Mr Steve Darcis,
Sportif professionnel

Interview réalisée en décembre 2008

Pouvez-vous nous raconter vos premiers pas dans le tennis ? 

Mon père était lui-même un professeur de tennis. Ma mère était quant à elle professeure d’éducation physique. J’ai donc toujours été baigné dans le monde du sport en général et du tennis en particulier. C’est mon papa qui m’a donné mes premières leçons. Passionné aussi de football, que je pratiquais au Standard de Liège, j’ai dû faire un choix. Et j’ai choisi le tennis. Je me débrouillais plutôt bien, ce qui fait j’ai pu intégrer le centre de l’Association Francophone de Tennis (A.F.T.) "La Sapinette à Mons en "tennis-études". J’avais alors 11 ans. J’y ai côtoyé, entre autres, Justine Henin et Olivier Rochus, deux autres purs produits du centre. J’ai disputé de très nombreux tournois, que ce soit en Belgique ou à l’étranger. A 12 ans, j’étais classé B+4/6. A 15 ans, j’étais B-15 et à 16 ans B-15.1. Cette année-là, j’ai gagné trois tournois pour jeunes relativement important au niveau national. L’année qui suit, soit en 2001, je suis monté B-15.4, la catégorie juste en dessous de la série A. A partir de ce moment-là, j’ai participé à de nombreux tournois internationaux dont certains du Grand Chelem chez les juniors. Mon meilleur résultat fut une demi-finale à Wimbledon. J’ai terminé ma carrière chez les juniors en tant que n°7 mondial. En 2002, je suis passé professionnel. 

Jeune, espériez-vous devenir professionnel ? 

C’est un rêve que caresse tout jeune passionné de sport. J’ai d’abord perçu le tennis comme un simple amusement. Mais au fil des ans, voyant que j’étais plutôt doué, j’ai pris cela beaucoup plus sérieusement ce qui m’a incité à suivre le "tennis-études". Au début cela n’a pas été simple car j’étais en internat et je ne connaissais personne et rien du tout dans cette grande ville qu’est Mons mais après je me suis habitué et me suis senti dans mon élément là-bas.

A 18 ans, vous vous êtes lancé dans les tournois "Futures" et "Challengers" pour remporter vos premiers points ATP. Pouvez-vous nous raconter comment vous avez vécu cela ? 

Comme beaucoup d’autres jeunes joueurs, j’ai galéré un peu. Mais moins que d’autres. C’est sûr que ce n’est pas évident de se retrouver seul dans un pays qu’on ne connaît pas. Il faut batailler pour percer, gagner les précieux points qui vous permettent de monter dans la hiérarchie mondiale et ainsi participer aux tournois de l’ATP Tour. Le risque est de s’enliser dans ce genre de tournois. Certains joueurs y prestent d’ailleurs durant toute leur carrière. Tous ont un excellent niveau. Ils sont peut-être un peu moins réguliers. Si l’on perd souvent, il est très difficile de s’en sortir. Lassés des défaites, certains arrêtent leur carrière avant même qu’elle n’ait véritablement commencé. Il faut s’accrocher. Germain Gigounon, qui a gagné l’Astrid Bowl en 2007 et qui est un de mes partenaires d’entraînement quand je reviens à Mons, a disputé des tournois Challengers. Christophe Rochus et moi, qui sommes passés par-là, l’encouragions sans cesse à ne pas baisser les bras. Je me souviendrai toute ma vie d’un tournoi de la catégorie "Futures" que j’ai remporté dans le fin fond de la République Tchèque. J’aurais dû être super content mais j’ai ressenti un grand vide après la finale. J’étais seul dans une ville pas très agréable ni très accueillante en train d’attendre le bus pour rejoindre l’aéroport avec mon sac et mon trophée sous le bras… Cette situation était cocasse. 

De quoi vit un jeune tennisman qui n’a pas encore percé au plus haut niveau ? 

Pour ma part, j’ai pu compter sur l’aide financière de mes parents durant mes premières années. Après, j’ai bénéficié des soutiens de l’A.F.T. et de la Communauté française en étant repris comme sportif de haut niveau. Ceux-ci ont été prépondérants. Les sponsors peuvent aussi être une bonne source de revenus.. à condition d’en trouver ! Le constat est simple : si l’on gagne peu de matchs, on gagne forcément peu d’argent. Un soutien financier, quelle qu’en soit la source, est primordial pour se lancer. Les frais sont tellement nombreux : hôtel pour soi-même et éventuellement pour son coach, inscription dans le tournoi, équipement, frais divers sur place. 

Vous avez été très souvent blessé. Comment un sportif de haut niveau vit-il le fait d’être sur la touche ? 

Jusqu’à 2007, je n’avais jamais eu d’année complète sans blessure. Je suis resté de longues semaines, voire de longs mois en béquilles. Ce n’est pas toujours évident à vivre. Lorsque j’ai été sérieusement touché au genou, je ne pouvais plus m’entraîner au tennis. Mais j’ai alors essayé de rester actif. J’ai travaillé le haut du corps et cela de différentes façons : j’ai fais de la musculation mais aussi des activités ludiques comme de la voile et du kayak. J’ai aussi été aidé par un préparateur mental qui m’a beaucoup fait travailler psychologiquement. C’est l’A.F.T. qui m’a conseillé d’aller le voir. Encore aujourd’hui, je le consulte très régulièrement. Pour un sportif de haut niveau, l’aspect mental a une importance considérable. Personnellement, cela m’a beaucoup apporté. Maintenant, pour éviter tout nouveau problème physique, je fais un gros travail de prévention. Ainsi, dès que possible, je me rends chez mon ostéopathe pour prévenir toute nouvelle rechute. 

Vous avez percé relativement tard par rapport à d’autres champions précoces. Avez-vous été tenté de tout laisser tomber ? 

J’avoue que cela m’a effleuré l’esprit à l’un ou l’autre moment. Non pas que je doutais de mes capacités mais j’en avais vraiment marre d’être si souvent éloigné des courts. Quand cela allait-il enfin s’arrêter ? Heureusement, dans ces moments, j’ai pu compter sur le soutien indéfectible d’un tas de personnes, dont ma famille proche et mes entraîneurs, mais aussi, comme je l’ai signalé, de l’A.F.T. qui ont toujours cru en moi. Et puis, ce qui me rassurait, c’était que je gagnais des matchs dès que je pouvais à nouveau jouer. J’avais donc le niveau. Il suffisait de prendre mon mal en patience. A partir du moment où mes pépins physiques se sont envolés grâce en grosse partie à la prévention, j’étais véritablement lancé. 

Depuis votre entrée dans les 50 meilleurs joueurs mondiaux, avez-vous l’impression que votre statut a changé ? 

Les autres joueurs savent maintenant qui je suis, même si je ne leur inspire pas la même crainte qu’un Federer ou qu’un Nadal. Ce qui est bien c’est que, figurant parmi les 50 meilleurs mondiaux, j’ai plus souvent l’opportunité d’intégrer les tableaux des gros tournois, de jouer de gros matchs et donc de prendre plus de points pour mon classement. 

Et ça vous fait quoi d’être le premier joueur belge à l’ATP ? 

Pas grand chose. Cela n’a jamais été un objectif en soi. C’est simplement un "plus". Je préférerais de loin être 3e joueur belge mais figurer parmi le top 20 mondial. 

Qu’aimez-vous dans votre vie sur le circuit et qu’appréciez-vous le moins ? 

D’abord, je mesure la chance que j’ai de pratiquer mon sport. Le tennis reste ma passion. Et puis je peux aussi voyager à travers le globe. J’aime beaucoup découvrir des nouvelles villes et des nouveaux pays et cela même si, je l’avoue, je ne suis pas un fana de l’avion. Par contre, il est râlant de rater différents événements, comme des fêtes de famille, par exemple. Il est aussi difficile de planifier ses vacances. Parfois, il m’arrive aussi de ne pas avoir envie d’aller m’entraîner mais heureusement cela se produit très rarement. Et puis il y a les blessures… 

Que faites-vous en tournoi avant et après un match ? 

Lorsque le match est programmé dans l’après-midi ou en soirée, je me lève vers 9h. Après le petit déjeuner, je vais m’entraîner. Trois heures avant le match, je mange léger. Après la rencontre, je fais des exercices physiques, des étirements, je vais aux soins, je me relaxe en jouant au billard, je regarde la télé… Je ne me couche pas trop tard, généralement vers 22h. 

A ce jour, quel est votre meilleur souvenir ? 

Ma première victoire en tournoi à Amersfoort a été très importante car elle a véritablement constitué un déclic. Le fait d’avoir confirmé à Memphis a aussi été très important. Enfin, ma première sélection en Coupe Davis fut un autre grand moment. 

Qu’auriez-vous aimé faire si vous n’aviez pas été joueur de tennis ? 

Kinésithérapeute. Et plus tard, j’aimerais rester dans le milieu du tennis. Etre entraîneur à l’A.F.T. pourrait m’intéresser.  

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui rêve de devenir professionnel ? 

D’abord, terminer ses études secondaires. Car on ne sait jamais ce qui peut arriver par la suite. Ensuite, ne jamais baisser les bras. Toujours croire en sa bonne étoile.  A condition bien sûr d’être soi-même persuadé que l’on a le niveau. Parfois des joueurs mettent plus de temps que d’autres pour atteindre le haut niveau. J’en suis le parfait exemple.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.