Dr Thierry Pepersack,
Médecin gériatre

Interview réalisée en février 2007

Quelles sont les spécificités de la gériatrie ?

Il s’agit d’une médecine interne adaptée à la fragilité du patient dit "gériatrique". Voici quelques caractéristiques définissant le patient "gériatrique" : homéostasie diminuée, présentation atypique des maladies, pathologies multiples, enchevêtrement de facteurs somatiques, psychologiques et sociaux et enfin, pharmacocinétique différente des sujets jeunes.

Quelle est la politique sociale des soins des personnes âgées aujourd'hui en Belgique ?

Depuis 2005 un Arrêté Royal (AR) définit la spécialité de gériatrie comme une spécialité à part entière (nécessitant une formation de 6 années complémentaires au diplôme de médecin). Depuis le 29 janvier, un AR définit le programme de soin gériatrique (je vous recommande la lecture sur le site du moniteur).

De quelle façon a évolué la gériatrie ces dernières années ?

Favorablement, la publication du programme de soin gériatrique est une reconnaissance professionnelle. Même s’il est insuffisant, le financement de la gériatrie (qui finance l’approche intellectuelle plus que des actes techniques) est une première. La gériatrie permet une approche holistique suivant un modèle psycho-social qui complète l’approche médicale. La société belge de gérontologie et de gériatrie apporte un vent nouveau même si beaucoup reste encore à faire dans le domaine de 'l’evidence based medicine" (médecine fondée sur les faits).

Quelles sont les pathologies les plus fréquentes chez les personnes âgées ?

De manière générale il existe plusieurs pathologies concomitantes dont de nombreuses maladies chroniques. De nombreuses maladies ont en commun l'âge avancé comme facteur de risque : artériosclérose (se manifestant par des pathologies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux), les démences, l'arthrose, les cancers, l'ostéoporose, les infections, etc.

Comment sont organisées vos journées de travail ?

Tour de salle le matin, séminaires aux étudiants, encadrement de travaux de recherche, cours l’après-midi, consultations deux après-midi par semaine, gestion de l’hôpital gériatrique de jour et de la gériatrie de liaison, surveillance des cas gériatriques en orthopédie.

En tant que chef de clinique, quelles sont vos priorités professionnelles ?

• La gestion des ressources humaines au sein d’une équipe multidisciplinaire (infirmier, ergothérapeute, kiné, logopède, diététicien, travailleur social, psychologue, étudiants stagiaires dans toutes ces spécialités et élèves médecins) ;
• La prévention du burn out ;
• L’encadrement du tour de salle, réunion pluridisciplinaire, rendez-vous avec les familles en présence des élèves médecins pour les cas difficiles (annonce de diagnostics à charge émotionnelle élevée, fin de vie).

Selon vous, quelles sont les qualités nécessaires pour bien exercer votre profession ?

Communication, écoute, humanité.

N'est-il pas trop dur émotionnellement de travailler avec des personnes en fin de vie ?

Si la fin de vie ne doit jamais être banalisée, il est clair qu’elle survient bien souvent au terme d’une longue maladie (démence, cancer) et est souvent considérée comme une délivrance et rentre "dans l’ordre des choses".

La mortalité dans les services de gériatrie est de l’ordre de 12 à 15%. La mort ne doit pas être considérée comme un échec médical. L’accompagnement des patients et des familles dans cette épreuve fait partie du professionnalisme des équipes de gériatrie et la valeur de ce métier.

Si vous deviez recommencer votre vie professionnelle, feriez-vous les mêmes choix ?

Oui, sur le plan médical, l’activité gériatrique apporte une diversité de diagnostics impressionnante qui n’a rien à envier à la médecine interne.

La fragilité du patient gériatrique permet de ne pas se plier à l’académisme qui conduit parfois à de l’obstination diagnostique ou thérapeutique. De plus l’interdisciplinarité apporte sa richesse dans les relations humaines et professionnelles.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.