Mme Chantal Lebrun,
Art thérapeute et peintre

Mme Lebrun, vous animez un atelier d'expression picturale à visée thérapeutique, de quoi s'agit-il ?

Il s'agit d'un atelier intitulé «couleurs émotions», présenté comme un atelier d'art thérapie, dans lequel on y pratique un art, la peinture et plus particulièrement la couleur. Tout ceci est à visée thérapeutique puisque l'on y creuse des thèmes ayant un lien avec l'affectif et les émotions.

On vit des émotions au travers des couleurs même si cela est inconscient au départ. On peut travailler cet aspect dans les deux sens, soit partir de la couleur et observer nos réactions face à celle-ci, soit prendre une situation de départ et la mettre en couleur. On décode alors les émotions ressenties au travers du langage symbolique de la couleur. Par des mouvements, des lignes, des taches et non par de la figuration, on évoque des ressentis, nous sommes dans ce qui concerne le cerveau droit. La personne pense à une situation précise, la colère par exemple, elle choisit les couleurs avec lesquelles elle exprime cela sur la toile, ensuite je décode. On retravaille les émotions en décodant au fur et à mesure en utilisant le langage symbolique de la couleur. Cela nous donne à en savoir plus sur notre personnalité. La parole permet de s'exprimer également certes, mais elle est imprégnée de l'éducation, de nos interprétations. La couleur est fiable, il y a un langage symbolique qui correspond à chacune d'elles. Par rapport à une situation donnée on peut mettre en évidence ce qui est mis en route, ce qui bloque, on identifie les besoins, etc. Les couleurs et les formes parlent entre elles. Les expressions sur les couleurs confirment les émotions ressenties.

Comment avez vous été amenée à pratiquer cette approche ?

Infirmière à la base, j'ai travaillé en pédiatrie dans un hôpital de Bruxelles. Intéressée par la peinture, je remarquais que lorsque je peignais je pouvais me déconnecter du reste. Il y avait des émotions qui passaient dans mes peintures, la couleur me menait quelque part. J'ai approfondi l'observation des effets vibratoires que je ressentais. J'ai alors suivi une formation en techniques de peinture. Je me suis intéressée à la symbolique des couleurs en suivant les formations chez Nicole Vandenbroucke. J'ai abordé plusieurs autres approches, la kinésiologie, la PNL, la méthode Gordon, l'approche de Lise Bourbeau, j'ai assisté à de nombreux séminaires. J'ai investigué le rapport des émotions au corps.

J'ai suivi des séminaires sur l'utilisation de la voix, donnés par Marie Claude Van Lierde. J'ai intégré toutes ces formations peu à peu, en utilisant mes propres expériences d'émotions, ce que je fais passer c'est aussi ce que j'ai pu ressentir et expérimenter moi même. C'est un travail individuel même si le groupe comprend jusqu'à 6 personnes maximum. Chacun s'exprime pour lui et laisse émerger l'enfant qui est en lui. Nous avons une force en nous, il est important d'exprimer ce que l'on a en soi.

S'agit-il d'une démarche préventive plutôt que thérapeutique ?

Cela dépend de l'individu en question. Il y a des personnes qui sont surtout curieuses et qui désirent «toucher» à la peinture, on pourra dire que dans ce cas l'approche est préventive. Certains traversent une crise, l'approche sera plus ciblée et donc à visée thérapeutique. Dans mes ateliers, je n'ai pas eu de cas que l'on pourrait identifier de psychiatrique. Mais il m'arrive de travailler avec des personnes qui viennent ici en complément d'une thérapie, trouver un lieu d'expression différent. Je ne travaille qu'avec les adultes, la motivation est plus forte et l'on peut creuser plus loin.

La peinture suscite des émotions, faire de la peinture figurative c'est autre chose. Est-il nécessaire de savoir peindre pour participer à ce type d'atelier ?

Il est même préférable de ne pas savoir peindre, il faut éviter le risque de trop s'investir dans cette figuration et l'esthétique et ce n'est pas le but. On pourrait aborder l'approche par de la peinture figurative et réfléchir aux freins que l'individu met en place dans cette expression figurative. Mais le démarrage dans l'expression est plus long. Les personnes qui ont déjà pratiqué la peinture sont invitées à manipuler le pinceau de la main gauche. Lorsque l'on fait de l'art thérapie, on le fait pour soi avant tout. Par rapport aux freins qu'un individu peut manifester envers la peinture figurative on peut travailler le lâcher prise et mener la personne à se satisfaire non pas du résultat final mais de la manière dont il a procédé et pris du plaisir. On va toujours trouver un chemin quelque part, une fenêtre. On est trop souvent critique envers soi.

Très concrètement, comment cela se passe t-il ?

La personne est devant un tableau blanc, un chevalet, en position debout pour être bien ancré au sol. La personne lance un mouvement, sans réfléchir ni critiquer. En peignant, des émotions apparaissent, et selon la situation critique qu'elles ont en tête, elles vont prendre telle ou telle couleur, sans avoir aucune connaissance de la symbolique. Elles formeront des taches sur la feuille.

Une fois la personne lancée dans son expression picturale, comment intervenez vous, que se passe t-il ?

Je l'invite à bien sentir les émotions qui émergent, identifier l'endroit où cela se manifeste dans le corps, accueillir cette émotion et me l'énoncer afin que je puisses «travailler» cette émotion. Prenons un exemple: une colère se passe, on la travaille au niveau de la voix, elle va sortir des sons très bas, sortir des mots, l'exprimer et non enfoncer cette colère en soi. Elle exprime cette colère sans la diriger ni vers elle ni vers autrui. Ensuite nous réfléchissons à ce qu'il y a derrière cette colère, cette peur, cette tristesse qui se cache derrière la colère. Une émotion en cache une autre. J'invite la personne à reprendre une autre feuille et à peindre cette tristesse et ainsi de suite. On creuse pour apprendre à mieux se connaître et mieux gérer les choses. La séance dure deux heures pour consacrer le temps à l'expression.

Que se passe t-il lorsque les émotions sont très fortes au point où l'émergence de celles ci devient trop douloureuse ?

La personne peut avoir une crise de larmes, il faut la laisser pleurer, elle va s'apaiser et nous continuerons à travailler avec la peinture. On peut calmer avec la couleur complémentaire et identifier ainsi de quoi elle a besoin. La personne ne quitte pas l'atelier avec une émotion non travaillée.

Quelles formations avez vous suivies ?

Je ne n'ai pas suivi de formation intitulée «art thérapie», j'ai pris la voie de l'approche de la couleur et de sa symbolique. J'ai intégré à la fois des apports théoriques et pratiques au travers des séminaires, des lectures, des réflexions et d'expériences personnelles. C'est un atelier que j'ai crée sur ces bases-là.

Quelles sont les compétences indispensables pour pratiquer votre approche ?

Être à l'écoute de l'autre est fondamental, être dans le respect de l'autre. Être dans l'acceptation de ce qui va se dire, le secret professionnel. Être enraciné soi-même, ne pas projeter sur l'autre ni prendre pour soi. Être dans un amour inconditionnel, accueillir l'autre tel quel sans critique ni jugement.

Pour ce qui concerne les savoirs, quels sont-ils ?

J'ai évoqué la symbolique des couleurs qui consiste à dire que chaque couleur a une symbolique propre. Il y a une correspondance des couleurs avec les chakras localisés sur le corps humain. Si nous prenons le rouge par exemple, on peut dire que le rouge est dans l'action, se situe au niveau des jambes, le violet a une ouverture plus spirituelle. La perception personnelle est également à prendre en compte.

Quelles autres approches utilisez-vous ?

J'utilise la PNL (Programmation Neuro-Linguistique) pour saisir les structures émotionnelles, cela me permet de faire un lien avec quelques notions de psychiatrie que j'ai abordées dans mon travail d'infirmière. La réflexion porte sur les modifications possibles des émotions, sur ce qui se passe au niveau des mouvements, de la voix, des yeux, les liens possibles. On observe si la personne se situe plutôt dans son dialogue intérieur, si elle va chercher des éléments du passé. Cet outil m'aide à décoder. Il est important de comprendre et de faire l'effet miroir.

Sous quel statut travaillez vous ?

J'ai un statut d'indépendante. Cela fait près de 15 ans que j'ai commencé l'investigation de cette approche thérapeutique et 3 ans que j'ai lancé ces ateliers. Mais cela ne constitue pas un apport salarial suffisant pour être considéré comme un emploi efficacement rémunérant. Encouragée par mon mari, c'est à titre complémentaire que je le conçois. Je peins depuis 23 ans pour mon propre plaisir, et je m'occupe de mes enfants. Je ne pratique plus la profession d'infirmière.

Quelles perspectives envisagez-vous pour les prochaines années ?

Je continue à me former pour ces ateliers thérapeutiques, un développement continu, en intégrant mieux l’approche corporelle. De même développer des ateliers non thérapeutiques mais ludiques, toujours axés sur la peinture mais dont l’objectif serait d’amener la personne à trouver son potentiel créateur.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.