Mr Jonathan et Mr Michael Herbinia,
Steward urbain et responsable des Stewards urbain de Charleroi
Interview réalisée en octobre 2016 |
Quel est votre parcours scolaire et professionnel ?
Jonathan : j’ai arrêté l’école très tôt, en 4ème. C’était une bêtise : l’oisiveté a fait que j’ai arrêté. Ensuite, je suis allé à l’armée. J’y suis resté neuf mois. Malheureusement, je n’ai pas continué. Je travaille à l’ASBL Charleroi Centreville depuis environ un an. J’ai répondu simplement à une annonce du Forem. J’ai déposé mes documents, on m’a rappelé, ça s’est bien passé et je suis devenu steward urbain.
Comment se passe le recrutement ? Quelles sont les conditions pour devenir steward urbain ?
Michael : comme ce sont des emplois subventionnés par la Région Wallonne, c’est elle qui impose les conditions d’engagement. A ce jour, l’âge (- de 26 ans) et le niveau d’étude (CESI, CESS). A part cela, il n’y a rien de compliqué pour postuler : être demandeur d’emploi et remplir les conditions.
Après leurs fonctions de steward urbain, avez-vous eu des retours des anciens pour savoir ce qu’ils sont devenus, dans quels secteurs ils se sont dirigés ?
M. : oui, certains sont engagés dans la police, police des chemins de fer, police d’intervention, l’armée, la Régie Communale Autonome. Tous ne prennent évidemment pas cette voie-là : on en a aussi qui sont devenus livreurs de pizzas, par exemple. Les stewards prennent aussi l’habitude de travailler à l’extérieur et c’est peut-être plus compliqué de se reconvertir dans un autre métier que dans l’intervention et la sécurité. Je prends l’exemple de Jonathan qui est quelqu’un qui aurait du mal à travailler dans un bureau.
J. : c’est vrai qu’on est "formaté" à être dehors. Certes, il y a les aléas de la météo mais on s’y fait et on a une liberté dehors qu’on n’a pas à l’intérieur. Personnellement, je me vois mal travailler dans un bureau. J’aurais vraiment du mal.
Actuellement, combien y a-t-il de stewards urbains à Charleroi ?
M. : nous sommes dix.
Pour être steward, vous avez dû suivre une formation ?
J. : il y a une formation obligatoire qui se déroule à l’AMCV (Association du Management de Centre-Ville). C’est une journée de formation pour nous expliquer ce qu’est un outil de gestion (enquêtes sur le terrain, comptages de flux piétons, etc.).
M. : je dois ajouter que selon les années, les stewards ont également des formations en communication, secourisme, agent de sécurité habilité, etc.
Comment se passe une journée type pour un steward urbain ?
J. : cela dépend de la journée. Si nous ne sommes pas en flux piétons ni outil de gestion, c’est une journée "normale". On s’occupe principalement de la distribution ou alors on informe les commerçants, par exemple sur les divers travaux. On est également présents lors des événements dans le centre-ville.
M. : pour les événements comme "Viva For Life", on est présent pour encadrer : on reçoit les gens, on place les barrières. En fait, c’est un métier de convivialité, d’accueil et non de répression, ce que les gens ne comprennent pas toujours.
J. : on a parfois envie d’intervenir dans certaines situations. C’est notre libre-arbitre qui fait qu’on décide de le faire. Sinon, ce n’est pas du tout dans nos fonctions de dire : "Ah, lui il a fait ça, il faut l’attraper" non du tout ! La police est présente pour cela.
M. : nous avons de nombreux contacts avec les commerçants, nous organisons des actions avec eux, notamment par rapport aux parkings pour inciter les commerçants à offrir du parking à leurs clients. Nous sommes principalement en contact avec les commerçants mais aussi avec les différents acteurs du centre-ville (habitants ou chalands).
J. : nous sommes vraiment un canal de communication, le lien entre la Ville et les commerçants, et entre les habitants du centre-ville.
Vis-à-vis des personnes "mal intentionnées", vous jouez un rôle de dissuasion ?
J. : oui bien sûr. Ils nous voient car nous sommes en rouge. Ils se disent : "Je ne vais peut-être pas faire une bêtise devant eux, je ne sais pas trop quelles sont les limites de leurs missions".
M. : généralement, les stewards urbains fonctionnent en binôme donc c’est vrai que ça peut dissuader. Maintenant, il y en a qui connaissent très bien notre fonction et savent que nous n’avons aucun pouvoir, ils en jouent, ils nous provoquent. Mais c’est vrai qu’en général, cela a un effet de dissuasion et notre présence est appréciée par la police.
Est-il question de placer une compétence en plus dans les mains des stewards urbains comme le fait de pouvoir mettre des PV ?
J. : je rappelle que le rôle du steward est un rôle de convivialité, il n’est pas question de répression, ni de PV. Il ne faut pas confondre les trois types de personnes que vous pourriez croiser dans le centre-ville. Il y a d’abord les Agents de Prévention et de Sécurité (les APS ou "gardiens de la paix") qui zonent afin d’assurer une présence et prévenir en cas de problème de sécurité (ils sont en mauve, ce sont des agents dépendant de la commune). Ensuite, nous avons les agents de la RCA (Régie Communale Autonome - dépendant de la Ville) qui sont habillés en noir et vérifient si les automobilistes ont payé leur parking grâces aux horodateurs. Si les véhicules sont mal garés, c’est la police qui intervient et est seule habilitée à mettre des PV. Et enfin, les stewards urbains qui ont une mission de convivialité (présence en ville) et de communication.
Steward urbain n’équivaut pas à gardien de la paix ?
M. : non, pas du tout ! Les fonctions sont différentes. De plus, les gardiens de la paix sont engagés par la Ville alors que nous, nous sommes engagés par l’ASBL.
Comment se passe la Gestion des Cellules vides à Charleroi ?
J. : tous les mois, une équipe de stewards, repère les cellules vides. Ça nous permet de dire aux futurs investisseurs ou commerçants qui veulent s’installer quels sont les bâtiments disponibles par quartier ainsi qu’une idée de prix. On propose aux propriétaires d’entretenir leur vitrine afin de lutter contre l’affichage sauvage. Cette action ne coûte rien au propriétaire. On place juste une affiche précisant que cette vitrine est nettoyée par l’ASBL Charleroi CentreVille. L’affichage sauvage entraîne un sentiment d’insécurité. Ce que nous essayons d’éviter par cette initiative.
Quelles sont les qualités et les compétences à avoir en tant que steward ?
J. : la base est d’être sociable, être débrouillard. Il faut être constant parce qu’on est parfois amené à subir des brimades et il faut quand même toujours rester calme, c’est-à-dire ne pas élever la voix, garder un self-control. Nous devons également être neutres : on ne partage pas notre avis personnel. De plus, il faut une bonne condition physique parce que nous marchons beaucoup tout le long de la journée par tous les temps.
Quels sont les aspects positifs ?
J. : le travail en extérieur et une belle liberté d’action parce qu’on nous donne du travail mais on ne nous impose pas une façon de le faire. On est assez libre de le faire à notre manière. Evidemment, il y a une certaine confiance qui se crée avec nos responsables : on se doit d’être correct vis-à-vis d’eux. Chez nous, la confiance est obligatoire dans le sens où on est dehors, c’est impossible de nous surveiller. Il faut quand même un certain respect vis-à-vis des consignes mais on a vraiment une liberté d’action. Ensuite, il y a le contact humain car on rencontre énormément de personnes sur une journée.
Les aspects négatifs ?
J. : la météo en premier lieu : être à l’extérieur par grosse chaleur ou pendant l’hiver. Le plus compliqué pour moi, c’est l’environnement car travailler en ville signifie : le bruit, la pollution, les brimades, ce qui n’est pas super agréable. S’il fait beau, les gens pensent qu’on se promène mais quand il pleut, qu’il y a du vent et que les commerçants et les passants nous voient arriver tout dégoulinants, ils ont un peu pitié.
M. : quand ils ont commencé à faire les travaux pour Rive Gauche et qu’ils ont fermé l’accès au Boulevard Tirou, les stewards ont rencontré des difficultés parce que les automobilistes s’énervaient. Dans ces cas-là, ils doivent rester calmes et temporiser, ce qui n’est pas toujours facile. On était présent pour les aider mais pour les automobilistes, c’était notre faute si les travaux étaient là.
Comment se passe la relation avec les commerçants ?
J. : la plupart des commerçants sont sympathiques avec nous parce qu’ils savent qu’on est le relais et qu’on est là à leur service. Par exemple, si des lampes ne fonctionnent pas dans une rue toute la journée, ils nous le disent et on le transmet aux services de la Ville. On est présent s’ils ont besoin d’une information à propos d’un événement.
Est-il vrai que la fonction de steward urbain est un projet pilote né à Charleroi qui a généré des stewards urbains dans d’autres villes et aussi dans d’autres pays ?
M.: oui, Charleroi est la première ville wallonne à avoir lancé le projet de stewards urbains. Les autres villes ont suivi en créant des gestions centre-ville à Namur, Liège, etc. D’autres pays ont également ce type de structure où le secteur public et le secteur privé se rassemblent pour redynamiser les centres-villes (la France, l’Australie).
Y a-t-il des femmes parmi les stewards urbains ? Qu’est-ce qu’une femme apporte à la fonction ?
M. : oui, évidement. Pour l’instant, nous sommes cinq filles et cinq garçons. Par rapport aux enquêtes en rue, elles ont plus facile pour aborder des passants. Elles ont plus de douceur, de tact.
J. : avec une femme, une personne qui s’énerve sera moins "direct". Si un commerçant a quelque chose à dire, il va utiliser des mots plus durs avec les hommes qu’avec une femme. On est complémentaire. En général, on choisit de travailler en binôme mixte parce que ça fonctionne bien. Maintenant, ça dépend des qualités de chacun. Ce n’est pas parce que c’est une fille qu’elle sera forcément douce.