Interview anonyme,
Professeur de droit
Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours professionnel ?
J’ai obtenu mon master en droit à l'UCL. J’ai ensuite fait mon doctorat tout en travaillant à mi-temps au sein des FUNDP de Namur en tant qu’assistant. Par ailleurs, j’ai choisi de devenir avocat et ce pour une raison bien particulière : exercer au barreau me permettait de mettre en pratique toute la théorie que j’avais apprise et je pouvais ainsi être confronté directement à la réalité.
Mon doctorat m’a pris cinq ans de travail. Il m’a permis d’entrer aux FUNDP en tant que professeur mais je n’ai pas pour autant délaissé ma profession d’avocat. Je cumule donc ces deux activités.
Appréciez-vous enseigner ?
Enormément. Si je devais faire un choix entre mes deux activités, c’est vers l’enseignement à temps plein que je me tournerais. J’ai pris goût au barreau, mais il n’empêche que ma vocation première c’est enseigner. J’ai ça dans le sang. Et je pense que c’est le cas de tous mes collègues. Je ne conçois pas que l’on puisse enseigner sans avoir la passion. Ce job paie moins bien que celui d’avocat mais je ne pense pas que je saurais m’en passer. L’idéal est, pour moi, de faire les deux. Tout simplement parce que mon expérience au barreau me permet d’enrichir mon cours. Je peux ainsi soumettre des cas concrets à mes élèves. Tous les professeurs devraient, dans l’absolu, posséder une certaine expérience pratique au barreau ou ailleurs.
Je me sens pleinement épanoui grâce au contact que j’ai pu créer avec mes étudiants. J’essaie sans arrêt de créer une interactivité pendant le cours entre eux et moi. Ainsi, je leur pose des questions au départ d’un problème. J’essaie par tous les moyens de rendre le cours le plus vivant et le plus attractif possible. Je mentirais toutefois en disant que cela a été facile au début. Ma principale hantise, c’était de ne pas pouvoir faire passer mon message, mes valeurs. Heureusement, je pense y parvenir.
Ce qui me plaît particulièrement dans l’enseignement c’est cette liberté académique. On a programme à suivre mais on peut sans problème y apporter notre propre expérience, notre touche personnelle.
Et puis, on a une forte influence sur nos étudiants. J’ai la sensation de pouvoir captiver l’auditoire. C’est très enivrant.
Le doctorat ne mène-t-il qu’à l’enseignement ?
En droit, oui. Et pourtant il y a un paradoxe flagrant. Quand on fait un doctorat, on s’isole dans ses recherches. Or, l’enseignement c’est tout sauf l’isolement ! Ce n’est jamais simple de s’adresser à un auditoire de deux cents personnes. Je trouve d’ailleurs, soit dit en passant, que l’on apprend pas suffisamment aux futurs profs à enseigner à des grands groupes. Quand on est assistant, on travaille principalement avec des groupes de vingt élèves au maximum.
Est-il évident pour un master en droit de se lancer dans un doctorat ?
Pas du tout ! J’irais même plus loin en affirmant que c’est un véritable sacerdoce ! On est mal payé, cela demande une masse de travail énorme et il y a le risque qu’il n’aboutisse à rien de concret.
Par ailleurs, j’estime que le titre de "docteur de droit" n’est pas suffisamment considéré en Belgique. Et ce, d’autant plus qu’une fois le doctorat terminé ce n’est pas pour autant que l’on trouve un poste de professeur tout de suite ! Il faut attendre qu’une place se libère.