Mr Charlie Dupont, Acteur

Interview réalisée en juin 2010

Acteur de cinéma, de télé, de théâtre, réalisateur et producteur.

Quel est votre parcours scolaire ?

Mon parcours scolaire est, comme mon parcours de vie, formé de paradoxes. J’ai commencé en Latin à l’Athénée Royal Jules Bara à Tournai pour ensuite «switcher» vers math-sciences fortes en secondaire supérieur. Et comme j’étais «très matheux», je suis parti faire un master en droit après mes études secondaires. Et quand j’ai eu terminé le droit, j’ai tout naturellement fait du théâtre.

Racontez-nous en quelques mots votre parcours professionnel…

J‘avais déjà eu le coup de foudre théâtral pendant mes études de droit pendant lesquelles j’ai joué deux pièces, une en bachelier et une en master. Après le droit, j’ai fait une école de théâtre qui s’appelle la Kleine Academie (Pays-bas) pour vraiment me former au théâtre. Je travaillais en même temps sur «Faux Contact» et à la ligue d’impro.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le métier de comédien ? Pourquoi avoir choisi cette voie ?

Il se fait qu’un de mes ennemis principaux, c’est l’ennui! Je voyais la possibilité de s’ennuyer dans une seule profession, que ce soit dans le domaine juridique ou autre. Ça ne veut pas dire que ces professions sont ennuyeuses mais moi, elles pouvaient m’apparaitre monotones et j’avais envie de fuir ça. Et puis, je me suis tout simplement découvert un plaisir et je crois que le meilleur moteur, c’est le plaisir. Je me souviens d’un prof de droit qui avait dit: « Vous verrez, si vous trouvez que le droit c’est ardu ou chiant, intéressez-vous y et vous allez finir par aimer ». Ça m’avait choqué à l’époque même si c’est partiellement vrai. Moi je continue à penser que tant qu’à faire, il vaut mieux faire quelque chose qu’on aime déjà que de se forcer à faire quelque chose qu’on n’aime pas déjà. Je crois qu’en allant vers son instinct, on se trompe moins qu’en essayant de rentrer dans un moule.

Quelles sont les difficultés rencontrées lorsque l’on est comédien ?

C’est la grosse jungle ! C’est chacun pour soi, « à qui écrasera mieux l’autre ». Comme il s’agit d’un métier où les égos sont quand même plus visibles qu’ailleurs, c’est encore plus vrai ! Mais au final, ceux que j’ai vu réussir sont ceux qui ont plutôt choisi la voie de la paix. Je pense qu’à chercher à écraser son voisin pour exister, on n’arrive nulle part même s’il faut reconnaître que c’est la technique employée par la plupart.

Comment fait-on alors pour ne pas entrer dans ce jeu là ?

Il faut affiner son instinct, se demander: « Finalement, qu’est-ce que j’ai vraiment envie de faire ? », « Quelle est ma place ? », « En quoi suis-je différent des autres ? », « Qu’est-ce que j’ai à amener de personnel ? ». Ce n’est pas nécessaire d’écraser les autres, personne n’est moi, personne ne joue comme moi, chacun a sa personnalité et donc il faut jouer sur ses points forts, sur ce qu’on a de différent des autres. Ce que je mets en avant, c’est ce qu’il y a au fond de moi et le but n’est pas de faire comme les autres. Il faut préserver cette individualité.

Vous êtes également réalisateur et producteur. Pouvez-vous nous parler de ces différentes fonctions ?

L’expérience que j’ai en réalisation est très modeste puisque je n’ai réalisé qu’un court métrage jusqu’à maintenant. Comme la Belgique est un petit pays, on se connait tous. On a les capacités de faire tout à petite échelle ! Donc, on fait beaucoup de choses seul car il n’y a pas beaucoup de gens pour vous aider à les faire et c’est quelque chose de positif finalement car ça permet de toucher à tout sans faire trop de dégâts si ça ne marche pas ! C’est pour ça que c’est merveilleux d’être en Belgique car on habite en quelque sorte à l’intérieur du « laboratoire » et donc, quand on montre le produit fini en France, par exemple, et bien ils nous envient ! Quand j’ai fait le court métrage, je l’ai réalisé avec les moyens du bord, j’ai appelé des potes et puis on a essayé. Si ça ne fonctionne pas, ce n’est pas trop grave.

En tant que producteur, je produis des balades sonores qui s’appellent D*Tours. Ce sont des bandes sons, des parcours sonores synchronisés. Lorsque les gens marchent à la découverte d’une ville avec notre bande son sur les oreilles, on les dirige dans un labyrinthe. Jusqu’à présent, on a fait Bruxelles, Amenabad en Inde, Barcelone, New York et Londres. C’est de nouveau par la force des choses que je deviens producteur de ce projet car c’est un produit qui n’existait pas. C’est un ami à moi, Valéry Lippens, qui a amené l’idée de New York, que j’ai adorée ! On crée une bande son pour un film que les gens se font eux-mêmes en marchant dans la rue. J’aime cette idée de découvrir une ville de cette façon et donc, j’avais envie de développer le projet. Encore une fois, il n’y avait personne susceptible de nous aider donc, j’ai dû trouver moi-même un client, une ville, qui avait envie de mettre de l’argent dans ce projet pour son tourisme. Faute de producteur, je suis donc devenu producteur moi-même !

Par rapport à ces expériences, j’aurais un conseil un peu « punk » à donner à ceux qui veulent se lancer c’est: « DO IT » ! Il ne faut pas attendre qu’on vienne nous aider, il faut le faire, se lancer !

Vous avez joué au théâtre, à la télé, pour le cinéma… Quelles sont les principales différences que vous avez ressenties entre ces trois domaines ?

Artistiquement, il y a des différences fondamentales. Au cinéma ou à la télé, il y a parfois ce vertige de ne pas savoir si on est juste ou pas, si ça va plaire ou non au public qui va vous voir six mois plus tard ! Au théâtre par contre, on sent immédiatement si ça plait ou pas. Les enjeux, notamment financiers, sont différents aussi. Au théâtre, on a généralement une moins grosse visibilité, une moins grosse pression. Si c’est le flop devant une salle d’une centaine de personnes, c’est pas grave, on sait s’en relever après. Au cinéma ou en télé, ce n’est pas le cas. Il faut savoir qu’une carrière peut naitre sur un super rôle dans un film qui a été beaucoup vu alors qu’on a pu être mauvais dans tous les autres rôles qu’on a joués !

Comment se déroule un tournage ? Les différentes étapes avant, pendant et après…

La procédure classique c’est de passer un casting pour le rôle et d’être choisi. Mais le mieux c’est d’arriver à être choisi sans casting parce que le réalisateur ou la réalisatrice vous veut. C’est pour ça qu’il faut jouer un maximum, d’abord parce qu’il faut garder le « muscle du jeu »  en forme mais aussi pour être vu, tout simplement. En fait, il s’agit toujours de cette question étrange et pénétrante : il faut être désiré par le réalisateur pour incarner le rôle. Bien malin celui qui arrivera à trouver une recette ou des critères généraux à cette improbable alchimie. Il y a des acteurs qui sont passés directement d’une pub à un premier rôle au cinéma. Des mannequins actrices, des femmes de présidents qui jouent dans des Woody Allen...Allez savoir ! Pendant le tournage, il faut oublier tout ce qu’on a appris, prendre du plaisir, jouer au sens enfantin du terme, écouter, partager, etc. et offrir au réalisateur quelque chose qui le satisfasse. Après, on attend que ça recommence, sans rien attendre de personne, tout en attendant quand même un peu.

Qu’est-ce que vous aimez le plus dans votre métier ? Le moins ?

Comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, on ne s’ennuie pas ! En tournant ou en jouant, si on est vraiment bien dans ce qu’on fait, il n’y a pas moyen de s’ennuyer. J’adore cette phrase de Picasso qui dit: « Je travaille avec le sérieux d’un enfant qui joue ». Moi il se fait que jouer, c’est vraiment mon truc, il y a une dimension magique, un retour en enfance qui me plait !

Par contre, j’aime moins les préparations, le temps que peuvent mettre les projets qui nous tiennent à cœur avant de sortir. Il y a une très belle phrase de Jean Gabin qui a dit: « Si tu veux faire du cinéma, achète une chaise ». Ca résume très bien la patience dont il faut faire preuve parfois.

Quelles sont les qualités nécessaires pour devenir acteur ?

Comme je viens de le dire, la patience. Luc De Smet, un prof de la Kleine Academie, disait qu’ « un comédien, c’est un improbable mélange entre une nonne et un boxeur. C’est à la fois énormément de sensibilité et un moteur de bulldozer pour exprimer cette sensibilité avec force ». Ce paradoxe est assez vrai : il faut être fort et fragile à la fois !

Est-ce difficile de vivre de ce métier ?

Oui ! C’est psychologiquement difficile puisqu’on dépend du regard des autres. Dans un film, il faut qu’un réalisateur ait envie de tourner avec vous et parfois, il y a un sentiment d’injustice quand on n’est pas choisi ! Ca tient à pas grand-chose parfois, c’est comme tomber amoureux ! Financièrement, c’est difficile aussi bien-sûr. Il faut être prêt à manger des pâtes ! Mais tout ça, c’est rien si c’est vraiment ce que l’on veut faire et qu’on y croit !

Quels sont les conseils que vous pourriez donner à une personne qui souhaite se lancer dans le métier?

Si tu n’es pas certain que c’est ça que tu veux faire, ne le fais pas !

Auriez-vous une anecdote à raconter?

J’ai tourné avec Sharon Stone dans le deuxième volet du film Largo Winch qui était tourné partiellement en Belgique. Ce sont des moments d’improbable magie car on se rend compte finalement que Sharon Stone que l’on s’attend à voir arriver comme une super star est finalement une actrice comme les autres, très simple et humainement super. Comme les autres actrices, elle se trompe dans son texte, recommence, réessaie, cherche, elle plaisante entre les prises, etc. C’est intéressant de voir qu’à n’importe quel stade, ce métier reste de l’artisanat. Et puis, pour elle aussi il y a cette interrogation de savoir quel sera le prochain film. Il y a toujours un doute. D’un côté, c’est rassurant mais c’est paniquant aussi de se dire que ce sera comme ça tout le temps, pendant toute sa carrière.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.