles sont les opportunités liées au numérique pour eux. Ils n’en sont pas forcément conscients car, très souvent, ils voient le numérique comme une menace, ils prennent peur face au changement et adoptent une attitude de rejet. Il faut donc avant tout les rassurer, les aider à franchir le pas. 

Il faut aussi savoir que se lancer en numérique nécessite des investissements significatifs. Actuellement, les éditeurs n’ont pas toujours une santé financière extraordinaire et ne disposent pas toujours des moyens de leurs ambitions. Ils n’ont donc pas toujours la possibilité d’investir autant qu’ils le voudraient dans leurs projets numériques.

Quelle est la place de l’ebook en Belgique, par rapport au livre papier ? 

Nous avons réalisé une étude qui révèle qu’un Belge sur cinq a lu un livre numérique sur les douze derniers mois. C’est un marché qui évolue rapidement, tiré par les ventes de tablettes et de smartphones qui sont très importantes. Globalement, le marché belge suit les tendances observées dans les autres pays européens.

D’après vous, quelles sont les compétences à posséder pour travailler dans l’édition numérique ? 

Il faut être passionné et être intéressé par l’environnement Internet. L’édition numérique est finalement plus proche du web que de l’édition, même s’il faut des affinités avec la littérature et l’objet livre, bien entendu. Il ne faut jamais perdre non plus de vue les attentes et les besoins du lecteur. 

Auriez-vous un conseil à donner aux personnes qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure ? 

Ce qui est intéressant avec l’édition numérique, c’est qu’on peut expérimenter, ce qui est beaucoup plus difficile avec le format papier. Pour moi, il faut concevoir l’édition numérique comme un laboratoire et ne pas avoir peur de faire des erreurs. Foncer, expérimenter de nouvelles formes d’écriture, de marketing et surtout ne pas oublier de tirer les leçons de ses expériences.
 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.