Mme Emmanuelle Danblon, Linguiste

Interview réalisée en janvier 2010

Pouvez-vous nous présenter votre groupe de recherche ?

Mon groupe de recherche, le GRAL, créé en 2008 a pour ambition de contribuer activement aux études de rhétorique et d’argumentation dans un esprit dynamique et interdisciplinaire. Sa démarche linguistique et discursive s’enrichit du dialogue permanent avec d’autres disciplines (l’histoire, la philosophie, les sciences cognitives, la psychologie, l’anthropologie, la sociologie, le droit, la littérature, etc.). Par l’organisation de séminaires thématiques,
d’enseignements, de groupes de lecture, de colloques et de journées d’études, le GRAL se propose d’établir un lien entre la persuasion et la mise en œuvre de la rationalité argumentative, tout en privilégiant l’étude des enjeux essentiels de l’époque contemporaine.

Pourquoi avez-vous décidé de vous orienter dans la linguistique ?

Depuis toujours, je suis fascinée par la capacité qu’a le langage humain à former du sens à partir de sons et à le communiquer pour agir sur le monde. J’ai compris que l’étude de la linguistique, approche scientifique du langage humain, était la meilleure façon d’assouvir ma curiosité.

Quelles sont vos domaines de prédilection ? Pouvez-vous les décrire ?

Mes domaines de prédilection sont la rhétorique, l’argumentation, et, d’une façon générale, les manifestations, dans la langue et dans le discours, de ce qui définit la raison humaine dans ce qu’elle a de plus complexe.

Qu'est-ce qui vous plaît dans la linguistique ?

Comparée à d’autres sciences, la linguistique est une discipline assez jeune. Elle est en construction et en questionnement permanent sur sa propre méthodologie et sur son épistémologie. Cela donne un important espace de liberté, ce qui est très stimulant pour la réflexion. En outre, le langage humain est un phénomène qui se manifeste à de nombreux niveaux, de la biologie à la philosophie, en passant par l’acoustique, le droit ou encore la psychologie. L’étude du langage engage le chercheur à une ouverture permanente vers d’autres disciplines que la sienne. Dans ce sens, c’est une école de l’humanisme.

Pouvez-vous nous citer des exemples concrets d'ouvrages/travaux/études que vous avez rédigés ?

  • "Rhétorique et rationalité. Essai sur l’émergence de la critique et de la persuasion", 2002, Editions de l’Université de Bruxelles, Collection "Philosophie et Société" ;
  • "Argumenter en démocratie", 2004, Editions Labor, Collection "Quartier Libre" ;
  • "La fonction persuasive. Anthropologie du discours rhétorique. Origines, actualité", 2005, Paris Armand Colin, Collection ;
  • "Les stéréotypes féminins. Une étude rhétorique et discursive", Revue Degrés, janvier 2004 ;
  • "Crises de la rhétorique, crises de la démocratie", Revue Questions de communications, 12 décembre 2007 ;
  • "Argumentation et narration. Actes du colloque de Bruxelles" (avec Emmanuel de Jonge, Ekaterina Kissina et Loïc Nicolas), Presses Universitaires de Bruxelles, 2008 ;
  • "Les droits de l’homme en discours. Analyse rhétorique des grands textes et discours des droits de l’homme" (avec Emmanuel de Jonge), dans Argumentation et analyse du discours, n°4, 2010 ;
  • "La rhétorique de la conspiration" (avec Loïc Nicolas), Paris, CNRS alpha, sous presse.

Sur quels projets travaillez-vous maintenant ?

Je me penche aujourd’hui principalement sur les phénomènes liés à la persuasion en rapport avec les diverses possibilités d’utiliser la fiction dans les discours. Il s’agit d’un grand chantier qui permet de mieux comprendre la fonction rhétorique comme l’une des manifestations de la rationalité humaine. En outre, il y a une dimension anthropologique qui permet de déceler ce qu’il y a de commun à toutes les assemblées humaines qui utilisent les discours pour faire fonctionner leurs institutions mais aussi ce qu’il y a de spécifique à chaque culture.

Avez-vous une méthode de travail ?

Ma méthode de travail cherche à être à la fois libre et contraignante. Une part importante est laissée à la créativité, à l’observation des corpus et à l’analyse de ces corpus avec des outils de linguistiques, pragmatiques et rhétorique.

Peut-on faire de sa passion pour la linguistique un métier à part entière ?

Lorsqu’on devient chercheur, c’est évidemment le cas, mais ce n’est pas le plus courant. Mais de plus en plus d’institutions font appel à des linguistes dans des domaines aussi variés que le traitement automatique des langues, la communication politique ou la traduction.

Ce métier a-t-il de l'avenir ?

Certainement. La discipline n’est en un sens qu’à ses débuts mais on comprend de plus en plus d’aspects du langage qui permettent à la linguistique de participer aux découvertes en neuroscience, aux questions pratiques en droit ou en psychologie. Les expertises se développent dans de nombreux domaines de la société.

Selon vous, où travaillent le plus souvent les diplômés en linguistique ?

À ce jour, les linguistes travaillent dans des domaines très différents. Leur formation à la fois rigoureuse et généraliste leur permet une grande capacité d’adaptation. Mais beaucoup s’orientent soit vers l’enseignement, soit vers la traduction.

Quels conseils donneriez-vous à une personne intéressée par les études en linguistique ?

Le conseil principal pour réussir les études de linguistique est de savoir allier l’ouverture d’esprit à la rigueur, de tenter d’articuler la sensibilité et la précision. Il faut aussi rapidement s’orienter vers l’un des sous-domaines de la linguistique, chacun exigeant une expertise particulière : phonétique, phonologie, morphologie, syntaxe, sémantique, pragmatique, rhétorique.
 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.