Luc et Marc, Gardes forestiers

Interview réalisée en janvier 2005

Luc et Marc, Gardes forestiers. Société : triage de bois communaux et triage de bois domaniaux

Quelles formations avez-vous suivies pour devenir garde forestier ?

Luc : J'ai suivi une formation en sylviculture en 1 an organisée le vendredi et le samedi.
Il y a eu de grands changements concernant le niveau requis pour devenir garde forestier. On est passé du niveau D (pas d'exigence de diplôme) au niveau C (enseignement secondaire supérieur).
En 35 ans de carrière, j'ai suivi de nombreuses formations pour me spécialiser.

Marc : J'ai fait mes humanités en technique de qualification, dans l'option sylviculture à Gembloux. J'y ai suivi des cours théoriques et pratiques. Des stages m'ont aussi permis d'avoir de premières expériences professionnelles dans le domaine de la forêt. De plus, je suis régulièrement amené à suivre des formations pour intégrer les nouvelles compétences liées à ma fonction. Je ne saurais être spécialisé en tout. Certains sont plus spécialisés dans certains domaines (la chasse, l'ornithologie), d'autres dans des domaines différents (la pêche, les insectes). Il y a donc des personnes ressources et des juristes qu'on peut contacter.

Quelles sont les grandes étapes de vos parcours professionnels respectifs ?

Luc : J'ai d'abord travaillé 4 ans dans le privé. Dans les années 1970, on manquait de gardes forestiers. Je me suis formé dans ce domaine. Mon père exerçait lui-même cette profession. J'ai été nommé officiellement il y a 35 ans en succédant à mon père dans le triage communal où il travaillait.

Marc : En terminant mes études, j'ai d'abord travaillé 9 mois comme ouvrier forestier. J'ai ensuite fait mon service militaire. A mon retour, j'ai été employé 4 ans à la ville de Namur comme technicien forestier. J'étais alors chargé d'encadrer une équipe d'ouvriers forestiers. J'ai ensuite passé et réussi l'examen au Secrétariat Permanent du Recrutement (actuellement le Selor). Depuis, j'ai été nommé. J'ai travaillé dans plusieurs triages domaniaux avant d'arriver dans celui-ci dont la situation géographique me plaisait plus.

En quoi consiste votre métier ? Est-ce qu'il a évolué depuis le début de votre carrière ?

Marc et Luc : Il y a plusieurs axes essentiels dans notre métier : la sylviculture et le travail technique, la police de l'environnement (application des règlements du code forestier et du code rural), le contrôle de la chasse et de la pêche ainsi que la conservation de la nature et les loisirs. Le garde forestier effectue donc un métier technique et de la répression.

En fait, suivant le triage dans lequel le préposé forestier travaille, les activités à réaliser varient. En effet, le travail peut être très différent même si la fonction reste la même. Dans certains triages, l'accent est davantage mis sur la production de bois comme par exemple dans des communes ardennaises qui vivent des ressources de la forêt. Dans d'autres, c'est plus l'accueil du public qui est mis en avant ou encore la surveillance, ce qui est par exemple le cas des gardes forestiers qui travaillent pour l'unité anti-braconnage. Actuellement, le côté forestier est mis de côté dans certains cantonnements. Auparavant, la production de bois, le côté économique, rentable, la gestion du capital étaient des priorités. Actuellement, on travaille davantage dans une visée de conservation de la nature. On continue toujours le martelage, les coupes de bois, la vente et les plantations mais de nouvelles compétences s'y sont ajoutées. Il y a donc eu d'importantes évolutions dans le travail du préposé forestier.
On veille à l'application du Code Wallon d'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (Cwatup) concernant la conservation de la nature. La réflexion concernant la nature qu'on va laisser aux générations futures est importante.

Certaines zones publiques ou privées sont classées Natura 2000 dans le cadre d'une convention entre les pays de l'Union européenne. Ces zones sont intéressantes de par leur biotope comprenant des animaux, des insectes en voie de disparition, des espèces de plantes à protéger. Il faut donc laisser ces zones évoluer naturellement. Le but est la création d'un réseau écologique d'espèces protégées au sein de l'Union européenne.

Nous contrôlons la pêche, le permis et les différents modes de pêche. Il y a un service spécialisé de pêche à la Région wallonne qui effectue notamment les inventaires.

Par contre, pour la chasse, il n'y a pas de service spécialisé, nous sommes donc chargés des contrôles mais aussi de la gestion des plans de tir, des dates d'ouverture...

Nous participons à des expositions pour répondre aux questions des gens sur la forêt. On organise aussi des animations avec les écoles pour donner des explications aux enfants sur la nature.

Marc : De plus, je dois organiser le travail d'ouvriers forestiers, les congés, les salaires, etc. J'ai donc aussi la responsabilité d'une équipe de travail et de matériel.

Luc : Dans le cas de bois communaux, le préposé forestier effectue des devis sur les activités à réaliser par les ouvriers de la commune. Il les guide dans leur travail, procède à des vérifications mais ne gère pas l'équipe (salaires, congés,...).

Plus particulièrement, quelles sont vos missions en tant qu'officier de police judiciaire ?

Marc et Luc : Nous sommes officiers de police judiciaire dans l'exercice de nos fonctions. De ce fait, nous sommes armés, nous avons un pistolet, des menottes, une matraque, un sifflet. Nous faisons de la répression quand quelqu'hn a commis un délit dans la forêt. Arracher une haie, voler des plantations, braconner, modifier le relief du sol sont des actes interdits. Dans ce cadre, nous rédigeons des procès verbaux, nous effectuons des auditions, des perquisitions. Nous sommes en contact avec les Parquets. Nous avons dû prêter serment devant le Tribunal de l'arrondissement judiciaire de notre lieu de travail.
On fait de la prévention avant de dresser des procès verbaux, en informant les gens, en les guidant. On essaie de donner des conseils constructifs mais les gens ne le prennent pas toujours bien.
Il y a beaucoup de législations à connaître et des changements surviennent très souvent dans ce domaine.

Quels sont vos conditions et vos horaires de travail ?

Marc et Luc : Pour le moment, nous sommes de garde 24 heures sur 24 du lundi 0h00 au vendredi 17h00. Ceci signifie que durant cette période, nous devons travailler 38 heures. On peut être appelé n'importe quand pour cause d'incendie, de pollution, d'accidents avec un gibier...

Marc : En outre, étant donné que j'ai de moins de 50 ans, je suis de garde 1 week-end sur 3 ou 1 week-end sur 4. J'effectue des tournées de nuit entre 23 heures et 3 heures du matin. Pour le moment, les gardes du week-end ne sont pas rémunérées mais il y a un projet à ce sujet.

Marc et Luc : L'avantage de l'horaire est qu'il est flexible, on a une certaine liberté dans l'organisation de notre emploi du temps. Les grandes missions sont réparties sur l'année, notamment en fonction des saisons, ce qui compte c'est d'accomplir ces différentes missions. Un inconvénient de l'horaire est qu'il faut toujours être disponible (incendie, accidents,...).

En ce qui concerne les conditions de travail, nous travaillons à l'extérieur, été comme hiver, sous la neige, la pluie, quand il gèle. Une bonne condition physique est requise étant donné que les positions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas très confortables (martelage d'arbres dans le versant d'une forêt...) et demandent certains efforts physiques.

Qu'appréciez-vous dans votre métier ?

Marc et Luc : La population apprécie notre travail. On se sent reconnu par certaines personnes qui nous complimentent sur la beauté du bois que l'on gère, la variété des essences. Le contact peut être très agréable. L'été, c'est gai de travailler à l'extérieur.

Y a-t-il des aspects moins agréables ?

Marc et Luc : Certaines personnes ne respectent pas la forêt et notre travail. Ils viennent au bois comme s'ils en étaient les propriétaires, ils défont les tas de bois qu'on a rangés, ils arrachent des plantations, laissent traîner leurs déchets... Ils font l'amalgame avec les parcs de loisirs.
Les gens ne connaissent pas toujours les législations, on informe donc avant de réprimer. Quand on rappelle la loi et les interdictions, certains critiquent la moindre remarque qu'on leur adresse alors qu'ils commettent des actes interdits par la loi.

Les chiens doivent être tenus en laisse pour ne pas déranger le gibier. Il y a quelques années, on nous a appelé en urgence parce que des sangliers s'étaient retrouvés en pleine ville. Cela pose un problème en terme de sécurité puisqu'hn de ces sangliers avait provoqué un accident avec une voiture.

Pour le moment, le salaire n'est pas très attractif. Nous ne sommes pas rémunérés pour les gardes du week-end mais c'est en train d'évoluer.

Marc et Luc : Etant donné que je travaille dans un triage composé de bois domaniaux, j'ai l'avantage d'avoir une maison forestière de fonction. J'ai un hangar avec du matériel et une pépinière à gérer.

De quelles qualités essentielles doit faire preuve un garde forestier ?

Marc et Luc : Il doit aimer être à l’extérieur, bouger, être motivé par son travail.
Comme dit précédemment, les tâches varient en fonction du triage (souvent les mêmes mais dans des proportions différentes). C’est donc important d’en tenir compte et de réfléchir à ce qui convient le mieux à la personne : travail technique, répression et surveillance, conservation de la nature…
Il faut pouvoir s’adapter aux changements de législations, à l’ajout de compétences supplémentaires, aux imprévus. S’il est appelé quelque part en urgence (risque d’incendie), il doit être disponible et donc arrêter ce qu’il était en train de faire. Auparavant le garde forestier était assez solitaire. Il doit actuellement établir de plus en plus de contacts avec les communes, le public, des associations, les autres gardes forestiers (travail d’équipe pour certaines activités comme le martelage). Il est de ce fait important qu’il soit sociable. Il doit aussi être organisé pour gérer son emploi du temps afin de réaliser toutes ses missions.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.