Mr Alain Devalck, Libraire

Interview réalisée en mars 2014

Comment êtes-vous devenu libraire et pourquoi avoir décidé d’ouvrir une librairie spécialisée dans les polars, la science-fiction ? 

En tant que grand lecteur de romans policiers, je fréquentais une librairie qui était déjà spécialisée dans ce genre-là à Bruxelles, dans les années 80. La librairie s’est transformée en asbl et de client de la librairie, je suis passé à administrateur de l’asbl. Un jour, l’asbl a cessé d’être subsidiée et a donc arrêté ses activités. J’ai alors repris la librairie en main en 1994. Tout a donc démarré sur une passion et j’ai pu joindre l’utile à l’agréable. 

Continuez-vous à lire ?

Oui mais uniquement du policier car je n’ai pas le temps de lire autre chose. Mais dans le roman policier, on peut distinguer plein de genres différents : le roman d’énigme, le roman noir, le roman policier historique, le roman psychologique, etc. Il y en a qui me parlent plus que d’autres, ce qui ne m’empêche pas de pouvoir parler et conseiller de tout. 

Combien de livres possédez-vous en stock ? 

Je dirais plus de 10000. Je vends du livre neuf et d’occasion et donc, le nombre varie sans cesse. 

C’est important pour vous de proposer des livres d’occasion ? 

Pour moi, c’est vital. Cela me permet de constituer un fonds mais aussi d’avoir des rentrées financières supplémentaires. Ne vendre que des livres neufs est très difficile car il faut en vendre beaucoup et les remises ne sont pas très importantes.  

Comment choisissez-vous les livres que vous vendez ? 

Je suis dans un schéma traditionnel, c’est-à-dire que des représentants de maisons d’édition viennent me présenter des livres environ trois mois avant leur sortie. Je choisis les titres et je passe commande des quantités. Le choix se fait en fonction de la demande, avec des best-sellers que je suis pratiquement obligé de prendre car les clients les réclament, mais aussi en fonction des maisons d’édition, des titres, des auteurs que je connais. Je fais ce métier depuis maintenant 25 ans mais je me rends compte qu’il y a beaucoup de nouveautés et que je ne peux pas toujours me reposer sur mes acquis. Il y a des choix que je fais aussi en fonction de coups de cœur. 

Quelle est votre clientèle ?

En résumé, je compte 55% de femmes et 45% d’hommes parmi ma clientèle et j’accueille des personnes de tous les âges. 

En quoi consiste concrètement votre métier ? Les différentes tâches ?

Je suis indépendant et je travaille seul, ce qui signifie que je fais tout. Du lavage de vitres au déballage de caisses, en passant par les rangements en rayon, la gestion du stock et la comptabilité. Le plus gros du travail consiste à mettre en vitrine ou en rayon, à arranger les différentes tables en fonction des sorties, etc. Il y a également un volet administratif qui n’est pas négligeable. Outre la comptabilité, il y a également des formulaires à remplir pour la Fédération Wallonie-Bruxelles en lien avec le label "Le Libraire" . L’administratif n’est pas ce que je préfère dans le métier mais on doit forcément passer par là. 

Recevez-vous parfois des demandes particulières de clients qui recherchent des ouvrages bien spécifiques et qui entrainent donc des recherches ? 

Oui, mais cela concerne davantage le livre d’occasion. Aujourd’hui, la durée de vie d’un livre neuf est très courte. Généralement, le livre est mis en vente en certaines quantités mais il n’y a pas de fonds, et deux mois après sa sortie, le livre est donc souvent épuisé. Il n’est alors pas possible de faire une recommande ou alors, il faut éventuellement attendre les retours des invendus. Le livre "meurt" donc très rapidement. 
Ceci dit, je n’ai pas énormément de demandes car j’ai un fonds d’occasions qui permet de compléter la nouveauté ou de trouver ce que l’on recherche dans les anciens titres.
Par contre, ce qui arrive de plus en plus, et je pense que c’est le reflet de notre société actuelle, c’est que les gens veulent un titre en particulier mais ils le veulent maintenant, tout de suite. Quand je leur dis qu’il faut trois jours en cas de commande, ça ne va pas, c’est trop long, ils seront déjà passés à autre chose ! Ce côté immédiat, impulsif est parfois énervant. 

Organisez-vous des événements, des séances de dédicaces, des rencontres avec les auteurs, etc. ? 

Oui bien sûr, mais en général, je ne fais venir que des auteurs belges, surtout pour une question de facilité d’organisation et de pertinence. Si j’organise ce genre d’événements, ce n’est pas pour le nombre de personnes que cela attire (très peu de personnes se déplacent réellement), mais pour avoir un retour presse pour les auteurs et une petite publicité pour la librairie. 

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez dans votre métier ? 

Le numérique représente un gros problème pour les libraires traditionnels. Personnellement, si je voulais proposer des livres en format numérique, cela nécessiterait de mettre en place une plate-forme en ligne. Ce n’est pas compliqué en soit mais cela coûte cher. De plus, on perd le côté conseil, contact, qui est la chose la plus intéressante pour moi. 
Un autre problème, mais il est propre à Mons dans ce cas-ci, c’est l’accessibilité au centre-ville qui est devenue difficile à cause des travaux, notamment. Le centre est de plus en plus déserté et attire de moins en moins les clients, qui préfèrent aller vers les espaces commerciaux situés en dehors de la ville. Or, pour que le centre-ville se porte mieux, il faut que les clients viennent ! C’est un cercle vicieux. Je pense que l’atout d’un centre-ville, c’est de réunir des boutiques particulières, qui proposent quelque chose de différent de ce qu’on trouve ailleurs. 
Enfin, la remise sur le livre neuf est très réduite (30% en général). A cela, il faut déduire la carte de fidélité, les éventuelles conditions octroyées aux organismes comme les bibliothèques, la commune, etc., sans oublier les frais de port. Je pense que de nombreuses librairies ferment car le débit n’est pas assez important, les coûts et les frais fixes augmentent chaque année mais notre remise, par contre, n’augmente pas et le prix du livre est resté fort stable. 

Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre travail ? 

C’est lié à mon statut d’indépendant : je suis maître de mon travail, je fais ce que je veux, je suis chez moi, entouré de livres. Je suis toujours content de venir travailler. Les contacts avec les clients sont intéressants car ce sont des gens qui viennent car ils veulent lire et moi, j’adore les conseiller.  C’est un métier de passion, il ne faut pas l’envisager en espérant gagner beaucoup d’argent !

Selon vous, quelles sont les qualités indispensables à posséder pour être libraire ? 

Il faut avoir un esprit très ouvert, aimer le contact avec la clientèle et essayer de ne pas imposer ses choix personnels mais plutôt de trouver ce qui fera plaisir à la personne. 
En tant qu’indépendant, il faut aussi être polyvalent, pouvoir faire de tout et être d’une grande disponibilité. 

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaiterait se lancer ?

Si j’ai un conseil à donner, ce serait d’avoir un rayon d’occasions. Je trouve que cela donne un autre aspect du livre qui vit une deuxième vie. De plus, ce n’est financièrement pas négligeable puisque la marge est plus intéressante que sur les livres neufs. Je pense que c’est aussi intéressant de choisir une spécialité pour pouvoir tirer son épingle du jeu et pouvoir survivre. 
 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.