Dr. Ir. Catherine Swartenbroekx,
Hydraulicienne

Interview réalisée en janvier 2020

Quelle est votre formation ? Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire ?

J’ai suivi des études d’Ingénieur civil des constructions. Lors de cette formation de 5 ans, j’ai choisi des cours à option liés à l’hydraulique et au calcul des structures. Durant ma 4e année, j’ai effectué un séjour Erasmus à Barcelone dans une université réputée dans les matières d’hydraulique. A la fin de ma formation, mon professeur d’hydraulique m’a proposé de postuler à une bourse de doctorat FNRS[1] (Mon dossier a été accepté et j’ai obtenu un financement de 4 ans. J’étais donc aspirante FNRS. J’ai réalisé un doctorat sur la modélisation des écoulements consécutifs aux ruptures de barrages. Cela impliquait de faire de nombreuses modélisations numériques. Grâce à ma thèse, j’ai pu rencontrer beaucoup de gens du domaine, voyager, participer à des conférences, etc. Tout cela m’a beaucoup plu. A la fin de mon doctorat, j’ai cependant eu envie de faire des choses un peu plus concrètes et moins théoriques. J’ai donc postulé à une offre d’emploi du Service Publique de Wallonie (SPW) qui recherchait un Ingénieur en Construction pour gérer les matières hydrauliques. Mon profil a plu et j’ai été engagée.

En quoi consiste votre travail ? 

Il est assez varié et évolue en fonction des projets qui sont en cours. Pour mener ceux-ci à bien, je suis en interaction avec différentes équipes. Cependant, je ne suis pas leur responsable hiérarchique. En général, je gère 4 à 5 projets en même temps, de différentes ampleurs. Certains portent plus particulièrement sur la modélisation en laboratoire. En effet, à Châtelet, nous avons un laboratoire dans lequel se trouvent différentes installations avec des modèles réduits d’écluses, de barrages, etc. Nous faisons du dimensionnement sur ces ouvrages lorsqu’il y a une avarie avec un ouvrage existant. De même, lorsqu’une nouvelle installation doit être construite, nous sommes souvent appelés pour faire une étude hydraulique. Pour cela, on réalise des modèles réduits d’une partie plus ou moins grande du futur ouvrage. Par exemple, on étudie une partie d’écluse ou parfois une écluse complète afin d’optimiser son remplissage. Celui-ci doit être suffisamment rapide pour les bateaux. Il faut également s’assurer qu’il n’y ait pas trop de turbulences. C’est un travail d’optimisation. Cependant, tous les projets ne nécessitent pas de modèles réduits. En effet, pour certains, nous faisons plutôt des calculs, nous nous basons sur des relations empiriques, des études, de la littérature et de la modélisation sur ordinateur.

Nous donnons des avis techniques. Cela implique beaucoup de discussions et de réunions. Le travail de rédaction n’est pas non plus négligeable. Il faut comprendre les enjeux du projet et imaginer toutes les étapes pour le mener à bien. Il est important de se poser les bonnes questions. Nous sommes en relation avec des collègues qui travaillent sur d’autres matières dans le projet.

Nous réalisons également des mesures sur le terrain. Nous installons des instruments de mesure sur une voie d’eau et nous analysons ensuite les résultats. Les campagnes de mesures peuvent se faire sur le long terme (par exemple, tous les 15 jours) ou de manière plus ponctuelle. Dans ce cas, nous posons, par exemple, des capteurs sur une écluse pendant un ou plusieurs jours. Parfois, il arrive que nous sous-traitions ce travail lorsque l’équipe n’est pas en mesure de tout réaliser elle-même ou lorsque les tâches à accomplir demandent des compétences très spécifiques que nous ne possédons pas. On rentre alors dans le cadre de la législation des marchés publics. Nous devons donc rédiger un cahier des charges dans lequel on explique ce que l’on attend du sous-traitant. Ensuite, nous comparons les offres de prix reçues et choisissons la meilleure selon des critères définis préalablement. Nous suivons également toute l’exécution du marché. Tout cela implique à nouveau des réunions, un suivi administratif.  Nous avons des interactions avec des collègues en interne ou des personnes extérieures pour nous aider pour des problèmes juridiques et de comptabilité. Nous touchons donc à d’autres sujets que la technique. Cela demande de jongler entre beaucoup de matières, mais c’est le travail de tout ingénieur. Je suis également en lien avec des représentants pour acheter les bons matériaux de mesure.

J’effectue pas mal de formations : gestion d’équipe, gestion de projets, formations spécifiques pour utiliser certains logiciels, etc.  

Je participe également à des conférences à l’étranger.

Quelles sont les conditions de travail ? 

J’ai un horaire variable. Je dois être présente au moins entre 9h et 16h. Pour le reste de l’horaire, je peux commencer plus tôt ou plus tard.

Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre profession ?

Le positif, c’est clairement la variété des projets et le fait qu’ils aient du sens. On travaille pour les voies navigables. Dans le contexte actuel, il faut essayer de diminuer les émissions de CO2. Les transports par voie d’eau ont donc toutes leurs raisons d’être et doivent être promus.

J’apprécie également la richesse des rencontres. Il y a beaucoup de gens fort compétents parmi mes collègues. Cela permet de faire du travail technique à la pointe tout en conservant un peu de liberté, d’imagination et d’originalité.

L’aspect négatif est lié à la lenteur administrative à laquelle nous devons parfois faire face. Quand on est soumis à la législation sur les marchés publics, certains projets n’avancent pas aussi vite que l’on voudrait. Il faut être très patient. Il y a une grosse structure derrière nous. On ne fait pas ce qu’on veut. Par exemple, lorsqu’on veut acheter du matériel, il faut au moins recevoir 3 offres de prix et des budgets doivent être libérés. Tout cela prend du temps.

Parfois, le fait d’être responsable d’un projet sans être responsable de l’équipe fait que la relation avec les collègues n’est pas toujours simple. On ne peut pas vraiment donner des ordres (rires), mais il faut que le travail avance car il y a un délai à respecter. Je dois faire passer ce message auprès des équipes techniques bien que je ne sois pas leur responsable directe. Je n’ai pas de moyens de pression. Je dois toujours en référer au supérieur hiérarchique. Cela n’est pas toujours évident quand il y a des moments de tension. Il faut essayer d’être subtil et bien communiquer pour parvenir à motiver les personnes. Pour que les équipes s’approprient le projet, j’explique pourquoi on fait les choses, les échéances à respecter, les contraintes, etc.  

Selon vous, quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?

Mon travail requiert une certaine autonomie. Il faut également avoir de bonnes capacités d’analyse et faire preuve de rigueur comme dans toutes les matières scientifiques (par exemple, les calculs doivent être faits avec précision). Il est également indispensable d’être méthodique car les projets sont très vastes.

Par ailleurs, pour être à la pointe, je me renseigne dans la littérature scientifique qui est souvent en anglais. Avoir des connaissances dans cette langue est donc un plus.

Ce qui me plait aussi, c’est de faire visiter les laboratoires à des étudiants, à des enfants et à des retraités, par exemple, lors des Journées wallonnes de l’Eau. Quelques jours par an, je deviens un peu institutrice. Cela me permet de sortir de mon contexte habituel. On me demande d’être très pédagogue. Expliquer un modèle à un enfant et voir la fascination dans ses yeux, c’est très enrichissant.

Avec qui collaborez-vous ?

Je travaille avec des juristes, des comptables et le service technique. Celui-ci est composé d’ouvriers, qui, pour la plupart, ont appris leur métier sur le tas. Ils n’ont pas forcément suivi de formations poussées mais ils font un travail assez spécifique. Je suis également parfois en contact avec d’autres scientifiques dans le domaine de l’écologie, l’environnement. Je collabore aussi avec d’autres ingénieurs de construction, des ingénieurs de chantier, des entrepreneurs.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui a envie de se lancer dans ce métier ?

Je lui dirais de garder sa motivation. C’est important de se poser les bonnes questions au début de sa carrière, même si l’on ne fera pas forcément le même travail toute sa vie. Il faut faire ce que l’on aime. Les diplômes d’Ingénieur offrent beaucoup de possibilités. Cependant, si un jeune veut devenir hydraulicien, il devra s’accrocher pour trouver une place car il y en a peu en Belgique. S’il est prêt à partir à l’étranger, il trouvera un emploi plus facilement.

Pourquoi avoir choisi ce métier ?

C’est le défi technique qui m’a donné envie de me lancer dans le métier d’ingénieur. Par ailleurs, je me suis dit qu’il fallait un peu plus de femmes dans cette profession un peu trop masculine. J’aimais aussi beaucoup les cours liés à l’étude de l’environnement. L’idée d’un ouvrage est assez unique car il doit s’adapter à son environnement.  L’hydraulique est fascinante.

[1] Fonds de la Recherche Scientifique.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.