Ulric Roosens,
Opérateur de travaux subaquatiques et formateur à l’IFAPME
Interview réalisée en février 2021 |
Pouvez-vous retracer brièvement votre parcours ?
C’est un peu par hasard que j’ai suivi la formation d’opérateur de travaux subaquatiques à l’IFAPME. Je travaillais dans l’informatique et j’étais également instructeur de plongée. Je souhaitais ajouter une corde à mon arc, mais pas dans le but d’en faire un métier. Une fois ma formation d’opérateur terminée, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de possibilités d’emploi dans ce secteur. Je me suis donc lancé comme indépendant. En parallèle, je suis également devenu formateur à l’IFAPME.
En quoi consiste votre travail ?
Nous réalisons sous l’eau, tous les travaux qui sont habituellement exécutés sur terre. Par exemple, nous sommes capables de faire de la mécanique relativement fine tout en étant dans le noir et en portant des gants. Pour cela, on travaille avec le toucher et on étudie les plans par cœur. Il est indispensable de toujours savoir où l’on va. D’ailleurs, c’est pour cette raison que la formation comporte 5 semaines de stage intensif. Les stagiaires apprennent à travailler dans le noir absolu, sans aucune source de lumière. Lorsqu’ils passent leurs examens, ils portent un casque totalement obstrué. Ils se retrouvent dans le noir complet. C’est un métier d’expérience et de terrain. On devient scaphandrier avec les années.
Quels sont les aspects positifs et négatifs de votre profession ?
Le côté positif est qu’on ne réalise jamais deux fois la même tâche et que l’on touche à tout. Nous faisons de la mécanique, du bétonnage, de la pression, de la vidéo, des décors de cinéma, etc. C’est très varié.
Le côté plus négatif est que l’eau dans laquelle nous évoluons n’est pas toujours très claire… Heureusement, grâce à nos équipements, nous en sommes totalement isolés. C’est aussi un métier très physique et qui peut être dangereux. Nous sommes donc très à cheval sur la sécurité. Lors de la formation, beaucoup de cours concernent ce sujet.
Pourquoi avoir choisi ce métier ?
C’est vraiment la polyvalence du métier qui m’a intéressée. Je suis quelqu’un de très touche-à-tout.
Quelles sont les qualités requises pour exercer ce métier ?
C’est un métier qui apporte énormément de choses. Avant tout, il ne faut pas avoir peur de se retrousser les manches!
Quelles sont vos conditions de travail ?
En Belgique, il y a très peu de salariés dans ce domaine. La plupart des opérateurs de travaux subaquatiques travaillent comme indépendants.
C’est un métier très difficile. On sait quand on commence mais on ne sait pas quand on finit. On s’imagine souvent le scaphandrier dans des eaux turquoises, entouré de beaux poissons. Ce n’est pas vraiment comme ça que ça se passe ! On travaille généralement dans des eaux froides et noires.
La plupart du temps, on plonge sans palier, pendant un maximum de 3h. C’est une question de pénibilité du travail. Il nous arrive parfois de dépasser cette durée si on n’a pas le choix, mais généralement, on ne va pas au-delà. Les interventions se réalisent avec une équipe de minimum 3 personnes. L’une est responsable des paramètres du plongeur (approvisionnement en gaz respiratoire, communication, profondeur, etc.). L’autre, appelée « tenderman», s’occupe de la gestion technique, équipe le plongeur et l’aide depuis la surface. Et enfin, le plongeur qui effectue les travaux sous l’eau.
Sur quels types de chantiers travaillez-vous ?
Les chantiers vont du génie civil, à la mécanique en passant par le cinéma. Je travaille sur des grosses productions, des films, des publicités. J’exerce aussi en station d’épuration et sur des ouvrages d’art (ponts, écluses, etc.). Je plonge également dans le milieu industriel, dans les bassins d’entreprises qui utilisent beaucoup d’eau. Cela leur permet d’éviter de vider entièrement leurs bassins et donc de devoir stopper l’activité pendant plusieurs jours lorsqu’il y a un problème technique.
Y a-t-il un âge maximal pour exercer ce métier ?
En parallèle de mon travail, j’ai suivi en cours du soir des études d’Ingénieur. Grâce à cela, je sais qu’un jour, si je le souhaite, je pourrais, par exemple, me réorienter dans un bureau d’études car j’ai de l’expérience de terrain et de gestion de projet. En tant que formateur, je conseille toujours à mes stagiaires d’avoir plusieurs cordes à leur arc. Notre métier est très physique. Certaines personnes sont encore en pleine forme à 45 ans. Pour d’autres, c’est l’âge où commencent les petits soucis de santé. On ne peut jamais savoir… D’où l’importance d’avoir un plan B.
Quels conseils donneriez à un jeune qui a envie de se lancer dans ce métier ?
En tant que formateur à l’IFAPME, je dis toujours aux jeunes que c’est un travail génial, mais qu’il faut mouiller sa chemise. Quand on commence une activité en tant qu’indépendant, il faut pouvoir en vivre surtout lorsqu’on débute et qu’on n’est pas encore très connu dans le métier. Il faut donc développer ses compétences au maximum : se débrouiller en dessin technique, posséder des connaissances dans le bâtiment, en mécanique, en soudure, etc.
Avez-vous une anecdote à partager ?
J’ai fait de très chouettes interventions sur des tournages de grosses productions américaines qui se déroulaient en Belgique. Je n’avais jamais imaginé faire ça un jour. C’est très surprenant de se dire en regardant un film « J’étais là, j’ai vu ce décor ! ».
J’ai aussi traversé Bruxelles de part en part, de façon souterraine. Grâce à ce métier, on découvre plein de choses complètement insolites.