Mr Daniel Marlier,
Garde champêtre particulier
Interview réalisée en juin 2015 |
Garde champêtre particulier, membre de l’Association des Gardes Champêtres Particuliers de la Région wallonne (AGPRW) et gérant du CREAVES "Clos de l’olivier" à Masnuy-Saint-Jean (Jurbise).
Quel est votre parcours ?
Je suis né dans une famille de chasseurs et de fermiers. Mon grand-père était garde-chasse. Je connaissais donc bien la faune et le gibier. Lorsque nous sommes arrivés à Masnuy-Saint-Jean avec mon épouse, j’allais chasser avec le propriétaire d’une société de chasse. Il m’a proposé le poste de garde-chasse sur le territoire qui lui appartenait. Et c’est comme cela que je suis devenu garde champêtre particulier.
Le garde champêtre particulier est un officier de police judiciaire dans l’exercice de ses fonctions, c’est-à-dire les propriétés boisées ou non, la chasse et la pêche. Il peut se charger uniquement de la chasse ou de la pêche ou faire les deux. Tout dépend de la propriété dont il s’occupe. Personnellement, je ne me charge que de la chasse.
Comment devient-on garde champêtre particulier ?
En 2006, suite à une nouvelle réglementation, le garde-chasse est devenu le garde champêtre particulier. La réglementation a permis en quelque sorte de légiférer son rôle. Elle offre également un cadre très précis des droits, devoirs et limites liés à sa fonction.
C’est le commettant (la personne qui l’engage) qui doit faire une demande auprès du Gouverneur de la Province concernée.
Le candidat garde champêtre particulier doit satisfaire aux conditions d’agrément suivantes :
- bénéficier d’une désignation visée à l’article 61 du Code rural ;
- être citoyen d’un État membre de l’Union européenne ;
- avoir atteint l’âge de 18 ans accomplis le jour de l’agrément ;
- ne pas avoir été condamné, même avec sursis, à une quelconque peine correctionnelle ou criminelle consistant en une amende, une peine de travail ou une peine de prison, à l’exception des condamnations pour infraction à la réglementation relative à la police de la circulation routière. Un garde champêtre particulier qui a été condamné à l’étranger à une peine de même nature par un jugement coulé en force de chose jugée, est réputé ne pas satisfaire à la condition fixée ci-dessus ;
- ne pas exercer de mandat politique ;
- ne pas être membre d’un service de police au sens de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux ou d’un service public de renseignements tel que défini par la loi du 18 juillet 1991 organique du contrôle des services de police et de renseignements ;
- ne pas exercer la fonction de détective privé, telle que définie dans la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé ;
- ne pas être membre d’une entreprise de gardiennage, d’un service interne de gardiennage ou d’un service de sécurité, au sens de loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière ;
- ne pas exercer de fonction en tant que garde au sein de l’administration forestière, au sens des réglementations régionales ;
- ne pas pratiquer la chasse ou la pêche, ni être (co)détenteur du droit de chasse ou de pêche sur le territoire pour lequel il souhaite être commissionné et ne pas être parent ou allié jusqu’au troisième degré du commettant ou des détenteurs du droit de chasse ou de pêche qui chassent ou pêchent sur ce territoire ;
- ne pas exercer des activités de fabricant ou de marchand d’armes ou de munitions ou toute autre activité qui, par le fait qu’elle est exercée par cette même personne, peut constituer un danger pour l’ordre public ou la sécurité intérieure ou extérieure de l’Etat ;
- ne pas avoir fait l’objet d’une décision de limitation, de suspension ou de retrait du droit de détenir une arme prise en application de l’article 13 de la loi de 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes (Loi sur les armes) au cours des trois dernières années ;
- avoir réussi le test de compétence de la formation de base ou l’examen du cours de recyclage.
Pour obtenir son agrément, le candidat doit notamment transmettre au gouverneur de la province l’acte de désignation, une copie de l’extrait du casier judiciaire, un certificat de réussite de l’examen théorique et pratique de chasse organisé par la Région flamande ou la Région wallonne, ou un titre considéré comme équivalent, l’attestation de réussite de la formation de base ou du cours de recyclage délivrée depuis moins de cinq ans.
Durant les deux années précédant le terme de validité de l’agrément en cours, le garde champêtre particulier doit suivre un cours de recyclage d’au moins 15 heures dans le but de rafraîchir les connaissances acquises lors de la formation de base, les règles relatives au procès-verbal ainsi que les nouveautés dans la réglementation relative au garde champêtre particulier.
Le statut des gardes champêtres particuliers est réglementé par l'Arrêté royal du 10 septembre 2017, revu et précisé par l'Arrêté royal du 8 juillet 2019 et par l'Arrêté ministériel du 10 juillet 2019.
Quelles sont vos missions ?
Les missions du garde champêtre particulier peuvent varier en fonction du commettant et du territoire mais en général, il doit gérer le territoire et le gibier qui s’y trouve. Il y effectue une surveillance afin de faire respecter les règlements (ex : tenir son chien en laisse). En tant qu’officier de police judiciaire, il est tout à fait habilité à dresser un procès-verbal si la loi est transgressée. Mais nous essayons de privilégier le dialogue et la prévention plutôt que la répression. Ce n’est pas toujours facile, certaines personnes ne l’acceptent pas facilement, mais il ne faut pas hésiter à montrer son autorité.
Je surveille et régule (avec des pièges autorisés ou par arme à feu) les prédateurs tels que les renards, les fouines, les corneilles et autres pies bavardes, etc. Pour ce point, j’agis avec l’autorisation de la Division Nature et Forêts de la Région wallonne. Ce n’est pas la partie de mon travail que je préfère mais il s’agit d’une nécessité pour éviter les dégâts en agriculture, par exemple.
Mon rôle consiste également à lutter contre le braconnage. Enfin, je procède aussi au comptage des animaux ; je surveille les nichées, le développement de la population.
Durant les hivers rigoureux, le garde peut procéder au nourrissage du petit gibier. En ce qui concerne le grand gibier, le nourrissage se fait selon la réglementation.Il faut aussi entretenir les chemins, les avaloirs, les bacs à eau, etc.
Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre métier ?
J’ai l’avantage de pouvoir travailler seul, de veiller à préserver la nature et de prendre soin de la faune.
Par contre, nous souffrons d’un manque de compréhension et de considération de notre travail. La vue de l’uniforme entraine des a priori chez certaines personnes ce qui provoque des réactions assez hostiles.
Il y a aussi des pressions exercées par certains commettants.
Enfin, il faut savoir qu’il s’agit principalement d’un travail complémentaire. Il n’existe pas de barèmes mais le garde champêtre particulier doit recevoir au minimum 25 euros par mois.
Quelles sont, selon vous, les qualités à posséder pour devenir garde champêtre particulier ?
Il faut être calme, philosophe et connaître la loi. Il faut aussi être diplomate.
C’est un métier d’extérieur, il ne faut donc pas avoir peur de devoir sortir par tous les temps et aussi la nuit. Il faut aussi être manuel.
Qu’est-ce qui vous plait particulièrement dans ce métier ?
La nature ! Le fait de pouvoir me promener, y compris pendant la nuit, car le gibier bouge beaucoup.
J’aime aussi le contact avec les gens, les habitants ou les fermiers. Nous sommes des personnes de référence pour certains.
Qu’est-ce que l’AGPRW ? Quelles sont ses missions ?
L’Association des Gardes Champêtres Particuliers de la Région wallonne est née en 1991. Elle rassemble 550 membres, répartis dans toute la Région wallonne.
Nous avons pour missions de valoriser l’image du garde champêtre particulier. Nous agissons en tant qu’interlocuteurs privilégiés auprès des Gouverneurs et nous intervenons également au niveau de l’organisation de la formation.
Nous apportons une aide en ce qui concerne la protection de la faune et de la flore en général, toujours sur les territoires privés.
Quels conseils donneriez-vous à une personne qui voudrait exercer ce métier ?
Je lui conseillerais d’avoir un deuxième boulot à côté car il s’agit principalement d’un travail complémentaire. Il faut bien entendu aimer la nature et aimer travailler en extérieur. La faune vit, bouge sans cesse, on ne peut pas se dire un jour : "Je n’ai pas envie d’aller travailler". Le travail de garde champêtre particulier est un travail social, qui requiert beaucoup de diplomatie. Il faut le savoir.
Vous gérez également un centre de revalidation pour animaux sauvages. Est-ce que vous pouvez nous en parler ?
Il s’agit de ma 2ème passion ! Ma femme et moi travaillions tous les deux en tant que fonctionnaires au Conseil de l’Union européenne. Je lui avais toujours dit que, une fois retraité, j’aimerais vraiment me trouver une occupation.
Mon épouse, qui a par ailleurs un doctorat en plantes aquatiques, est venue quelques fois à la chasse avec moi et s’est prise d’amour pour les rapaces.
Notre vétérinaire nous avait un jour parlé de différents services qui pourraient être intéressants à ouvrir dans le coin, comme une pension pour chiens et chats ou un centre de revalidation de la faune sauvage. Cela a tout de suite plu à mon épouse et nous nous sommes lancés. Nous avons fait de nombreuses recherches, visité d’autres centres à l’étranger. Après 6 ans, nous avons enfin obtenu l’agrégation.
Notre clinique soigne tous les animaux sauvages, sauf les renards pour des raisons sanitaires. Nous collaborons avec deux vétérinaires, avec les Parquets de Mons, Charleroi et Tournai qui nous apportent des animaux saisis, avec la police judiciaire, les agents des eaux et forêts, des particuliers et aussi Pairi Daiza.
Il s’agit véritablement d’une passion, on ne peut pas dire qu’on en vit.