Comment êtes-vous devenu débardeur ?

C'est un peu par hasard ; j'ai eu un parcours professionnel complexe. Après avoir travaillé comme éducateur social, puis être parti à l'étranger, je suis rentré en Belgique avec l'envie de faire un métier différent. Le travail dans le bois m'attirait et j'ai toujours été proche de la vie forestière bien qu'étant citadin d'origine. Un marchand de bois m'a proposé du travail comme bûcheron, j'ai travaillé cinq ans à l'abattage. Par ce travail, j'ai côtoyé des débardeurs qui "débusquaient" les bois avec les chevaux et il m'est arrivé de leur donner un coup de main. Petit à petit, j'ai appris le métier, j'ai acheté deux chevaux et je travaille au débardage depuis quinze ans maintenant.

Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce métier ?

C'est un travail plus sain physiquement que l'abattage qui est très épuisant. Travailler avec des animaux me plaisait beaucoup, être dans un environnement sain et calme me donne un sentiment de liberté. C'est un travail où personne ne vient me dire ce que je dois faire, je suis mon propre maître. 

En quoi consiste le travail de débardage ?

Le travail consiste à "débusquer" (le mot est plus juste que débarder) des bois, c'est-à-dire à tirer des troncs coupés, d'endroits inaccessibles aux machines, pour les rassembler dans un coupe-feu où les machines viendront les charger. En Belgique, on pratique l'éclaircie sélective, c'est-à-dire que l'on abat des arbres disséminés dans la forêt ; le tracteur ne peut atteindre ces endroits sauf si l'éclaircie est complète (si on coupe tous les arbres d'un seul endroit donné). Cela signifie pour moi, repérer le meilleur trajet pour sortir les bois, les accrocher au palonnier de mon cheval, le guider jusqu'au chemin (à la voix et au cordon), lui faire ranger les bois et les décrocher. Le bois est ensuite acheminé vers des industries de papier.

Quel est le statut du débardeur ?

Les débardeurs sont des indépendants qui vendent leur main d’œuvre à des propriétaires forestiers, des marchands de bois. Chaque commune a des garde-forestiers qui marquent les bois à abattre ; ces bois sont vendus en soumission à des marchands qui engagent des bûcherons et des débardeurs pour faire le travail. Nous sommes payés au m³ de bois débardé. Le prix est déterminé en fonction de plusieurs paramètres comme la grosseur des bois, la configuration du terrain, etc.

Comment se passe une journée de travail ?

D'abord, il faut nourrir les chevaux, puis les charger dans le van et aller jusqu'à la coupe. Nous travaillons à deux, parfois en alternant les chevaux si le terrain est difficile. On peut débarder de 10 à 60 m³ de bois par jour selon leur longueur et le dénivelé ; le cheval a une limite physique, le travail s'arrête aux premiers signes de fatigue ; en moyenne, il peut travailler 6 à 7 heures par jour et a une force de traction de deux tonnes. Quand la journée est finie au bois, il faut encore les soigner. Les chevaux de trait ont une puissance énorme mais il faut savoir les économiser, leur assurer une nourriture appropriée et des boxes confortables.

Quelles sont les qualités pour être un bon débardeur ?

Il faut être très observateur et savoir se servir de la configuration du terrain pour acheminer les bois sans trop fatiguer le cheval et sans risquer d'abîmer les arbres sur son passage. Bien choisir son parcours, calculer ses angles fait gagner du temps. Il faut éviter les obstacles, les souches, les pierres, etc. C'est un métier où l'on marche beaucoup, puisqu'on suit le cheval pour le guider, il est donc nécessaire d'avoir une bonne condition physique et d'aimer être dehors par tous les temps (sauf quand il neige). Pour débarder, il faut aussi apprendre à connaître son cheval, avoir le feeling qui permet de savoir en tirer le maximum au bon moment. C'est un métier de patience et de calme, de solitude aussi.

Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Les difficultés sont de différents ordres : avec le cheval, ce n'est pas toujours facile de savoir l'utiliser au mieux de sa force. C'est un travail de longue haleine d'apprendre à communiquer avec lui. Il faut sans cesse affiner la relation pour arriver à travailler en finesse et sans brutalité. Avoir des chevaux, cela représente aussi une contrainte importante qu'il faut pouvoir gérer. Une difficultés inhérente au statut de débardeur est le fait qu'il n'existe pas de formation, d'où la difficulté d'apprentissage. Il faut trouver un débardeur qui accepte de partager ses connaissances. C'est pourquoi la plupart des hommes qui font ce métier sont des fils de fermiers ou de débardeurs.

Quel est le coût du matériel de débardage ?

Il faut compter à peu près de 30000 euros. Ce qui coûte le plus cher, c'est le van et la jeep ou le camion pour transporter les chevaux. Ensuite il y a le prix du cheval, le harnachement et quelques outils comme une tronçonneuse par exemple.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.