Mr Alain Besohé,
Technicien de production
Quel est votre travail ?
Je suis technicien de production, pour la production de vaccins. L'activité principale de ce secteur est la culture de cellules dans lesquelles nous faisons ensuite se multiplier des virus. Nous fabriquons ici des vaccins en "bulk" c'est-à-dire en grandes quantités et concentré. Après, le vaccin doit être formulé, ce qui consiste à le diluer, à lui ajouter d'autres composants pour le stabiliser et le rendre injectable, et ensuite il est conditionné dans les seringues ou les ampoules. A mon arrivée dans la société, j'ai d'abord travaillé sur le vaccin polio. Mon travail consistait à diluer les trois types de virus polio afin de réaliser la formulation du vaccin que les gens vont boire (le vaccin polio est un vaccin buvable). Cela se passe en général ainsi, on commence par un travail simple mais précis pour aller vers des manipulations plus élaborées.
Comment se passe une journée type pour vous ?
On pourrait croire que la production est un travail de routine, mais c'est tout à fait faux ! Il faut d'ailleurs faire attention car si cela devient routinier, c'est à ce moment-là qu'on commet des erreurs. Il y a bien évidemment des activités qu'il faut répéter chaque jour. Par exemple, les contrôles d'environnement de la zone de production. Cela comprend la vérification des graphes de pression, de température et d'humidité du local où se fait la production. Ce sont des paramètres très importants ! Ainsi, s'il fait trop chaud, on va transpirer, cela risque d'altérer la qualité du produit et il sera donc inutilisable. Toute une série de paramètres sont à contrôler : fonctionnement du matériel, nettoyage, etc. Tout est régi par des "check lists" à remplir. Ce qui porte sur l'hygiène est particulièrement vérifié. Nous devons en effet travailler dans des conditions irréprochables. Nous portons des vêtements stériles dans la zone de production et nous devons nous laver les mains et nous désinfecter chaque fois que nous y entrons. Dans les bureaux, nous portons une tenue intermédiaire. Dans la zone de production, comme nous travaillons sur plusieurs vaccins et que les procédures (ou le process) sont différentes, mon travail est différent chaque jour. Sauf pour une campagne "oreillons". Dès lors, pendant un mois, on ne produira qu'un vaccin et ce sera en effet assez routinier.
En quoi ces procédures diffèrent-elles ?
Pour produire un virus il faut, au préalable, produire des cellules animales ou humaines car les virus sont des parasites qui ne peuvent se multiplier seuls. Ils ont besoin d'un hôte pour se multiplier. Par exemple, le vaccin contre la rougeole se fait sur des cellules d'embryons de poulet. Ce sont des cellules qui se reproduisent très vite (plusieurs multiplications par jour). Par contre pour la rubéole, la varicelle et la polio, cela se fait sur des cellules de poumons humains. Comme ce sont des cellules qui mettent plus de temps à se reproduire, (une multiplication par 24h) le temps de production est plus long. Ainsi, pour le vaccin contre les oreillons, ce sont des cycles de production de 6 jours, pour celui contre la rougeole, 8 jours. En revanche, pour le vaccin contre la polio, il faut attendre 5 semaines et jusqu'à 2 mois pour celui contre la rubéole.
Quelle est votre formation ?
Il y a une bonne vingtaine de techniciens ici et je suis probablement celui qui a le parcours le plus différent des autres. En général, les gens sont laborantins (techniciens de laboratoire). Tandis que moi, je suis électro-mécanicien (A2-niveau secondaire) et j'ai fait une spécialisation en biochimie. C'est un parcours un peu particulier mais ce n'est pas sans intérêt le nombre de machines et de robots automatisés. C'est clair qu'en électro-mécanique, je ne suis pas perdu ! Je peux réparer certaines choses moi-même sans faire appel à la maintenance. Si je suis peut-être plus faible que les autres au niveau des biotechnologies, j'ai un petit avantage au point de vue mécanique.
GSK est-ce votre première expérience professionnelle ?
J'ai eu beaucoup de chance. A l'époque, existait encore le service militaire et je l'ai fait directement après mes études, puis j'ai cherché du travail. On demandait quelqu'un en production et je me suis présenté. Avec le recul, je me dis que c'était vraiment ce qu'il me fallait ! Je suis allé ensuite dans un autre service de production mono-produit puis je suis revenu chez GSK. C'est plus varié, je préfère !
Que rêviez-vous de faire quand vous étiez enfant ?
Je voulais être pilote sur les F16. Il n'y a pas de lien ! Mais ça vient sans doute du fait que j'habitais tout près de la base de Florennes et que les avions passaient au-dessus de la maison. Le week-end, pour assouvir ma passion des grands espaces, je suis moniteur d'activités sportives aux alentours de la Lesse. J'y avais travaillé comme étudiant et j'ai continué ! Je m'occupe de ce site d'aventures à titre indépendant complémentaire. Ca me fait beaucoup de bien de me retrouver en plein air le week-end, de me défouler après être resté enfermé pendant la semaine avec des contraintes strictes d'hygiène. Se rouler dans la boue, parfois, ça fait du bien !
Quelles sont les qualités nécessaires pour être technicien de production ?
Scientifiquement, il faut bien évidemment une base mais c'est surtout sur le terrain qu'on apprend le travail. Il faut être curieux. Il faut être en bonne forme physique car il y a des charges à manipuler et on doit bouger tout le temps. On est rarement assis ! En outre, dans les zones de production, nous travaillons en surpression de l'air : quand on en sort, cela revient au même que de monter à quelques mètres d'altitude. Au début, c'est assez éprouvant. On doit s'adapter continuellement aux changements de pression, l'organisme travaille et fatigue. Il faut aussi pouvoir s'intégrer à une équipe. Quand on est technicien : on doit être capable de parler aux gens. Il faut savoir reconnaître les compétences des ouvriers et faire preuve de tact : un ouvrier avec 10 ans d'expérience en connaît davantage qu'un jeune technicien. Pour avoir une bonne ambiance d'équipe, deux fois par an, je propose des activités : on va faire du karting, du kayak, du VTT, etc. On essaie de faire ensemble autre chose que le boulot. Il y a beaucoup de jeunes ici, j'ai 36 ans et sur les 70, je suis parmi les plus âgés ! La moyenne d'âge tourne autour de 26-27 ans.
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans votre travail ?
Si on a un rhume, on doit le signaler à son chef. Par exemple, pour l'instant, je suis en quarantaine parce que mon fils a la varicelle et que c'est très contagieux. Je ne peux pas aller dans la zone de production. Ce n'est pas que je sois considéré comme un pestiféré, mais je dois le dire. On me fait faire alors autre chose. En production, il ne faut pas tricher ; il doit exister une relation de confiance. Si on jette un lot pour des erreurs de manipulations, l'entreprise perd des millions ! On admet un pourcentage de pertes, mais à ce prix-là, il ne faut pas que cela arrive trop souvent ! Les ventes dans une usine, c'est ce qui rapporte de l'argent. La recherche coûte cher tandis que la production rapporte. Cette responsabilité est parfois stressante !
Comment voyez-vous l'avenir ?
C'est un boulot d'avenir puisqu'on parle de doubler la production. En recherche, vont-ils trouver de nouveaux produits ? Ca, c'est autre chose ! C'est leur stress. Par contre, le nôtre se situe plutôt au niveau d'une production de qualité. Comme nous fabriquons des produits destinés à l'usage humain, nous sommes extrêmement contrôlés.