Interview anonyme, Ambulancier
Quelle est la journée-type d'un ambulancier ?
Lors du changement d'équipe, le chauffeur transmet à l'ambulancier une check-list des interventions de la pause précédente et complète la liste du matériel contenu dans l'ambulance. Une mise en ordre de la cabine sanitaire est effectuée pour s'assurer du niveau d'oxygène, de la quantité de produits, de pansements, etc. L'ambulancier et le chauffeur signent tous deux une feuille de check-up en entrant et en sortant pour prendre la responsabilité de l'ambulance. Ensuite, ils regardent le carnet de rendez-vous pour prévoir et planifier les consultations, visites de médecins et radiographies, etc. Dans ce planning, figure également tout ce qui est en urgence. Le téléphone peut sonner à tout moment, il faut pouvoir réagir rapidement. C'est là qu'intervient une cinquième personne qui s'occupe du téléphone et de la radio : son rôle est de dispatcher. Lors d'un appel urgent par exemple, l'ambulancier qui devait aller à un rendez-vous dans une maison de repos est averti par le dispatcher, qui se charge également d'avertir l'hôpital et la maison de repos.
Quel est le principe de la consultation et de l'urgence ?
Une consultation n'est pas quelque chose d'urgent. C'est prévu largement à l'avance. L'ambulancier connaît l'heure des rendez-vous. Il organise ses déplacements avec une marge habituelle de 5 à 10 minutes car à tout moment il peut être pris dans des embouteillages ou des travaux. Quand il n'est pas en urgence, il est confronté aux mêmes difficultés que les usagers de la route. Il doit donc essayer de planifier autant que faire se peut. Pour l'urgence, d'autre part, l'ambulancier est tenu de respecter le code de la route sauf dérogations, pour lesquelles il utilisera l'avertisseur spécial (sirène) et les feux bleus. Il n'y a urgence que lorsque ces deux éléments sont simultanément présents. Si seuls les feux bleus sont allumés, cela signifie qu'il transporte un patient mais il n'y a pas d'urgence. Les dérogations sont à nos risques et périls, bien entendu. Il n'y a plus de limitation de vitesse, on peut aussi passer aux feux rouges mais il faut marquer l'arrêt et s'assurer de l'absence de danger pour les usagers. Toute situation d'urgence nécessite une procédure adéquate. Il y a une feuille de route reprenant l'heure de l'appel, l'heure d'arrivée sur place à l'hôpital. La personne au dispatching doit savoir, à tout moment, où l'ambulance se trouve. Chaque membre du personnel note les heures de travail mais aussi les kilométrages.
Quels sont les prix pratiqués ?
Le Ministère des Affaires Économiques ne précise pas la base de la facturation sauf pour le service 100. Pour ce dernier, le Ministère de la Santé Publique a établi un budget auquel nous sommes également soumis. En règle générale, les sociétés privées sont dans une marge de prix qui sont à peu près équivalents. Néanmoins, elles sont libres de pratiquer des tarifs plus avantageux...
Quels sont les rôles du chauffeur et du convoyeur ?
Le chauffeur doit au moins connaître les plans et pouvoir se diriger vers toutes les communes possibles. Le convoyeur a un tracé préalablement établi de toutes les rues de la région. Notre but étant d'arriver endéans les cinq minutes de l'appel, nous avons établi pour les communes les plus proches des cartes reprenant les trajets les plus rapides. Nous couvrons la commune de Courcelles et des régions avoisinantes. Si nous intervenons sur une autre commune, nous disposons alors de cartes normales ; le chauffeur est guidé par le convoyeur. Lors de l'intervention, le convoyeur établit l'anamnèse et, si besoin, appelle les renforts médicaux adéquats, le service 100.
Quels sont les actes ambulanciers légaux ? Dans quels cas devez-vous appeler le service 100 ?
Nous sommes des transporteurs spécialisés chargés de la manipulation du patient. Nous posons les actes simples : premières urgences et pansements, placer l'oxygène, préparer le matériel pour les infirmiers ou médecins. Les perfusions montées par l'ambulancier sont placées par les infirmiers (sur ordre des médecins). Différents cas de figure requièrent des renforts : les personnes inconscientes, les accidents cardiaques (qui nécessitent une intervention dans les trois minutes).
Quelles sont les responsabilités de votre personnel ?
Le convoyeur et le chauffeur doivent avertir des risques encourus si la famille désire transporter le malade dans un centre plus éloigné. Ils doivent dans ce cas, comme dans les situations dépassant leurs compétences professionnelles (ou territoriales), avertir le service 100. Le convoyeur surveille tous les paramètres du patient, de façon à toujours garder contact et à recueillir un maximum d'informations. Nous sommes tenus à un secret professionnel sur les pathologies du patient. Les sanctions sont sur ce point comparables à celles qui prévalent pour les médecins. Il y a évidemment des exceptions en cas de maltraitance d'enfants par exemple.
Quelles sont les formations prévues ?
Actuellement, la loi impose un brevet de secouriste pour monter dans une ambulance. Ce brevet prévoit 40 heures de théorie et pratique dispensées par la Croix -Rouge. Sur le plan de la santé publique, on voudrait que soit imposé le brevet AMU (aide médicale urgente), dispensé par le service de secours du Hainaut (dépendant du service des pompiers). Ce brevet a l'avantage de comporter des cours médicaux et infirmiers, ainsi que des stages auprès d'ambulances agréées. Dans la pratique, il est fréquent que le personnel d'ambulances privées disposent de ce brevet AMU.
Y a-t-il des formations continuées ?
On prévoit 40 ou 60 heures de formation pour ambulancier défibrillateur. De plus, le brevet AMU, dont je viens de parler, est une porte d'entrée vers la formation d'infirmier A2. D'autres formations sont encore à l'étude. Au départ, c'est le terrain qui forme notre personnel qui doit, de toute façon, accomplir une période d'essai de 3 mois. C'est l'ambulancier qui fait le brevet, bien plus que l'inverse. Pour ce faire, on essaie de former des équipes comprenant un jeune et une personne expérimentée. On apprend tous les jours; nous avons une obligation de moyens et de mobilisation de ceux-ci.
En quoi votre métier peut-il être attirant ?
On ne fait jamais deux fois la même chose, urgence oblige. La variété est totale, sauf peut-être pour les opérations de transfert. En réalité, chaque opération extérieure est différente tout simplement parce que chaque personne est différente de par leur pathologie ou leur caractère. Nos tâches sont tout sauf stéréotypées. Un des autres aspects attractifs de la profession est l'attachement de certains clients, surtout les plus âgés d'ailleurs. De ce point de vue, nous jouons parfois un rôle social. A la veille de Noël, nous ne manquons jamais de faire le tour des maisons de repos. Mais ce qui est le plus valorisant, c'est la finalité de notre profession : sauver la vie d'autrui ou intervenir dans une situation dangereuse.
A l'inverse, quels sont les aspects les plus difficiles à vivre dans le cadre de vos activités ?
Nous sommes continuellement soumis à un stress, que ce soit par la diligence de nos interventions ou par les drames rencontrés. On vit des deuils familiaux, on assiste aux premières réactions après des accidents de voiture ou des arrêts cardiaques. Ce sont des scènes très désarmantes. Elles le sont encore plus lorsque la personne décède malgré tout ce que vous avez pu faire. La dépression nous guette à tout moment, et plus particulièrement face à certaines situations comme l'intoxication d'un enfant de 12 ans au monoxyde de carbone. C'est aussi vrai pour les drames touchant des bébés ou des enfants en bas âge. C'est évidemment difficile à supporter ! Enfin, dernières difficultés de ce métier éprouvant : les contrariétés physiques comme les maux de dos des transporteurs ou d'autres maladies professionnelles.
Quelles sont les mesures de sécurité prises par une ambulance privée ?
Nous procédons à une désinfection totale de nos véhicules deux fois par mois, en plus des mesures élémentaires d'hygiène personnel. S'il y a le moindre risque de contagion par le sida ou l'hépatite B, la règle est immuable : mieux vaut une ambulance hors service que de courir le moindre risque de contagion.
Qu'est-ce qui différencie une ambulance privée de celle liée à un service public ?
Les ambulances privées et publiques ont l’obligation d’intervenir. Sur la voie publique, les ambulances privées doivent préalablement demander l’autorisation au service 100. Si les ambulances privées ne peuvent intervenir que sur des lieux privés, les SAMU publics peuvent par contre intervenir quel que soit l’endroit. Les ambulances non agréées ont une obligation d’intervention, pas de transport. Cela peut conduire à des situations aberrantes : vous êtes sur les lieux mais vous ne pouvez intervenir ! Comme les SAMU publics, nous devons faire agréer notre matériel et notre formation, ainsi que la territorialité couverte.
Si vous deviez vous adresser à des personnes intéressées par ce métier, que leur diriez-vous ?
C’est un métier agréable. Les volontaires sont toujours les bienvenus, évidemment. C’est encore une des meilleures solutions pour être engagé plus tard. Ceux qui voudraient faire carrière dans ce créneau doivent travailler avec diligence, précision et organisation. On ne résiste que si on aime cette profession. Il faut avoir du sang-froid, et surtout être capable de réagir directement sans a priori, ni craintes excessives; ne pas trop se poser de questions, juste celles qui vous permettent d’être rapides et efficaces. Enfin, nous avons besoin d’esprits consciencieux, tant dans le chef des professionnels que des volontaires. C’est un métier que l’on peut faire toute sa vie, sauf bien-sûr contre-indication médicale. La profession d’ambulancier exige de la passion; l’intérêt seul ne suffit pas, c’est un véritable sacerdoce.