Interview anonyme, Avocate

Interview réalisée en janvier 2009

Vous êtes avocate au sein d’un important bureau de juristes comment s’est déroulé votre parcours professionnel ?

Comme pour la plupart de mes confrères, je suppose. Un master en droit, le barreau et le stage.

La période du stage est assez délicate pour un jeune avocat, paraît-il ?

Oui, il faut bien l’avouer. Économiquement, tout d’abord, c’est très dur puisque nous ne sommes pratiquement pas payés. Pratiquement, il vaut mieux pouvoir compter sur ses parents ou la famille pendant cette période. Mais le plus dur, c’est de constater rapidement que, tout compte fait, les études de droit ne nous préparent pas ou peu à la fonction d’avocat.

Pouvez vous nous expliquer davantage ?

Eh bien, malgré tous les efforts effectués par les Universités et le corps enseignant, les études juridiques restent fort théoriques. Si bien qu’une fois que la vision romantique de l’avocat s’efface, les jeunes se retrouvent confrontés à la dure réalité.

En effet, la réalité des prétoires est fort éloignée des effets de manche et des plaidoiries brillantes que l’on peut voir à la télévision. La réalité est beaucoup plus pragmatique, n’en déplaise aux romantiques.

Quels sont les aspects principaux de votre travail ?

L’essentiel du travail se fait dans la mise sur pied des dossiers. De plus, nous cherchons souvent un accord à l’amiable plutôt que d’aller systématiquement au procès.

Enfin et surtout, être avocat est un métier spécial car nous devons faire abstraction de nos sentiments personnels pour nous mettre tout entier au service de notre client. Beaucoup de jeunes diplômés n’arrivent pas à opérer cette séparation entre leur vie personnelle et leur métier.

Il y a un aspect schizophrénique dans ce métier ?

Incontestablement. Arriver à défendre son client en toute circonstance peut être assez difficile. Au civil, cela peut encore passer mais au pénal, c’est parfois douloureux de défendre quelqu’un dont les actes vous horrifient.

Personnellement, j’essaie de n’accepter que des cas dont je suis convaincue du bien fondé ou au moins d’une chance réelle de réformation.

N’est-ce pas un peu hypocrite parfois ?

Non, c’est la grandeur du métier d’avocat et celle de notre système judiciaire démocratique ! Chacun a droit à un procès équitable, quels que soient les actes commis et leur gravité. Renoncé à ce principe, c’est retourner à la loi du talion, à la vengeance personnelle.

Vous êtes associée dans un cabinet d’avocats regroupant plusieurs spécialités juridiques. Est-ce devenu une obligation ?

Non, mais c’est une tendance lourde dans la profession, c’est certain. Le droit est de plus en plus complexe et il devient pratiquement impossible d’être «généraliste». Le regroupement en bureau permet de mieux répondre aux besoins de la société moderne et surtout de «fidéliser» le client en faisant en sorte qu’il trouve un interlocuteur spécialisé, quelle que soit la question qu’il se pose. Mais ce n’est pas vraiment une spécificité du métier d’avocat, cela existe de plus en plus dans tous les secteurs d’activité économique.

 
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