Pierre Leclercq, Designer automobile
Interview réalisée en décembre 2022 |
Comment est née votre passion pour le design automobile ?
Dans ma jeunesse, chez moi à Bastogne, je dessinais des voitures, comme beaucoup d’enfants. Mon oncle et mon cousin, tous deux dessinateurs BD, ont fait de leur passion leur métier et donc je savais que le dessin pouvait être plus qu’un hobby.
Quelle formation avez-vous suivie ?
J’ai fait un master en Design industriel à l’Institut Saint-Luc à Liège que j’ai complété par un cursus à l’« Art Center College of Design » en Californie qui possède une branche spécialisée dans le design automobile.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai travaillé 13 ans pour BMW, d’abord en Californie puis à Munich. En 2013, j’ai rejoint le constructeur chinois Great Wall Motors en tant que patron du design. J’étais le premier occidental parmi les 60.000 employés du groupe. J’y suis resté quatre années durant lesquelles j’ai conçu une quarantaine de modèles. Puis je suis devenu directeur du design chez Kia avant d’exercer cette même fonction chez Citroën, poste que j’occupe actuellement. Cela me ravit d’autant plus que mon grand-père et mes parents ont roulé en Citroën. Ce sont des voitures qui ont bercé mon enfance.
Pouvez-vous nous citer des exemples de modèles que vous avez conçus ?
Chez BMW la deuxième génération de X5 (E70) et la première X6 (E71), notamment.
Quelle est votre perception du métier de designer automobile ?
Il doit apporter quelque chose de nouveau. Il ne s’agit pas simplement de concevoir de belles voitures ou changer complètement le style des véhicules d’une marque, mais au contraire le décliner d’une autre façon, tout en respectant la ligne directrice de cette marque et les contraintes techniques et financières. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un business, le but est que le véhicule soit produit en série et se vende. Si ce n’est pas le cas, c’est un échec pour tout le monde : les designers et la marque automobile elle-même !
En quoi consiste votre fonction de responsable design chez Citroën ?
Je chapeaute l’ensemble des équipes du design, composées de plusieurs personnes (une dizaine en général). Chacune d’entre elles a sa spécificité : l’extérieur, l’intérieur, les détails (feux-phares), couleurs/matières, la modélisation/maquettisation.
Quels sont les outils informatiques utilisés par les designers automobiles ?
Photoshop est très utile pour créer des plans d’architecture 2D. Les logiciels de modélisation 3D et 4D tels qu’Alias et Rhino ou le logiciel de visualisation 3D VRED sont aussi des outils quotidiens des concepteurs automobiles.
Le métier a-t-il évolué au fil des ans ?
Oui. La base du métier reste la même mais la digitalisation a pris une importance considérable. Elle facilite grandement le quotidien des conducteurs et des passagers mais elle a aussi amené les constructeurs à transformer l’architecture des véhicules.
De nouveaux logiciels sont apparus. La réglementation automobile aussi a évolué et nous devons en tenir compte.
A quels éléments êtes-vous attentifs lorsque vous engagez un nouveau designer automobile ?
Le portfolio est extrêmement important. Ceux présentés par les candidats sont d’ailleurs de plus en plus professionnels. La concurrence est rude dans le secteur !
Concernant son profil, il se doit de résister à la pression qui est inhérente à la fonction. Le candidat doit avoir un véritable esprit de compétition ! En effet, au sein d’une même équipe, les designers s'affrontent en présentant leurs différents projets de conception. Les meilleurs designs sont sélectionnés, jusqu'à ce que le design gagnant finisse par être produit en série. Il y a donc toujours un gagnant et des perdants, et pour ces derniers ce n’est pas toujours facile à encaisser. Mais nous devons faire des choix. La possibilité qu’aucun des projets que vous présentiez au cours de votre carrière ne soit retenu existe réellement et il faut pouvoir l’accepter.
Il n’existe pas d’école de design automobile en Belgique. Que conseilleriez-vous donc à un jeune qui serait intéressé par ce métier ?
D’aller dans une école à l’étranger qui organise ce cursus ! On en retrouve en Allemagne et en France, notamment. Je constate que les jeunes belges sont souvent prêts à s’expatrier et je crois que pour espérer travailler dans ce secteur, cela est vraiment nécessaire.
Débuter par des études en design industriel, comme je l’ai fait, est un bon début, notamment pour ce qui concerne l’intérieur du véhicule, mais par la suite il faut vraiment se former spécifiquement à ce métier.
Pour ce qui concerne le digital, je conseillerais de se former dans l’animation 3D et 4D, dans le jeu vidéo ou le graphisme.
Enfin, la connaissance des langues, surtout l’anglais et l’allemand, me parait également quasi indispensable.