Mme Isabelle Driessens, Psychologue
Interview réalisée en janvier 2004 |
Parlez-nous de votre métier...
Je suis psychologue et psychothérapeute pour les enfants, les adolescents et les adultes. Mon rôle est d'écouter la souffrance des gens, de les aider à la comprendre, ainsi que de leur apporter un mieux-être et une meilleure qualité de vie.
Je consulte en cabinet privé, à mon domicile. Je travaille également avec Europ Assistance qui fait appel à moi dans le cadre de gestion de stress post-traumatique. Je vais alors rendre visite aux personnes concernées ou directement sur le lieu de l’évènement traumatisant (home-jacking, agression, etc.).
Comment se passe une thérapie avec un enfant ?
La plupart du temps, ce sont les parents qui sont demandeurs. Ils viennent avec un symptôme bien déterminé : par exemple, leur enfant est agressif. Je commence par voir les parents avec l'enfant lors des premières séances. Je passe un pacte avec l'enfant afin de le rassurer sur le fait que tout ce qui se dit en séance ne sera pas divulgué à ses parents et, une fois que la relation de confiance est établie, l'enfant vient seul.
La clé de la réussite d'une thérapie réside dans cette confiance qui permet à l'enfant de pouvoir s'exprimer. Je vois toutefois les parents environ toutes les cinq séances pour les tenir au courant de l'évolution de la thérapie (tout en gardant secret ce que l'enfant a dit). Au début, les séances sont assez rapprochées et s'espacent vers la fin. La porte reste ouverte pour tous ceux qui veulent revenir me voir une fois la thérapie terminée.
Je ne suis toutefois pas tenue au secret professionnel dans les cas où l'enfant est "en danger" (inceste, viol, maltraitance physique et/ou mentale, etc.). Je dois alors contacter le service approprié de la police qui prend le relais mais je mets l'enfant au courant avant de faire la démarche.
Quelles sont les techniques que vous utilisez pour aider l'enfant à s'exprimer ?
Les adolescents s'expriment comme les adultes. Mais un enfant n'arrive pas toujours (ou n'a pas envie tout simplement) à mettre des mots sur sa souffrance. Il faut alors utiliser un canal d'expression qu'il aime. J'emploie alors des jeux, comme les marionnettes qui lui permettent d'exprimer ses sentiments, d'expliquer et de comprendre la situation qui le fait souffrir. A ce moment-là, ce n'est pas l'enfant qui parle, mais la marionnette.
Si l'enfant a des problèmes en classe, par exemple, on va jouer une petite saynète (appelée psychodrame) : je suis le professeur et il joue le rôle d'un élève qui a des problèmes en classe. Il va faire une projection qui lui permettra de comprendre certaines choses parce que la marionnette va comprendre certaines choses. Le dessin, la pâte à modeler, les Legos, de petits personnages dans une maisonnette (destiné surtout aux situations familiales) peuvent aussi être des médiateurs d'expression.
Pour les enfants très stressés ou hyperactifs, je fais de la relaxation liée à la sophrologie par des techniques d'imagerie corporelle. Cela les aide à prendre conscience de leur corps et à comprendre que l'émotion peut avoir un impact sur le physique.
Quelles sont les difficultés de ce métier ?
Faire comprendre aux parents qu'une thérapie prend du temps, qu'il faut quelquefois passer par des moments plus difficiles. Dans l'exemple de l'agressivité, j'encourage l'enfant à exprimer son malaise. C'est un processus qui, souvent, redouble l'agressivité avant que l'enfant ne trouve un autre canal de communication. Cela déstabilise les parents qui peuvent alors avoir envie de tout stopper parce qu'ils veulent une amélioration rapide et sans devoir se remettre en question. Heureusement, cela reste rare.
Une autre difficulté est qu'un enfant peut passer très rapidement d'un état émotionnel à un autre, de la joie à la tristesse et qu'il faut pouvoir continuer à le comprendre. Chez les adolescents, il est compliqué d'établir une relation de confiance. Ils n'ont plus l'habitude, comme les petits, de devoir rendre des comptes aux parents. De plus, ils sont révoltés. Au début, ils testent beaucoup pour s'assurer que le secret professionnel est bien gardé, et cela prend plus de temps.
Lorsque l'histoire d'un patient croise la mienne avec des situations ou des émotions similaires, j'éprouve des difficultés à ne pas me projeter et penser que MA solution n'est pas SA solution. Il faut prendre suffisamment de distance pour ne pas s'identifier. Je participe à des supervisions individuelles et collectives hebdomadaires avec mon professeur de psychothérapie afin d'éviter cet écueil.
Quels sont vos parcours scolaire et professionnel ?
J'ai toujours voulu devenir psychologue mais je savais qu'à la fin de mes études, à 22 ans, je serais trop immature pour être clinicienne. Il faut avoir déjà beaucoup vécu, être suffisamment empathique et apte à écouter la souffrance. J'ai donc fait un master en psychologie orientation industrielle et commerciale à l'ULB. Parallèlement, j'ai suivi des cours de clinique et de prise en charge thérapeutique. J'ai ensuite fait un master en gestion de l'environnement.
J'ai été engagée à la commune de Waterloo en tant qu'éco-conseillère, fonction que j'ai exercée pendant 9 ans. Pendant ce temps, j'ai suivi une formation en psychothérapie (4 ans). J'ai commencé à recevoir le soir et le week-end des patients à domicile en tant qu'indépendante complémentaire tout en continuant à travailler à la commune.
Finalement, j'ai donné ma démission à la commune et je ne fais actuellement plus que de la consultation. Pour exercer comme psychothérapeute, j'ai entrepris une thérapie personnelle.
Que vous apporte l'exercice de votre métier ?
Chaque relation est individuelle et, comme on se remet en question à chaque fois, c'est très enrichissant.
Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre profession ?
Le fait de travailler seule, en cabinet privé, est un aspect négatif : quelquefois, j'aimerais pouvoir partager mon expérience. Je le fais en supervision, mais je trouve toutefois cela insuffisant. Il me manque la dynamique qui se crée dans un cabinet qui emploie plusieurs psychologues.
Il faut également s'autogérer, être à la fois psychologue, secrétaire, comptable. C'est aussi stimulant parce qu'on est son propre chef, on peut organiser son temps à sa guise. De plus, emploi du temps professionnel et vie familiale peuvent être idéalement combinés, ce qui n'a pas de prix.
Quelles sont les compétences et qualités requises ?
Pour être un bon psychologue il faut être empathique, respectueux et authentique. Ce sont des capacités que l'on peut développer avec l'expérience. Avant tout, il faut avoir de l'empathie, ce que j'appelle de la sympathie douce : être à l'écoute de l'autre, tout en le comprenant sans pour autant fusionner avec lui. Garder une distance suffisante tout en faisant en sorte que la personne se sente comprise et entendue.
Le fait de suivre soi-même une thérapie aide beaucoup dans l'apprentissage de l'empathie. Il faut s'exercer à identifier vraiment ce que la personne vit, où se situent sa douleur et son besoin réel. Vient ensuite le respect inconditionnel : peu importe ce que la personne va dire, elle doit se sentir respectée et comprise sans jamais être jugée, même si ses actes sont répréhensibles.
Et enfin, il y a l'authenticité de soi : il faut être congruent, sincère. Si le psychologue n'arrive pas à prendre le recul nécessaire au bon déroulement d'une séance, il doit l'admettre et le dire au patient. De toute manière, ce dernier ressentira la tension et cela peut parasiter la relation de confiance. Je pense qu'on ne fait pas la psychologie par hasard. Le futur psychologue possède déjà les qualités et compétences requises. Il apprend à les exploiter.
Quel conseil donneriez-vous à une personne qui souhaiterait devenir psychologue ?
Comme pour toutes les études universitaires : étudier, bosser, bûcher. Il faut bien s'imprégner de ses cours, les comprendre et ne pas les étudier par cœur uniquement pour ne pas rater l'examen. Ce sont des matières qui servent tout au long de notre carrière. Je replonge régulièrement dans mes syllabus. Il faut aussi être critique sur le contenu du cours et ne pas hésiter à se poser des questions. Avaler bêtement une matière avec laquelle on n'est pas d'accord et s'y soumettre n'apporte rien. Tout commence après les études et la psychologie est le parcours d'une vie.
Quel est votre souvenir le plus marquant ?
Un petit garçon de 7 ans est venu pendant une quinzaine de séances. Il éprouvait un réel plaisir à venir me parler. Il m'appelait son "agent secret". Cela me faisait plaisir et, en plus, cela voulait bien dire ce que je représentais pour lui. Il était très fier de présenter son "agent secret" à son petit frère. Quand je lui ai donné ma carte et que je lui ai dit qu'il pouvait m'appeler quand il le voulait, il avait un air ravi de conspirateur, c'était très mignon et moi, j'étais émue.