Mr Franco Bafico,
Kinésithérapeute sportif

Interview réalisée en décembre 2008

De quels clubs sportifs êtes-vous le kiné attitré ?

Je m’occupe de deux clubs de volley-ball féminin, les Dauphines de Charleroi (actuellement le club a été renommé Charleroi Volley), qui évoluent en division d’honneur, et les Barbar d’Ixelles qui jouent quant à elles en Nationale 1. Auprès de ces deux clubs, j’officie non seulement comme kiné mais également comme préparateur physique.

En quoi consiste justement la préparation physique de ces sportives et en quoi diffère-t-elle de la kiné ?

La préparation physique est prévue pour que le sportif puisse donner le meilleur de lui au moment voulu, pour qu’il soit en forme optimale lorsqu’il devra prester. Concrètement, cela consiste à concevoir des programmes individuels en fonction des aptitudes physiques, des pathologies dont le sportif ou la sportive a pu souffrir par le passé mais aussi du poste qu’il ou qu’elle occupe sur le terrain. En tant que kiné, je prodigue les soins, je soigne les pathologies rencontrées avant, pendant et après le match. Par ces deux activités, je suis pleinement intégré dans le staff technique des deux équipes.

Quel fut votre parcours professionnel ?

Après mes études de kiné, qui à l’époque se faisaient encore en trois ans (actuellement, 4 ans), j’ai eu la chance de trouver quasi immédiatement du travail dans un centre hospitalier à Montignies-sur-Sambre, où je suis toujours actuellement. Un peu par hasard, j’ai appris que le club des Dauphines de Charleroi cherchait un kiné. Cela tombait bien car j’étais un féru de ce sport que j’ai moi-même longtemps pratiqué. Je me suis présenté et ai été repris. J’ai travaillé en totale symbiose avec Philippe Vanescote, l’entraîneur de l’époque qui possède d’ailleurs le plus haut grade de niveau d’entraîneur en Belgique. C’est lui qui m’a proposé de m’occuper de son nouveau club, à Ixelles. C’est aussi à sa demande que je me suis de plus en plus intéressé au domaine de la préparation physique.

Vos journées sont bien chargées ?

Oui. Au début, je ne me rendais aux Dauphines qu’une fois par semaine, à raison d’une heure et demie, pour prodiguer les soins. Mais les successeurs de Philippe Vanescote voulaient que je sois présent à tous les entraînements. Aujourd’hui, aux Dauphines, je suis revenu à un rythme plus stable de deux jours par semaine. Dès la fin de ma journée de travail à l’hôpital, soit vers 16h30, je rentre quelques heures chez moi avant de rejoindre vers 20h30 Monceau-sur-Sambre ou Ixelles en fonction des jours. 

Et maintenant comment s’articule votre semaine ?

Je m’occupe des Dauphines deux fois par semaine, le lundi et le jeudi, et je suis évidemment présent les jours de match. Le mardi soir, je me rends à Ixelles. Heureusement, j’ai une épouse et des enfants compréhensifs. Les cas les plus graves qui nécessitent des soins quasi quotidiens, je les reçois maintenant en consultation à l’hôpital. Mais l’arrivée d’un nouvel entraîneur, qui aurait par exemple des conceptions différentes de son prédécesseur, pourrait chambouler tout cet agenda. Je pourrais ainsi très bien à nouveau retravailler quotidiennement pour un seul club.

Traite-t-on des sportifs comme des patients ordinaires ?

Pas vraiment car ce sont souvent des pathologies différentes. Auprès des sportifs, l’accent est surtout mis sur la prévention des accidents. Comme exercices de prévention, on envisage de la proprioception du travail musculaire des muscles antagoniste en concentrique et en excentrique.

Pouvez-vous nous décrire une ou plusieurs facettes moins connues de votre métier ?

Mon métier ne consiste pas uniquement à prodiguer des soins. J’effectue des bilans mais j’interviens aussi directement dans le dosage des entraînements, je prodigue quelques conseils diététiques, sur le sommeil, etc.

En quoi consistent ces bilans ?

Lorsqu’une joueuse est susceptible de rejoindre le club, elle doit passer toute une série de tests, qu’ils soient locomoteurs ou musculaires. On lui demande aussi de passer un examen médical approfondi. En fonction des résultats, le club décide si elle est apte à rejoindre l’équipe ou pas. Il m’est déjà arrivé de constater qu’une joueuse ne présentait pas un bilan suffisamment bon. Dans ce cas, j’en réfère à la direction qui tranche. Ces bilans sont des examens isocinétiques (testing musculaire) et des bilans articulaires classiques auxquels vient s’ajouter une épreuve d’effort.

Quels types d’exercices physiques faites-vous pratiquer aux joueuses durant les entraînements ?

De la pliométrie précédée d’un échauffement de 20 minutes.

Quelles sont les pathologies que l’on peut retrouver le plus souvent chez des sportives ?

Des problèmes tendineux aussi bien au niveau de l’épaule que du genou.

Et les jours de match ?

Le jour du match on réalise tous les traitements classiques : massage, physiothérapie, etc. Plus tout ce qui est la pose de "tapes", de pansements.

Peut-on être kiné sportif à plein temps ?

Dans le sport amateur, certainement pas. Peut-être dans des clubs du top niveau belge comme des équipes de foot de renom mais pas dans le volley. On doit plutôt voir ça comme une expérience, un complément à son métier, une autre façon de l’exercer. Il faut le faire par goût, par passion. Je ne fais pas ça pour mieux gagner ma vie. Ce que je gagne dans les deux clubs suffit à payer mes déplacements. Mais peu importe… Je retire du plaisir à côtoyer de près le monde du volley-ball de haut niveau. Et puis, j’ai certains avantages, comme par exemple aller en voyage lorsque l’équipe s’est qualifiée pour une coupe d’Europe ou lorsqu’elle part en stage. C’est gai aussi de faire partie d’un groupe, d’un staff technique. Des liens se créent et certains durent pour toujours, même lorsque les routes se séparent.

Vous avez connu cinq entraîneurs qui ont tous leur personnalité propre. Comment gérez-vous tout cela en tant qu’homme de l’ombre de l’équipe ?

Le kiné travaille en symbiose avec l’entraîneur. Ils ont le même objectif : que les joueuses soient au top de leur forme physique et mentale. C’est vrai que les relations peuvent parfois être tendues. Cela m’est déjà arrivé d’entrer en conflit avec l’un ou l’autre entraîneur, notamment sur la possibilité pour une joueuse de prendre part à une rencontre ou non. Lorsque j’estime qu’une joueuse n’est pas physiquement apte à jouer, mais que le coach en a décidé autrement, j’en réfère à la direction du club. C’est elle qui tranche. A chaque fois que le cas s’est présenté, elle m’a suivie. Et heureusement d’ailleurs car sinon j’arrêterais de travailler pour ce club ! Il ne faut pas oublier que l’on traite des êtres humains et qu’il est important de veiller à leur santé.

Que conseilleriez-vous à un jeune diplômé en kiné ?

Comme il sortira d’une Haute-Ecole ou d’une Université, il aura eu une bonne formation de base. Les stages lui auront aussi permis de "mettre en pratique la théorie". Je pense toutefois qu’il ne doit pas voir son diplôme comme une finalité. Il est important de continuer à se former. Et notamment dans les domaines respiratoires, neurologiques, diététiques, de la musculation ou encore de la déglutition, domaines qui ne sont, selon moi, que peu abordés dans les cours. Pour être kiné dans un sport bien précis, il faut selon moi très bien connaître le sport en question. Pour ma part, je me forme continuellement. Que ce soit à la demande du centre hospitalier, d’un des clubs ou à mon initiative personnelle. J’ai ainsi suivi des colloques sur le domaine de la préparation physique mais aussi sur des domaines plus propres à la kiné.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.