Mme Isabelle Sénépart,
Coordinatrice de transplantation

Quelle est votre fonction et depuis quand la pratiquez-vous ?

Je suis infirmière coordinatrice de transplantation. Mon rôle est d'organiser les prélèvements et transplantations d'organes, d'inscrire les patients sur la liste d'attente et de les appeler pour la greffe.

Où travaillez-vous, comment s'organise une journée de travail ?

Je travaille dans une institution hospitalière. Je suis en relation avec les différentes équipes médicales, paramédicales, les services administratifs et techniques de l'hôpital. A toutes heures du jour ou de la nuit, le médecin des soins intensifs m'appelle pour me référer un donneur potentiel. Mon premier rôle est d'ordre légal en consultant le Registre National. Je m'assure ainsi de l'absence d'opposition émise par la personne elle-même de son vivant. Avec le médecin des soins intensifs, je rencontre la famille du donneur potentiel pour l'informer de notre intention de prélever les organes. Cette étape doit absolument être respectée car la loi prévoit que la personne doit faire part, oralement, à sa famille de son avis.
Ensuite, en collaboration avec les infirmiers des soins intensifs, je constitue un dossier complet comprenant des résultats de prélèvements sanguins et urinaires, des examens radiologiques et cardiologiques, etc. Ces résultats nous permettent de vérifier si le donneur potentiel est un bon candidat au prélèvement d'organes. Vient ensuite le travail avec Eurotransplant, organisme d'échanges créé en 1968 et se trouvant à Leiden aux Pays-Bas. Son rôle est de récolter et de gérer les données de tous les donneurs et receveurs des pays travaillant avec Eurotransplant à savoir : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Slovénie. Une fois le dossier du donneur complété, il est envoyé à Eurotransplant où toutes les informations récoltées sont introduites dans une base de données, ce qui permet de trouver les receveurs les plus compatibles avec le donneur. Les échanges d'organes peuvent donc se faire entre les différents pays membres d'Eurotransplant.
Quand les receveurs sont sélectionnés, je vérifie qu'une salle d'opération est disponible, je contacte les chirurgiens, les infirmiers, les anesthésistes, etc. Le donneur est amené au quartier opératoire où l'intervention chirurgicale est réalisée pour aboutir au prélèvement des organes qui seront transplantés.
Dans la situation du receveur qui se trouve dans mon centre, je dois appeler le patient, organiser sa prise en charge dès son arrivée à l'hôpital, le préparer à la greffe, organiser son passage au quartier opératoire, réserver un lit aux soins intensifs, etc.

En résumé, mon job porte bien son nom de COORDINATION !

Il n'y a pas de journée-type, pas d'horaires fixes, est-ce que vous changez de lieu de travail également ?

J'ai un contrat de travail fixe avec un hôpital. Cependant, il m'arrive très souvent de devoir me rendre dans d'autres hôpitaux pour y prélever des organes.
Exemple : il m'arrive régulièrement de partir avec mon équipe chirurgicale, mes valises de matériel pour assurer un prélèvement dans un hôpital de Mons, Charleroi, ou Namur.
Avec les échanges entre les pays membres d'Eurotransplant, il m'arrive également d'aller prélever en Allemagne, Autriche, Luxembourg, Pays-Bas, Slovénie mais toujours pour mon hôpital de référence. Ces déplacements sont toujours les plus courts possibles étant donné les contraintes très strictes de temps d'ischémie (arrêt ou insuffisance de la circulation du sang dans un tissu ou un organe) des organes. Ce compte à rebours commence au clampage (interruption de la circulation du sang par la pose d’une sorte de pince) de l'aorte du donneur et se termine lors du déclampage chez le receveur.

 Nous avons 4 à 5 heures pour les organes thoraciques, +/- 12 heures pour les foies et les pancréas et jusqu'à 48 heures pour les reins.

Cela impose une disponibilité importante ?

Oui, c'est une disponibilité de 24h sur 24h, on sait quand on commence et jamais quand on finit. Un donneur à lui seul constitue déjà près de 24h de travail d'affilées.

Comment mène-t-on ce train de vie avec d'autres projets familiaux ou personnels ?

Il faut tout le temps garantir une grande disponibilité et pouvoir mener parallèlement une vie de famille ou d'autres projets. Ces conditions de travail sont parfois rudes mais elles restent surmontables surtout quand on aime ce que l'on fait. Dans mon cas, mon métier est une passion.

Quels sont les savoir-faire indispensables ?

Il faut une grande capacité d'adaptation. Il faut pouvoir gérer tous les sentiments exprimés par la famille au moment de la perte de l'être cher et ceux qui seront émis lors de notre requête d'intention de prélever les organes, de faire preuve d'altruisme, avec un certain débat qui serait celui de devenir généreux malgré leur souffrance. Ces instants sont parfois difficiles à vivre pour les équipes médicales et paramédicales.
Une fois cette étape passée, on s'oriente vers le projet plus positif d'appel des receveurs potentiels. Personnellement, c'est une joie que de voir les receveurs en pleine forme quelques jours (parfois heures) après les transplantations. Dans la vie privée, je suis secrétaire de l'Association Belge du Don d'Organes et de Tissus. J'ai eu plusieurs fois la chance de pouvoir participer à des défis sportifs de greffés. Ce sont à chaque fois des leçons de vie fabuleuses !
En 2001, nous sommes partis de Bruxelles jusque Lisbonne en vélo... 2200 km pédalés.
En juin 2004, nous avons vécu un nouveau défi - celui d'emmener 8 greffés au sommet de l'Obiou (Massif du Dévoluy - France)
En 2006, la même équipe tentait l'ascension du Mont Blanc !
Toutes ces manifestations sont un bon moyen de véhiculer l'information sur le don d'organes. C'est là que nous pouvons montrer à la population qu'un individu peut revivre normalement, faire du sport, travailler et avoir une réinsertion sociale grâce à la transplantation !

Quelle formation avez vous suivie pour assumer cette fonction ?

Je suis infirmière bachelière tout simplement.

Vous assumez une fonction pluridisciplinaire puisqu'à la fois vous avez une fonction administrative, organisationnelle, de coordination mais également d'infirmière sur le terrain. Intervenez-vous aussi en salle d'opération ?

En effet, la partie administrative consiste à inscrire les patients sur les listes d'attente, à remplir les dossiers, la gestion des papiers pour le prélèvement, les dossiers pour Eurotransplant, etc.

Les actes infirmiers ont-ils des particularités parce qu'ils sont exercés dans le cadre d'une transplantation ?

Il y a en effet des particularités. Nous devons noter les moments importants, le moment où l'on clampe l'aorte puisque c'est à partir de ce moment-là que commence le temps d'ischémie des organes, nous avons des perfusions particulières à préparer. Nous devons veiller à la qualité d'emballage des organes, nous devons les placer dans la boîte pour le transport, y ajouter la rate qui accompagne les tubes de sang pour la virologie, etc. C'est sur le terrain que s'affinent les compétences particulières à acquérir pour cette fonction d'infirmière dans le cadre de la transplantation. C'est un investissement important, beaucoup de choses sont à apprendre en peu de temps.

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui désirerait s'orienter vers ce type de fonction ?

Avoir beaucoup de disponibilité, savoir s'adapter aux multiples situations, avoir une bonne résistance, savoir parler différentes langues et surtout AIMER SA PROFESSION !

Si vous deviez recommencer votre parcours, que changeriez-vous ?

Rien, je le refais de la même manière. C'est un parcours fabuleux, une expérience de vie difficile parfois mais j'en retire beaucoup d'éléments positifs.

Quelle évolution pensez-vous que votre métier prendra durant les prochaines années ?

Ce métier existe depuis quelques années déjà. Nous espérons obtenir bientôt des Statuts reconnaissant les fonctions des coordinateurs de transplantations. Peut-être, pourrions-nous espérer l'apparition de coordinateurs locaux dans les différents hôpitaux du pays. Cela permettrait peut-être d'augmenter le nombre de donneurs en Belgique.

Quelles sont les qualités nécessaires pour ce métier  ?

La dimension humaine est fondamentale. La relation avec le patient ne se limite pas à l'acte que l'on pose. On crée comme une petite famille au bout du compte. Les jeunes patients que l'on a vu arriver mourant sont fiers de venir nous montrer qu'ils parviennent à revivre normalement. J'ai gardé des contacts et des souvenirs très forts avec mes premiers greffés. On est tenu au courant des évolutions de chacun, des mariages, des naissances, etc. Et lorsque l'on en perd un patient on est également très affecté.  

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.