Mr Daniel Martin, Educateur
Interview réalisée en janvier 2008 |
Educateur et directeur de l'AMO Passages de Namur.
Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
Après avoir terminé mes secondaires, j'ai tout d'abord commencé à travailler dans le domaine commercial. Je me suis ensuite réorienté dans le domaine social. J'ai alors travaillé comme éducateur tout en suivant une formation d'éducateur spécialisé dans l'enseignement de Promotion Sociale. J'ai travaillé dans différents domaines (toxicomanie, hébergement) avant d'effectuer un travail de terrain, de rue dans des Maisons de quartier ou des AMO. D'un point de vue géographique, j'ai travaillé à plusieurs endroits : Huy, Liège, Bruxelles et Namur, ce qui me permet d'avoir une vison plus large. J'ai complété ma formation par un master en sciences politiques, économiques et sociales pour développer mon rôle d'interpellation au niveau de la politique locale et régionale.
Qu'est-ce qui vous a motivé à choisir le secteur social ?
Un mélange d'éléments m'y ont poussé : liés à ma vie personnelle, à une certaine prise de conscience, à une aspiration profonde de travailler avec des gens et de s'occuper de la chose sociale.
Qu'est ce qu'un Service d'Aide en Milieu Ouvert ?
Les Services d'Aide en Milieu Ouvert font partie du dispositif de l'Aide à la Jeunesse. Leur objectif principal est d'aider individuellement ou collectivement les jeunes ou les familles en difficulté dans leur milieu de vie. Les AMO interviennent uniquement à la demande et avec l'accord du jeune, de sa famille. Il ne s'agit donc pas d'aides contraintes.
Quelles sont vos missions et comment se déroule votre travail ?
Il se compose de 3 axes principaux. Le premier est l'accueil des jeunes et des familles dans une logique de médiation, d'éducation. On tente de remettre le fonctionnement de la famille au centre en étant le plus bienveillant possible. Il peut s'agir de rencontres, de discussions avec la famille, de travail au niveau du système familial (systémique). On apporte un regard extérieur sur la situation, la manière de vivre des familles. On tente d'apaiser les relations via la médiation éducative. L'AMO est impliquée dans un grand réseau. Les familles prennent donc connaissance de notre service par l'intermédiaire de l'école, de l'Aide à la Jeunesse. Suivant la problématique rencontrée, nous aidons les personnes ou nous les réorientons vers des services plus appropriés.
Le deuxième axe de travail concerne l'aide aux jeunes en difficultés. Les jeunes ne viennent pas ici parce qu'ils ont une difficulté spécifique. Nous ne sommes pas spécialisés dans un domaine d'aide en particulier. Le fait d'avoir une difficulté constitue la porte d'entrée. Elles peuvent être de diverses natures : toxicomanie, problèmes administratifs, recherche d'emplois, difficultés relationnelles, scolaires, etc. Notre but est de permettre au jeune de se structurer à partir d'un travail de groupe ou individuel. Nous organisons des actions collectives pour socialiser les jeunes, les rendre plus conscients des réalités dans lesquelles ils vivent. Il peut s'agir d'activités de toutes sortes : équitation, karting, etc. Les activités sont des outils pour sortir les jeunes de leur fonctionnement individuel, les rendre plus sociaux. Les jeunes sont impliqués dans les activités, nous les rendons responsables de leur projet, acteurs. Les actions sont faites avec eux. Nous proposons aussi des entretiens individuels sous forme d'accueil, d'écoute, de soutien, d'accompagnement.
Le troisième volet de ce travail concerne la prévention dans les écoles ou toutes structures où l’on retrouve des jeunes. Il s'agit donc d'un travail de partenariat. Nous organisons des actions de prévention générale axée sur la lutte contre les discriminations et pour une amélioration de la citoyenneté active. Nous tentons de sensibiliser les jeunes aux enjeux de la société, à la difficulté de vivre ensemble au travers de la diffusion d'un film et de discussions. Le but est de les laisser s'exprimer, leur donner la parole, organiser des débats pour qu'ils puissent réfléchir de manière critique. Ces actions visent le bien-être des jeunes et la prévention des situations qui peuvent les conduire au décrochage scolaire, à la marginalisation ou à l'exclusion sociale.
Comment se compose l'équipe pluridisciplinaire dans laquelle vous travaillez et qu'est-ce que ça vous apporte de travailler en équipe ?
Elle se compose d'une assistante sociale, une criminologue et d'éducateurs. J'ai donc la double fonction d'éducateur et directeur. L'équipe étant très petite, il n'y a pas de forte hiérarchie. Le poste de direction m'amène à gérer l'aspect financier. La différence avec les autres membres de l'équipe est aussi le fait que je connais le secteur depuis plus longtemps. Le travail d'équipe permet d'éclairer les situations avec le regard de chacun, un apport de tous dans les activités, une implication dans le réseau namurois et une représentation de l'ASBL par chacun.
Nous travaillons aussi beaucoup en réseau, en établissant des partenariats avec des acteurs de l'associatif ou du privé.
Quels sont les avantages de votre métier ?
Je rencontre mon intérêt pour l'humain, la politique sociale. J'ai mon mot à dire sur le fonctionnement social. J'apprécie aussi le fait de ne pas avoir d'horaire et une grande liberté d'action. De plus, mon travail est d'une immense variété, il n'y a pas de routine, je ne sais jamais ce que je vais faire. L'aspect varié du métier oblige à savoir plein de choses, se remettre en question sur tout, aimer apprendre, se tenir au courant de l'actualité. Les sujets traités sont divers : droit social, droit familial, connaissances des partenaires, de ce qu'ils font, etc. Le fait que ce soit un métier de rencontres de jeunes et de familles en difficulté mais aussi d'acteurs du réseau social me plaît beaucoup. J'établis des relations privilégiées avec des gens qui en ont besoin, j'essaie de les faire franchir une étape.
Voyez-vous certains inconvénients ?
Les avantages précités peuvent être pour certains des inconvénients. Par exemple, certaines personnes ont besoin de plus de structure, d'horaires plus fixes. Le salaire est bas mais si on choisit le social, ce n'est pas l'objectif principal. Les jeunes sont parfois fort difficiles, ce n'est pas toujours évident.
Cependant, contrairement aux idées reçues, ce n'est pas un métier dangereux, les risques sont minimes et les personnes sont souvent respectueuses.
D'après vous, quelles sont les qualités essentielles pour exercer ce métier ?
Il est important d'être ouvert à l'actualité, au monde. L'empathie, le sens critique et le sens de l'écoute sont à mon sens essentiels. Les valeurs guident aussi souvent le choix d'une profession, le fait d'avoir des valeurs sociales de référence est donc primordial. Une bonne formation est aussi utile.
Quels conseils pourriez-vous donner à une personne qui souhaiterait entamer une carrière d'éducatrice ?
Je lui conseille d'abord de se former et d'être dans une logique de formation continue par la suite pour compléter sa formation initiale, s'adapter au travail, se spécialiser. Il y a beaucoup de cycles de formations accessibles aux éducateurs ou de manière plus large utiles dans le métier : en systémique, en droit, en médiation familiale, etc. Je lui recommande aussi de choisir ses stages dans des domaines qui correspondent réellement à ses aspirations. D'un point de vue comportemental, il est important que cette personne soit à l'écoute des autres, qu'elle veuille comprendre le monde dans lequel onvit. On ne change pas facilement le monde tout seul, elle doit donc aussi faire preuve de modestie et éviter d’être donneuse de leçons. On aide les gens là où ils sont, le fait que la situation dans laquelle ils sont est de leur faute ou pas ne change pas notre travail. Il faut donc éviter de stigmatiser les gens, ne pas porter de jugement.