Interview anonyme, Assistante sociale

Interview réalisée en janvier 2008

Pourriez-vous tout d’abord nous expliquer votre cadre professionnel ? 

Je travaille dans une Maison d’accueil qui héberge des femmes en grande difficulté à différents niveaux. Ces femmes sont seules ou certaines ont des enfants. Leurs difficultés viennent de problèmes de logement, financiers, éducatifs, affectifs, relationnels, de violence conjugale. Certaines n’ont plus de logement ou sont sur le point de le perdre pour cause de séparation avec leur conjoint. On aide aussi des mères dont les relations avec leurs enfants posent problème. La Maison d’hébergement permet d’accueillir 19 femmes et environ 30 enfants. Nous avons également 7 places dans des appartements supervisés. Après un temps de passage dans la Maison d’hébergement, certaines femmes vont ensuite en appartement supervisé. Nous continuons à collaborer avec elles jusqu’à ce qu’elles aient assez d’autonomie pour vivre dans un logement extérieur. Ces personnes ont souvent de faibles revenus, nous les accompagnons aussi dans les démarches pour trouver un logement social. 

Comment se compose l’équipe d’encadrement ? Est-elle pluridisciplinaire ? 

Elle est constituée de 3 assistantes sociales, une infirmière sociale, une équipe éducative, un responsable pédagogique et du personnel administratif et d’entretien. Il n’y a pas de psychologue. Nous faisons appel à des services extérieurs tels que : maison médicale, centre de planning familial, centre de guidance. 

Quel est votre rôle en tant qu’assistante sociale dans cette Maison d’accueil ? 

L’assistante sociale est dans ce cadre professionnel une généraliste du social. Je suis confrontée à de nombreux problèmes mais je ne suis pas spécialisée dans un domaine en particulier. En effet, je collabore beaucoup avec d’autres services plus spécialisés : le CPAS pour les difficultés financières, la Mutuelle pour les problèmes de santé, les Centres d’Immigrés pour les questions de statut, les différentes sociétés de logement pour les problématiques de logement, les écoles et les crèches pour les enfants des mères en difficulté. Je réalise ces activités en tendant vers l’objectif de la maison d’accueil, qui est d’héberger toute femme, accompagnée ou non d’enfant(s), temporairement incapable de résoudre ses difficultés physiques, sociales ou psychologiques. Une personne pour laquelle un hébergement ou une guidance psychosociale s’avèrent nécessaires afin de la soutenir dans l’acquisition ou la restauration de son autonomie et de son insertion ou réinsertion sociale. Je gère les demandes d’accueil de ces femmes et je les accompagne dans leurs démarches. 

Comment remplissez-vous vos missions, en effectuant quel type d’activités ? 

Lorsqu’une femme veut être hébergée dans la Maison d’accueil, je la rencontre pour entendre sa demande et la cerner le mieux possible et voir si notre encadrement pourrait l’aider. Si c’est le cas, je l’accueille et je lui viens en aide à partir de ce qu’elle amène, de ses difficultés en la rendant « actrice » de sa situation, active dans la tentative de résolution de ses problèmes. Je la soutiens et j’établis une relation de confiance avec elle. Si elle le demande, j’assure aussi le post-accompagnement quand elle quitte la Maison d’hébergement. En effet, certaines situations restent fragiles, comme par exemple, la relation d’une jeune maman avec son enfant, la gestion de son budget. L’accompagnement de la personne peut être différent d’une assistante sociale à l’autre. Personnellement, ma philosophie de travail consiste à rechercher les éléments positifs dans tout le chaos de difficultés et à redonner confiance en elle à la personne. Je participe à la reconstruction d’une estime de soi, d’une image positive à partir des compétences de la personne. Cela me paraît fondamental pour amener les gens à avancer. Je les aide à se fixer des priorités. 

Pourriez-vous illustrer votre activité par une situation concrète ? 

J’ai récemment aidé une femme rwandaise qui a vécu le génocide dans son pays d’origine et qui a dû le quitter à cause de problèmes politiques. Elle est arrivée en Belgique et a fait une demande pour avoir le statut de réfugié. En attendant, le CPAS lui a octroyé un revenu mais elle n’avait pas de prise en charge au niveau social car dans ces situations, les demandes de revenus sont réparties entre les différents CPAS et donc pas toujours dans celui de la Ville où la personne vit. Une autre femme rwandaise l’a amenée chez nous car sa situation commençait à se détériorer, elle était déprimée et elle avait des problèmes de santé et de logement. Je l’ai alors aidée à trouver un avocat pour appuyer sa demande de statut de réfugié. Nous y sommes allées ensemble. Elle a dû raconter son histoire douloureuse. Je l’ai écoutée, soutenue et nous avons ensuite échangé au sujet de son histoire. Sa fille vivait toujours au Rwanda, nous avons donc fait des démarches pour le regroupement familial. Par ailleurs, elle a perdu un bras lors du génocide, nous avons donc fait diverses démarches pour qu’elle puisse avoir une prothèse. Elle vit maintenant en appartement supervisé et, suite à des démarches, elle a été reconnue comme personne en situation de handicap, ce qui lui permet d’avoir des allocations et des aides qui rendent sa situation plus convenable. Cette situation ne s’est pas réglée en quelques semaines, nous avons effectué des démarches pendant plusieurs mois. 

De quelles qualités devez-vous faire preuve pour effectuer votre travail ? 

Il faut s’intéresser réellement aux autres, à l’humain, à ce que les gens vivent et faire preuve d’une grande ouverture, de tolérance. Le respect des personnes, comme elles sont, est aussi essentiel. On doit pouvoir se mettre à leur niveau, les prendre là où elles sont, sans émettre de jugement. Ce métier est exigeant au niveau psychologique. Les problèmes des autres peuvent faire résonance avec nos difficultés personnelles. Pour être réceptif aux autres, il faut une certaine solidité, un équilibre personnel pour supporter le fait d’être confronté à des gens en grandes difficultés. Le contact humain se passe en direct, c’est prenant. Il faut pouvoir être à l’écoute, disponible, accueillir sincèrement les gens. Il est aussi important de fermer la porte quand on rentre chez soi, de ne pas se laisser envahir même si ce n’est pas toujours évident. 

Quelles connaissances vous sont utiles dans l’exercice de vos différentes activités ? 

Le travail au quotidien fait appel à beaucoup de domaines différents, il faut donc s’y connaître de manière générale en matière de législations sociales, d’allocations de chômage, de législations sur l’immigration, de droits concernant le divorce, les gardes d’enfants, etc. Ces domaines évoluent beaucoup, nous ne pouvons dès lors tout savoir, nous faisons appel aux services extérieurs plus spécialisés dans l’un ou l’autre de ces domaines. Nous connaissons les fonctionnements généraux de ces services (Service d’aide à la Jeunesse, Service de Protection Judiciaire, etc.) pour savoir qui interpeller, quand et comment. Etant constamment en relation dans mon métier et étant amenée à comprendre les fonctionnements des familles, j’ai suivi une formation complémentaire de 4 ans en thérapie systémique. Je suis également régulièrement d’autres formations continues : soit pour prendre du recul, réfléchir à mes pratiques ou pour aborder davantage certains thèmes : toxicomanie, violence conjugale. Récemment, j’ai suivi une formation pour apprendre à être davantage centrée sur l’enfant, ses symptômes (problèmes de sommeil, d’alimentation) afin de décoder un éventuel mal-être et avoir des pistes pour améliorer les situations. Il faut aussi avoir des connaissances dans le domaine de la psychologie, sur le développement de l’enfant, le comportement des adolescents, les femmes victimes de violences.

Quels sont les avantages de votre fonction? 

J’apprécie l’autonomie que j’ai dans ce travail, la variété : deux jours ne se ressemblent pas, on ne sait pas ce qu’il va se passer le lendemain. D’un point de vue humain, c’est très riche, mon métier est fait de rencontres et de collaborations. J’aime aussi la souplesse qui, je pense, vient du secteur social au sens large : une certaine compréhension, des temps de travail adaptables, la possibilité de combiner le travail avec une vie de famille. 

Quels sont les aspects plus difficiles de ce travail ? 

Le travail d’équipe est compliqué. Il n’est pas toujours facile de définir un travail commun, d’harmoniser les pratiques professionnelles car nous avons des expériences et des philosophies différentes. Nous sommes d’ailleurs en train de redéfinir le projet pédagogique pour canaliser les différences car il y a pour le moment trop de malentendus dans nos pratiques. Par ailleurs, les situations auxquelles nous sommes confrontées sont parfois fort lourdes. On ne fait pas de miracle, les accompagnements prennent du temps et les résultats ne sont pas toujours satisfaisants, ce qui est frustrant. Il faut rester réaliste, on intervient à un moment donné de la vie d’une personne, on ne saurait résoudre tous les problèmes accumulés parfois depuis longtemps au niveau familial, affectif. Dans l’ensemble, j’apprécie beaucoup mon métier, je ne m’en lasse pas. Je suis contente de travailler comme assistante sociale, c’est un chouette métier, très riche humainement. 

Avez-vous travaillé antérieurement dans d’autres cadres professionnels ? 

Effectivement, j’ai aussi travaillé dans un Centre d’Observation pour enfants et adolescents en difficultés. J’effectuais alors beaucoup d’interventions en famille pour aider le jeune à retourner en famille, si c’était possible ou décider d’un placement institutionnel.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.