Mme Patricia Zwolinska,
Directrice artistique et chorégraphe
Interview réalisée en juillet 2008 |
Directrice artistique et fondatrice du Jeune Ballet de Namur, chorégraphe et enseignante.
Comment définiriez-vous la danse ?
Il s’agit d’un art ouvert à tous, connu et vécu par le monde entier. Tout comme la peinture ou la musique, il s’agit d’un langage universel. La danse permet de communiquer sans parler, de bouger, d’exprimer quelque chose par le geste uniquement, avec la musique comme soutien.
D’après vous, qu’est-ce qui fait un bon chorégraphe ? Quelles sont les qualités nécessaires ?
Bon ou pas, peu importe, c’est très subjectif comme critère. Je pense surtout que cela dépend de l’interprétation qui est donnée par l’interprète à la chorégraphie. On peut tout à fait comparer le chorégraphe à un sculpteur : au départ, il n’y a qu’un bloc de matière qui doit être façonné, travaillé afin d’obtenir une sculpture, une œuvre. Il n’y a pas de sensibilité à la base, le chorégraphe doit "modeler" la personne. Même si la chorégraphie est bien codifiée, l’interprétation que le public pourra avoir diffèrera selon que ce soit un danseur ou un autre. Tout peut donc être biaisé par l’interprète ! Il existe toujours un canevas à partir duquel on travaille mais de petites modifications peuvent intervenir, notamment en fonction de la technique du danseur. Il arrive aussi que le danseur donne ses idées, ses impressions par rapport à la chorégraphie. En ce qui concerne les qualités requises, je dirais avant tout l’écoute car si le courant passe bien entre le chorégraphe et le danseur, la chorégraphie n’en sera que meilleure. Ensuite, il y a bien évidemment des capacités techniques à posséder.
Pouvez-vous retracer votre parcours ?
J’ai reçu le premier prix du Conservatoire National de France, je suis professeure titulaire des cours du Conservatoire de Namur depuis 32 ans et directrice artistique ainsi que fondatrice du Jeune Ballet de Namur depuis maintenant plus de 20 ans. J’ai suivi des études latines en secondaires mais en plus de l’école, je dansais beaucoup, à 9 ans, j’étais déjà petit rat à l’Opéra de Lille jusqu’à l’âge de 14 ans. Je suis d’ailleurs une des dernières petits rats en France à avoir fait carrière avec des danseurs étoiles ! A partir de 14 ans, j’effectuais des remplacements, toujours à l’Opéra de Lille. Je devais donc gérer mon temps entre l’école, les cours et les répétitions. Il m’arrivait d’ailleurs parfois de devoir manquer les cours pour pouvoir répéter. Je n’avais pas de congés comme les autres enfants de mon âge mais par rapport à toute cette période, je n’ai aucun regret. La danse est une vocation, un choix de vie et j’ai vécu de très bons moments même si je dansais 18 heures par jour. Après Lille, j’ai travaillé en Italie, à Paris et puis en Belgique où j’ai dansé pour l’Opérette de Wallonie, toujours en tant que soliste. J’ai mis ma carrière entre parenthèses car j’ai décidé de fonder une famille. Je me suis alors tournée vers l’enseignement car j’avais les diplômes requis pour le faire et puis, j’aime les enfants !
Est-ce facile de pratiquer la danse en tant que professionnel en Belgique ?
En Belgique, après avoir suivi les cours d’une Académie ou d’un Conservatoire, il n’y a malheureusement rien, hormis les cours privés, qui permette aux élèves de poursuivre leur carrière en tant que danseurs professionnels. Mais il faut toutefois se méfier de certaines écoles privées car il n’y a pas de réglementation en la matière, tout le monde peut s’improviser professeur et ouvrir une école. Il n’y a pas de droit d’accès à la profession, pas de diplôme reconnu comme c’est le cas en France par exemple. Dans notre pays, il n’y a pas vraiment d’école "professionnelle" à part, peut-être, l’école d’Anvers. Les danseurs qui veulent faire carrière sont obligés d’aller à l’étranger. De plus, l’entrée dans une grande école n’est pas toujours évidente. Il faut envoyer un CV, des photos de pied et un portrait tout cela en tenue de danse et passer une audition. Il y a également une visite médicale lors de laquelle il arrive que les recruteurs déterminent la densité des os des jeunes élèves par rapport à celle de leurs parents, afin de voir si physiquement, cela conviendra à plus long terme, etc.
Concrètement, comment préparez-vous une chorégraphie, un spectacle ?
Il faut avant tout savoir ce que l’on veut exprimer, quel est le message que l’on veut faire passer, déterminer la trame de l’histoire, car une chorégraphie, c’est expliquer, c’est raconter quelque chose. Ensuite, il faut choisir la musique, définir la ligne mélodique et veiller à développer la chorégraphie dans un espace. Choisir le nombre de danseurs, la façon dont ils vont évoluer sur scène, etc.
Quel est votre rôle en tant que directrice artistique ?
Je veille surtout à la qualité finale. J’observe, je visionne tout (chorégraphie, danseurs, pas, etc.) afin de dire ce qui est bon ou mauvais par rapport à ce que l’on veut exprimer depuis le début. Je suis très critique envers moi-même. Je me remets sans cesse en question. C’est très important car cela permet de se renouveler continuellement, de s’ouvrir l’esprit aux autres influences. Pour cela je vais voir d’autres spectacles, je me rends à des stages car je pars du principe qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. La remise en question est vraiment très importante car si on ne passe pas par ce stade, alors on n’avance pas. Les rencontres avec des personnes venant de tous pays et de tous horizons sont également enrichissantes, cela me permet de ne pas me fermer à une seule vision de la danse.
Qu’est-ce que vous appréciez le plus dans votre travail ? Le moins ?
L’ingratitude et le non-respect des gens (public, parents, élèves) qui ne comprennent pas ma démarche, cela me touche beaucoup. Par contre, je suis récompensée lorsque je vois que mon travail a porté ses fruits et lorsque des personnes viennent me remercier car, d’une façon ou d’une autre, j’ai changé un petit quelque chose dans leur vie. Je suis également très fière de ceux qui sont sortis de mon école et qui font carrière en tant que danseur ou chorégraphe. Cela montre que mon travail n’est pas mauvais ! Et puis surtout, je pense que la plus belle récompense, ce sont les applaudissements du public.