Mr Patrick Mignolet,
Pilote d'hélicoptère

Interview réalisée en janvier 2005

Commandant de Compagnie au 17 Bataillon d'hélicoptères anti-chars.

Pourquoi avez-vous choisi de devenir pilote d'hélicoptère ?

J'ai toujours été un fanatique de l'armée et de l'aviation. Enfant, je voulais non seulement être pilote mais aussi militaire. J'ai eu la chance de pouvoir faire les deux.

Initialement, je voulais être pilote de chasse mais le nombre de places était extrêmement limité et je n'ai pas été suffisamment bien classé à l'examen d'entrée à l'Ecole Royale Militaire. De plus, un léger problème au niveau de mon oreille interne aurait pu me causer des problèmes pour voler en avion de chasse. Alors, j'ai choisi de me tourner vers le métier de pilote d'hélicoptère. C'est donc un second choix, mais que je n'ai jamais regretté. 

Quel a été votre parcours ?

Après mes secondaires, je suis entré à l'ERM (l’École Royale Militaire) et j'ai choisi la formation d'ingénieur civil. Mais après six mois, le niveau étant un peu trop haut pour moi, je me suis réorienté vers la section Toutes Armes. Cette filière-là me convenait mieux car ces études, qui durent quatre ans et délivrent un master, sont davantage basées sur les connaissances générales.

En 1ere  année, on fait de tout : de la psychologie jusqu'aux maths en passant par la chimie et la physique. Ensuite, on voit beaucoup de droit, de psychologie, de sociologie, mais également des cours scientifiques. Pour réussir en Toutes Armes, il faut être bon dans tous les domaines. En payant vos études, l'armée investit en vous et souhaite vous voir réussir. Bien évidemment, si on n'a pas les capacités, on ne réussira pas. D'ailleurs, on a régulièrement des tests pour être sûr que les étudiants ne remettent pas une feuille blanche aux examens. On se sent très entouré.

Ensuite, j'ai passé les tests d'entrée pour devenir pilote à la Force Terrestre. La difficulté était de se classer en ordre utile pour espérer être repris. Ces tests consistent en des examens psychotechniques et médicaux extrêmement poussés. J'ai eu la chance de les réussir et d'être classé en ordre utile (nous étions 3 sur 26 candidats). Malgré cela, j'ai dû également choisir une autre arme où j'effectuerais ma carrière au cas où je raterais ma formation de pilote. J'ai opté pour l'infanterie. J'ai d'ailleurs dû suivre une formation d'environ un an dans l'infanterie avant de commencer les cours de pilotage proprement dit.

La formation au pilotage a commencé par un cours d'anglais intensif qu'il ne faut pas sous-estimer. Pour avoir passé deux ans aux Etats-Unis, je peux vous affirmer qu'il n'est pas simple du tout. On suit ensuite des cours au sol (météorologie, navigation aérienne, mécanique, aérodynamique, morse, etc.) tout en effectuant les premiers vols.

La pratique du pilotage débute par environ un an de vol sur Marchetti SF 260 (un avion d'entraînement à propulsion hélice). On part de rien pour arriver à voler en solo.

C'est une période fort stressante puisqu'il faut que l'on soit toujours meilleurs à chaque vol. Chacun de ces vols est d'ailleurs coté. Si l'on rate plusieurs vols d'affilée, on passe devant une commission qui décide ou non d'octroyer une chance supplémentaire.

A la première "commission", on a généralement droit au repêchage mais à la seconde on est généralement prié de faire ses valises. On passe donc des heures et des heures dans le cockpit de l'avion à répéter chaque "Checklist" pour être sûr d'être bien à jour.  

Par la suite, on apprend à piloter les hélicoptères : tout d'abord l'Alouette II, ensuite les Agusta A109 durant une grosse année également. Au pilotage de base succèdent les vols plus spécifiques tels que la navigation aérienne en Belgique ou à l'étranger, la navigation aux instruments, le vol en haute montagne, pouvoir se poser dans des espaces très réduits, le transport de charges, le vol tactique (voler sans être vu, le plus vite et le plus bas possible), etc.

J'ai été le premier pilote breveté sur Agusta A109. Après une période d'un an au sein du 17 Bataillon d'hélicoptères anti-chars, j'ai ensuite suivi des cours pour devenir commandant de bord. 

Quelles sont les difficultés de la formation ?

C'est particulièrement stressant. Si des gens ratent ou arrêtent en cours de formation, c'est très souvent dû au facteur stress.

Il est évident qu'il ne faut pas être « tête en l'air » ! Il faut savoir se concentrer. En plus de toutes les embûches que je viens de mentionner, on ne s'imagine pas toujours tous les obstacles qui traînent au-dessus du sol comme par exemple les lignes en haute tension.

Quand on regarde du sol vers le ciel on les voit bien mais du ciel vers le sol on ne les voit pas du tout. Un vol reste exigeant psychologiquement, même après plusieurs années de pratique.  

Quels sont les éléments positifs de votre profession ?

Je relève surtout le plaisir du pilotage. Ensuite, la vie à l'armée. En effet, les gens ont souvent une image tronquée de ce qu'est la vie militaire. Nous formons un groupe très solidaire, pratiquement une famille. Les relations entre les différents niveaux de la hiérarchie n'ont vraiment rien à voir avec la vision autoritaire qu'on a habituellement de l'armée quand on n'en fait pas partie. Nous sommes vraiment entre professionnels qui se respectent.

J'apprécie aussi la diversité des missions que l'on effectue. On part assez régulièrement.

Enfin, contrairement aux pilotes de la Force Aérienne, les pilotes de la Force Terrestre peuvent encore voler après 45 ans.  

 Et les points négatifs ?

On ne vole jamais autant qu'on le souhaiterait. Surtout quand, comme moi, vous êtes officier. Je passe tellement de temps à préparer les missions et exercices que je dois fréquemment renoncer à voler.

En outre, ce métier n'est pas fait pour ceux qui aiment avoir un horaire régulier et qui rechignent à partir en mission à l'étranger. 

 Est-ce un métier dangereux ?

Les accidents sont rarissimes car on donne une priorité absolue à la sécurité. Je suis toutefois assez mal placé pour en parler car mon beau-frère a été victime d'un accident lors de sa phase d'écolage. Il était avec son instructeur. Tous deux ont péri. L'enquête n'a pas pu déterminer précisément l'origine de l'accident. C'était le premier accident fatal à l'aviation de la Force Terrestre depuis plus de vingt-cinq ans et des dizaines de milliers d'heures de vol effectuées partout dans le monde et par des centaines de pilotes.

Malgré ce drame, je n'ai pas hésité à continuer ma formation car c'était ce que je voulais faire. Les accidents de voiture n'empêchent pas non plus les automobilistes de rouler. 

Quelles missions avez-vous déjà effectuées ?

J'ai participé à une mission de surveillance de deux semaines en Bosnie lors des élections en 98. Je n'ai malheureusement pas pu participer à la mission en Somalie car j'étais en écolage. J'envie un peu ceux qui y sont allés. 

Au quotidien, nous effectuons surtout des missions de reconnaissance ou de transport. Par exemple, aller chercher le chef d'Etat-Major de l'Armée pour le piloter dans différents endroits de la Belgique.

Gagne-t-on bien sa vie ?

Le salaire varie en fonction du grade et de l'ancienneté. Bien évidemment, lors des opérations réelles à l'étranger, les primes sont nettement supérieures. 

Quels conseils pourriez-vous donner à une personne qui souhaite se lancer dans ce domaine ?

Tout d'abord, elle doit être certaine que c'est la profession qu'elle veut exercer car, bien que ce soit un boulot passionnant, il n'est pas forcément aisé et la formation est très ardue et très stressante. Je lui conseillerais aussi de s'essayer au vol avant d'entamer la formation. Sur des planeurs, par exemple, voire même sur des avions télécommandés. A la limite, je dirais même que les jeux électroniques peuvent être utiles car ils demandent une bonne coordination des mouvements. Or, dans un hélico, il faut toujours faire plusieurs choses en même temps.

De plus, il est utile de se renseigner auprès des bureaux d'information de l'armée (centre d'information de la défense) ou lors des meetings et journées portes-ouvertes.

Est-ce un secteur porteur d'emploi ?

Oui, très certainement ! Les jeunes pensent le plus souvent à devenir pilote à la Force Aérienne. Ils ne connaissent généralement pas la filière pour devenir pilote d'hélicoptère à la Force Terrestre. Malheureusement, trop peu tentent leur chance et trop peu réussissent.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.