En quoi consistait la formation que vous avez suivie à Skeyes ?
Elle était consacrée aux cours théoriques de base (thermodynamique, mécanique, météorologie générale et instrumentation) ainsi qu’aux stages en station d’observation où l’on apprend à reconnaître les types de nuages (il y en a beaucoup !) et à coder le temps qu’il fait. Après un examen final, j’ai commencé à exercer ma profession au service météo de l’aéroport de Charleroi.
J’ai ensuite suivi la formation avancée de prévisionniste (météorologie en altitude, analyse de cartes de surface et d’altitude, interprétation des modèles de prévision numérique, interprétation des images satellite et radar, techniques de prévision, étude des phénomènes dangereux en aviation comme la turbulence, le givrage et les orages). Je travaille comme prévisionniste opérationnel depuis une dizaine d’années.
Dans quels aéroports avez-vous travaillé ?
J’ai donc débuté à l’aéroport de Charleroi où je suis resté en poste durant cinq ans. C’est là-bas que j’ai vraiment appris les bases de mon métier. Après avoir réussi ma formation de prévisionniste, j'ai travaillé au service météo de Bruxelles-National. Depuis 2005, ce service est installé dans la tour de contrôle de Bruxelles National sur le nouveau site d’exploitation de Skeyes à Steenokkerzeel. Il m’arrive encore d’effectuer quelques services à Charleroi mais uniquement à titre exceptionnel. Cela fait 16 ans que je suis dans le métier.
Quelles sont les connaissances indispensables à avoir pour exercer ce métier ?
Il faut surtout de bonnes connaissances scientifiques (météorologie, mathématique, physique, géographie). Comme nous travaillons dans le domaine de l’aviation, les contacts se font aussi bien en anglais que dans les deux langues nationales : la connaissance du néerlandais et de l’anglais est donc nécessaire.
Y a-t-il une hiérarchie parmi les météorologistes ?
Parmi les météorologistes on peut distinguer deux catégories : les observateurs et les prévisionnistes. Les météorologistes de Skeyes sont sous la responsabilité du superviseur du service Météo pour Bruxelles-National à Steenokkerzeel.
Quelles sont vos tâches ?
La prévision du temps ne se limite pas, comme beaucoup de personnes le pensent, à dire s’il fera ensoleillé ou nuageux, si de la pluie est prévue ou s’il fera sec. Nous sommes un service de sécurité aérienne intégré directement au contrôle aérien et notre tâche est de veiller à la sécurité de la navigation aérienne dans l’espace aérien belge et luxembourgeois ainsi que sur les aéroports civils dont nous sommes responsables. Nous devons également fournir une assistance pour des vols partant du territoire belge vers n’importe quelle destination.
L’aéronautique exige des données météorologiques précises. Nous devons prévoir la visibilité attendue en cas de brouillard, les types de nuages, la hauteur de leur base, leur sommets ainsi que les phénomènes particuliers pouvant s’y produire comme le givrage. En effet, dans certaines conditions, d’importantes quantités de glace peuvent se déposer sur un avion en vol, le rendant plus lourd et réduisant ses performances. De nombreux accidents aériens sont dus à ce phénomène de givrage. Il est donc nécessaire de pouvoir en estimer le risque le mieux possible.
Les orages constituent également un facteur de risque important en aviation et l’évaluation de leur intensité (durée, quantité de précipitations, grêle, rafales) est aussi une de nos priorités.
Les fortes turbulences en altitude peuvent quant à elles générer des désagréments au cours d’un vol, voire provoquer des dégâts aux avions volant dans leur voisinage. Il est donc impératif que ces zones soient signalées aux équipages.
La vitesse et la direction du vent, tant en surface qu’en altitude, sont primordiales pour le bon déroulement d’un vol. Les contrôleurs ont donc besoin de données de vent précises pour anticiper les pistes qui seront en usage lors des phases de décollage et d’atterrissage. Les conditions météorologiques peuvent imposer un changement dans la configuration des pistes utilisées, ce qui est susceptible d’avoir des conséquences sur la capacité et sur la ponctualité, surtout si cela se produit aux heures de pointe.
En hiver, en période de gel ou de neige, les autorités aéroportuaires doivent connaître l’état des pistes à venir afin d’organiser les équipes de déneigement et le traitement des pistes.
Même lors d’une journée de beau temps, nous devons fournir des prévisions pour l’aviation privée comme le vent pour les ballons, l’heure à laquelle leur vol sera possible, la force des ascendances pour les pilotes de planeurs, etc.
Comment se déroule une journée type ?
Chaque équipe travaille en shift de 12 heures, 24h/24, 7 jours/7 (7h30-19h30 pour un jour ; 19h30-07h30 pour une nuit). A Bruxelles, le début de la journée commence par un briefing de l’équipe précédente. Nous analysons ensuite les données (cartes, observations, sondages, satellite, etc.), afin d’avoir une bonne connaissance en trois dimensions de la situation atmosphérique existante et à venir. Nous devons ensuite fournir toute une série de produits destinés aux utilisateurs aéronautiques (contrôleurs aériens, pilotes, autorités aéroportuaires, aérostiers, pilotes de planeurs et parapentistes) : rédaction de bulletins de prévisions, éditions de cartes de temps significatifs valables pour la Belgique et ses environs immédiats.
Nous effectuons un monitoring permanent de la situation atmosphérique et, dans le cas où cela s’avère nécessaire, nous rédigeons des avertissements de phénomènes potentiellement dangereux ou pouvant réduire la capacité des aéroports civils belges (Bruxelles, Charleroi, Ostende, Antwerpen et Liège-Bierset).
Les contacts téléphoniques directs avec les pilotes ayant besoin d’un briefing ou de conseils pour planifier leur vol en Belgique ou sur de plus longues distances sont fréquents.
Plusieurs fois par jour, le superviseur participe à des conférences avec le contrôle aérien et l’inspection aéroportuaire. Il y a également un contact téléphonique avec les autres services météo belges (IRM, Wing Météo) pour une conférence triangulaire.
Sur les différents aéroports, outre le support aux pilotes, aux contrôleurs ainsi qu’aux autorités aéroportuaires, il y a lieu de fournir régulièrement des observations qui seront diffusées dans une banque de données internationale : observations aéronautiques (toutes les 30 minutes) et observations synoptiques (toutes les heures), destinées à la veille météorologique mondiale.
Quelles difficultés rencontrez-vous dans l'exercice de votre métier ?
On exige de nous des informations précises alors que le temps sous nos latitudes peut être extrêmement variable d’un jour à l’autre et parfois très difficile à prévoir avec des situations pas toujours claires.
Nous utilisons des modèles numériques qui parfois divergent d’un modèle à l’autre. Dans ce cas, à nous de voir lequel semble le plus fiable.
Enfin, certains phénomènes de plus petite échelle ne sont pas très bien prévus par les modèles numériques et dans ce cas, l’expérience du prévisionniste peut faire toute la différence.
Et quels sont les points positifs ?
Pour ma part, j’ai toujours été passionné par l’aviation ainsi que par les sciences naturelles et dans ce job, les deux viennent se combiner pour mon plus grand plaisir.
La météorologie est très vaste et ce n’est qu’avec une formation continue et des années d’expérience que l’on arrive à bien comprendre le temps. Dans ce métier il faut apprendre et se remettre constamment en question. Certains de mes anciens chefs apprenaient encore avant leur départ en pension. Voilà quelques années déjà, je me suis porté volontaire pour donner des cours, principalement aux pilotes mais parfois à d’autres météorologues belges ou étrangers.
Dans le cadre du Ciel unique européen, les services de météorologie aéronautiques doivent de plus en plus coopérer et j’ai eu l’occasion de me rendre quelques jours au Centre National de Prévision de Météo-France à Toulouse pour rencontrer nos collègues français.
Continuez-vous encore à vous former ?
Oui, constamment je dois dire. Je viens d’assister à une formation donnée à l’Institut Royal Météorologique d’Uccle sur l’interprétation des images satellites.
Avez-vous une anecdote à raconter ?
Il y en a beaucoup. Je pense à cet avion en provenance de Dublin qui ne pouvait atterrir à Charleroi suite à un violent orage situé juste sur sa trajectoire de descente vers la piste 25. Cette piste était en usage car le vent prévu était de secteur sud-ouest ce jour-là et un avion doit toujours décoller ou atterrir avec une composante de vent de face. Il lui restait 20 minutes de fuel en réserve et était prêt à faire diversion vers Liège. Etant certain que le vent allait tomber très temporairement derrière la cellule orageuse, j’ai proposé au contrôleur aérien de l’amener immédiatement à contre piste, en 07. Le pilote a accepté et s’est posé peu de temps après, évitant la diversion ainsi que des désagréments à ses 130 passagers.