Mme Coralie Vial,
Juriste spécialisée en environnement

Interview réalisée en janvier 2005

Qu'est ce qui vous plaît le plus dans votre activité juridique au sein d'Iinter-Environnement-Wallonie (IEW) ?

Ce qui caractérise le droit dont je m'occupe, c'est certainement la transversalité. Je dois développer des avis juridiques sur des dossiers concernant aussi bien la santé, les substances chimiques, le sol et les déchets, l'aménagement du territoire, l'eau, l'énergie, la mobilité,etc., en concertation avec les chargés de mission de chaque cellule thématique spécialisée dans le ou les différents domaines. Qui plus est, il ne s'agit pas seulement de faire preuve d'esprit critique par rapport aux textes législatifs que j'examine, mais aussi de faire des propositions constructives pour faire évoluer tel décret ou telle nouvelle disposition dans un sens plus favorable à nos objectifs.

Plus concrètement, pouvez-vous nous donner quelques exemples des dossiers que vous défendez ?

Je peux vous citer en vrac les thèmes qui ont agité l'actualité ces derniers temps et sur lesquels nous avons formulé des prises de position : les pesticides en libre circulation alors qu'ils peuvent provoquer des mutations génétiques et autres cancers ; les revendications des riverains de centres de traitement des déchets biodégradables ; les nouvelles conditions écologiques édictées pour recevoir les aides européennes à l'agriculture ; la qualité des eaux souterraines en Belgique ; les quotas de CO2 en région Bruxelles-Capitale ; le maintien des voies vertes ; le projet de réglementation REACH (registration, évaluation, authorization of Chemicals) pour limiter l'usage de substances chimiques. Vous voyez, la liste est longue ! Nous devons être très réactifs et le challenge consiste à fournir des analyses de qualité dans un délai très court.

Comment concevez-vous votre rôle et votre responsabilité ?

Mon activité comprend plusieurs facettes. Je réponds d'abord aux particuliers, aux entreprises et aux membres d'associations sur des questions précises, relevant de l'aménagement du territoire, par exemple pour une implantation illégale ou à propos d'un litige face à l'administration, touchant au droit de l'environnement. Je collabore également à la rédaction de notre revue Interaction et aux différentes initiatives d'information de IEW : communiqués de presse, campagnes de presse, brèves, lettre électronique, etc.

Par ailleurs, je représente l'association dans diverses instances : le conseil wallon pour l'environnement et le développement durable (CWDD) et le conseil fédéral pour le développement durable (CFDD). Par ailleurs, je participe à des groupes de travail où je suis supposée faire entendre la voix d'IEW. Un autre volet de mon activité, et pas des moindres, consiste à gérer les contentieux de la fédération. En effet, il nous arrive d'intenter des actions en justice, soit directement, soit pour soutenir l'un de nos membres. Dans ce cas, c'est à moi qu'il incombe de monter le dossier et de le présenter au conseil d'administration avant toute prise de décision. Puis, je suis les différentes étapes de l'affaire, je travaille notamment avec les avocats pour alimenter leurs réflexions et construire leurs plaidoiries. A titre indicatif, Inter Environnement Wallonie a déposé un recours devant la cour d'arbitrage contre le décret RESA (Relance Economique et Simplification Administrative) en septembre 2005, ce qui, depuis, a permis de faire évoluer les termes du décret ! Naturellement, une telle procédure juridique ne s'utilise que comme arme ultime après toute tentative infructueuse de négociation.

Depuis quand occupez-vous ce poste et comment a-t-il évolué ?

Depuis quelques années. En fait, j'ai été recrutée au moment de sa création. Auparavant, c'était un chargé de mission qui traitait de l'aspect juridique des dossiers, mais un poste à temps plein s'est révélé nécessaire, surtout depuis les directives soumettant tous les pays membres au respect de la convention d'Aarhus. Cette convention accorde à tous les Européens l'accès à l'information en matière d'environnement et leur permet de demander réparation en cas de violation du droit de l'environnement. Il est certain que les citoyens sont de plus en plus sensibilisés à la dimension environnementale dans leur vie quotidienne. Ils n'hésitent donc plus à s'informer sur leurs droits et sont invités à participer au processus décisionnels. C'est un progrès vers la transparence dans l'élaboration des politiques, que IEW soutient. Je remarque que j'interviens de plus en plus dans ce cadre.

Etiez-vous préparée à cette activité de "juriste-militante" et y trouvez-vous votre compte ?

J'ai fait mes études de droit à l'ULB à Bruxelles avec une spécialisation en droit public, ce qui m'a toujours passionnée. Puis, j'ai travaillé comme avocate dans un cabinet spécialisé en environnement et en urbanisme. J'ai ensuite collaboré avec la Direction générale de l'aménagement du territoire, du logement et du patrimoine, à la région wallonne avant d'intégrer la fédération Inter-Environnement-Wallonie. J'y investis mon sens du service, mon goût des contacts, mon envie de participer à l'amélioration de notre société. Et je puise mes forces dans la grande solidarité de l'équipe tendue vers un but commun et un idéal élevé (à condition de savoir poser ses limites, ce qui est toujours un souci dans une association). Autre intérêt : ne pas seulement jouer la mouche du coche en soulevant les points litigieux dans les textes législatifs mais aussi faire oeuvre de créativité en proposant des alternatives aux politiques, car être seulement dans la contestation peut vous user rapidement !

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.