Mme Brigitte Baleine,
Educatrice en activités socio-sportives
Interview réalisée en décembre 2008 |
Travaille pour ENADEN, un centre médical bruxellois spécialisé dans le traitement, le suivi et la réinsertion des personnes présentant une dépendance aux drogues, à l’alcool ou aux médicaments.
Pouvez-vous nous parler brièvement du centre dans lequel vous travaillez ?
ENADEN est un centre médical composé de quatre structures : ambulatoire, centre de crise, centre de jour et hébergement de court séjour. C’est dans cette dernière que je travaille. C’est un lieu accueillant pour une période de trois mois des personnes souffrant de problèmes d’assuétudes. C’est avant tout un lieu d’asile pour des patients débordés soit par une consommation ravageante, soit par un entourage persécutant. C’est, en quelque sorte, un lieu d’accueil pour des sujets en marge de la société. L’orientation de travail est la psychanalyse appliquée en institution.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai été amenée à donner quelques heures de sport en prison durant près de deux ans, pour ensuite être engagée sous CDI (contrat à durée indéterminée) au centre médical ENADEN où j’exerce depuis maintenant plusieurs années.
Pourquoi avoir choisi la formation d’éducatrice sportive ?
J’avais l’idée d’entreprendre le master en éducation physique, désirant devenir professeure en éducation physique. N’ayant jamais eu plus de 2 heures hebdomadaires de sport dans le cadre de mes secondaires, je ne me voyais pas d’emblée me lancer dans ces études. Ma rencontre avec le public délinquant via l’outil du sport-aventure m’a donné envie d’en connaître davantage dans l’univers de la marginalisation. Avant d’entreprendre ces études, j’étais principalement tournée vers la pratique du volley-ball et du ski alpin.
Quelle est votre fonction exacte ?
Il y a deux facettes à mon travail. La première est celle de partager avec mes collègues les tâches propres à un travail en hébergement orienté par la psychanalyse. Cela recouvre des moments où l’on prend une place d’éducateur, d’animateur (sportif, culturel, etc.), d’accompagnant social, de psychologue clinicien. La seconde facette consiste en un travail appelé “interface“. Il s’agit de poursuivre, de manière ponctuelle ou dans la durée, le travail entrepris avec le patient à la suite de son séjour. Cela passe par des visites de soutien dans le milieu de vie du patient, des accompagnements de démarches, des visites hospitalières, etc.
Avec quel public travaillez-vous particulièrement ?
Le public qui s’adresse à nous est un public mixte, ayant entre 20 et 60 ans, et souffrant de problèmes de dépendances diverses depuis plusieurs années (drogues dures, alcool et/ou médicaments).
Quelles activités pratiquez-vous avec les patients ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets ?
Les activités soutenues sont proposées par les patients. Cela peut-être des activités culturelles (visite de musée, d’une ville, concert, théâtre, cinéma), un atelier de création artistique, des activités à caractère sportif (badminton, randonnée, vélo, kayak, mini foot) ou ludique (pétanque, bowling, mini-golf). Ces activités sont proposées au collectif. Actuellement, les activités sportives les plus régulièrement pratiquées sont le badminton, le VTT, la randonnée, le kayak et l’équitation. Il y a quelques années, nous animions aussi des activités d'escalade (en salle et falaise), et spéléologie, en vue d'organiser deux fois par an un stage en France de sport-aventure. Je fais partie du staff “encadrant“ de ces activités sportives. C’était également le cas pour les activités de sport-aventure où j'avais une part très active. Autre activité que j'ai également animée durant de nombreuses années : le volley-ball.
Quelles qualités sont essentielles pour exercer votre métier ?
Le désir, la capacité d’écoute, la tolérance, l’ouverture d’esprit, la capacité à se remettre en question, l’aptitude à travailler en équipe.
Qu’aimez-vous particulièrement dans votre métier ?
Sans aucune hésitation, l’orientation de travail. Je me rappellerai toujours, lors de mon engagement, être restée sceptique quant à l’outil psychanalytique (que je connaissais fort peu). Ces quelques années de pratique m’ont convaincue. Je ne connais pas d’outil plus respectueux du sujet, de sa singularité, de son rythme, de ses solutions pour se débrouiller dans la vie. Il ne s’agit pas d’imposer un modèle (l’abstinence par exemple), une façon d’être pour s’insérer dans la société, mais bien de soutenir la personne dans ce qui permet à un sujet particulier de se brancher sur le monde réel, en-dehors d’une jouissance trop ravageante. C’est une clinique de la débrouillardise j’ai envie de dire… Je pourrais ajouter que ce travail, puisqu’il ne s’agit pas d’appliquer une méthode mais d’accompagner les gens au cas par cas, favorise une remise en question et une réflexion perpétuelle. Enfin, ce travail s’effectue dans un contexte particulièrement démocratique, où le désir du travailleur est fort soutenu, et où chacun peut occuper sa place en fonction de ses spécificités et de ses atouts.
Quels sont les aspects de votre métier que vous aimez le moins ?
Le premier qui me vient en tête est la problématique du vol au sein de l’institution ou le manque de notions de civilité chez certains patients qui rend difficile la vie en communauté.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaiterait exercer le même métier que vous ?
Ayez de l’humilité dans vos objectifs, ne visez pas l’idéal, ne visez pas d’intégrer à tout prix un sujet au moule de la société. Soyez au clair sur les outils qui vous permettent de mettre de la distance entre vous et le patient. Enfin, repérez les motivations personnelles qui vous amènent à choisir tel ou tel secteur du social, vous en serez d’autant plus pertinent dans votre travail.