Avez-vous suivi des études particulières pour travailler en imprimerie ?
Oui, mais c’est avant tout une passion ! Avant moi, mon père et mon grand-père étaient déjà imprimeurs. J’ai étudié les Arts Graphiques à l’Université du Travail de Charleroi. Nous étudiions la mise en page, la typographie, le développement des films… Eh oui, les films existaient encore à cette lointaine époque. Depuis, cette option a disparu de la grille des cours. Je suis sorti en août 1992, ça fait donc des dizaines d'années que je suis actif dans ce secteur.
Vous n’avez connu qu’un seul employeur au cours de votre carrière ?
Non. À peine sorti des études, j’ai travaillé comme aide-conducteur de machine dans une imprimerie de la région. Je chargeais les machines, calais les plaques, etc. Nous travaillions en offset sur des presses qui devaient être manipulées par deux personnes. Quand l’entreprise a fermé ses portes, en 1995, je suis parti chez une très grosse société, à la pointe du secteur. J’y suis resté 10 ans. Puis, en 2006, les affaires commençant à ralentir, je suis parti chez Hélio Charleroi (n'existe plus actuellement).
Quelles sont les différences entre l’hélio et l’offset ?
Ce sont deux techniques complètement différentes. En offset, on travaille avec des plaques, en rotatives, comme chez Hélio, on travaille avec d’énormes rouleaux. L’hélio est plus simple, c’est un travail d’exécution qui ne demande pas d’être un bon technicien-imprimeur. La plupart des gens sont d’ailleurs formés sur le tas.
En quoi consiste votre travail actuel ?
Je suis bobineur. Les rotatives fonctionnent en continu. Il faut donc que la machine soit continuellement approvisionnée en papier pour ne pas devoir arrêter l’impression. Les tirages sont énormes. Jusqu’à 2 millions d’exemplaires pour les publicités des chaînes d’hypermarchés ! Les rotatives demandent des équipes pouvant aller de 6 à 8 personnes, selon le travail et la finition demandés.
Le travail est-il pénible ?
Assez oui, pas seulement à cause du travail en lui-même. Ce qui est très difficile, ce sont le bruit, les horaires qui changent chaque semaine et les produits solvants que nous utilisons et qui sont hautement toxiques.
Quels sont les changements que vous avez constatés depuis le début de votre carrière ?
Beaucoup. Du bon et du moins bon. L’informatisation a certes facilité le travail, mais elle a causé aussi beaucoup de pertes d’emploi. Là où il fallait 3 ou 4 hommes, on n’en a plus besoin que d’un seul.
Ensuite, dans l’imprimerie de labeur, comme nous, les quantités commandées diminuent sans cesse. L’écologie est passée et a conscientisé les gens sur le gaspillage du papier et la déforestation. Pour finir, l’apparition des tablettes graphiques et des magazines et journaux on-line a également été un coup très dur pour nous.
Croyez-vous que le secteur soit condamné ?
Non, mais, pour le travail de labeur, seuls les plus solides resteront et récupéreront les marchés qui existeront encore. La mondialisation et la perte de gros contrats d’édition ne facilitent pas les choses. De nos jours, il revient moins cher d’imprimer en Chine ou en Thaïlande qu’en Europe. Malgré les coûts du transport !
Le véritable avenir de la profession se situe dans les secteurs de niches, l’impression luxueuse à tirages réduits. À terme, je pense que tout ce qui est presse quotidienne, magazines, etc., et même les livres, n’utilisera plus le papier comme support.
Et financièrement ?
Jadis, les imprimeurs étaient très bien payés. C’est moins le cas, mais ça reste intéressant, car le travail "à pauses" obligatoires entraîne des primes, vu les horaires.
Comment est organisé le travail au sein de votre entreprise ?
Nous effectuons des rotations de 5 semaines. Dans mon cas, la première semaine, je travaille de 22 h à 6 h. La seconde, de 14 h à 22 h. La troisième, de 6 h à 14 h. Les deux dernières semaines, je travaille uniquement le samedi et dimanche, de 18 à 6 h, puis de 6 à 14 h, toujours les samedis et dimanches. Ce n’est pas toujours facile de concilier mon travail avec une vie de famille. Et, en vieillissant, il devient de plus en plus difficile de bien récupérer. Il existe des imprimeries où les pauses sont moins nombreuses, voire inexistantes, mais c’est assez rare.
Quelles sont, pour vous, les qualités nécessaires pour travailler dans l’imprimerie ?
L’esprit d’équipe ! C’est le critère essentiel. Il faut bien se rendre compte qu’on est un maillon d’une chaîne qui ne peut pas s’arrêter. Je pense qu’il faut également la passion et se tenir informé des évolutions techniques. Et puis, comme je l’ai dit, il faut s’adapter aux horaires.
Qu’est-ce que vous appréciez particulièrement dans votre métier ?
L’offset. C’est beaucoup plus créatif. Ça demande plus d’initiative et d’autonomie.
Et qu’aimez-vous moins ?
Les horaires, le bruit et les solvants !