La bataille des pompes funèbres : quel avenir pour les familles en deuil ?

Posté le 22/06/2024  —  Actualité précédente / suivante

La concurrence fait rage dans le secteur des pompes funèbres. Entre les groupes émergents qui cherchent à conquérir le marché et les petits indépendants qui luttent pour survivre, le deuil des familles sera-t-il mieux ou moins bien accompagné demain ?

En Brabant wallon, Quentin Jadot, héritier d’une entreprise de pompes funèbres familiale, ressent la pression des grands groupes qui dominent de plus en plus le marché. "On reste une poignée d’indépendants. Tous les autres ont été repris par des grands groupes", déplore-t-il. Comme beaucoup de petits entrepreneurs, il a refusé plusieurs offres de rachat pour conserver son indépendance.

Le secteur des pompes funèbres connaît une consolidation rapide, avec des géants comme OGF en France et Dela en Belgique. Environ 115.000 décès annuels en Belgique devraient augmenter à 140.000 d’ici 20 à 25 ans, attirant l’attention des investisseurs. Des groupes comme Sereni, fondé en 2016, et Ginkgho, créé en 2019, se développent rapidement, rachetant des entreprises indépendantes pour mutualiser les ressources et offrir un service plus efficace.

Cependant, la croissance de ces groupes soulève des questions sur la qualité du service. Jean Geeurickx, président de la fédération wallonne Funewal, note une diminution des bénéfices pour les petits indépendants, exacerbée par la popularité croissante de la crémation, qui réduit les frais funéraires traditionnels.

Face à ces défis, certains entrepreneurs cherchent à moderniser le secteur. Charles Greindl d’A&G Funeral ambitionne de révolutionner le domaine avec des services innovants comme la dispersion des cendres en forêt ou le transport en "corbicyclette". Le secteur voit également l’émergence de nouveaux métiers et une féminisation croissante, avec des initiatives comme celle de Cléo Duponcheel de Croque-Madame.

Cependant, les pratiques commerciales des grands groupes sont souvent critiquées. Une inspection récente a révélé que trois quarts des entreprises contrôlées n’affichaient pas clairement leurs prix, entraînant des marges parfois jugées excessives. Cédric Van Horenbeke de la coopérative Alveus dénonce des prix de cercueils parfois multipliés par cinq par rapport à leur coût d’achat.

Les petits indépendants, comme Jean-François Michel, doutent que les grands groupes puissent offrir un accompagnement personnalisé pour les familles endeuillées. La concurrence sur les prix est féroce, mais les indépendants revendiquent une qualité de service supérieure, comparant leurs entreprises à des hôtels familiaux face aux chaînes impersonnelles.

Des pratiques discutables existent également, avec des accords informels entre pompes funèbres et institutions médicales, privant parfois les familles de leur choix de prestataire. Tatiana, une Bruxelloise, témoigne avoir dû payer des frais non sollicités après le décès de son père dans un home, soulignant une forme de "kidnapping de corps mort".

Le secteur des pompes funèbres évolue rapidement, entre consolidation, innovation et pratiques commerciales controversées. Pour les familles, l’enjeu est de garantir des funérailles dignes, à un prix juste, dans un contexte de deuil déjà difficile. L’avenir montrera si la concentration des entreprises profitera réellement aux familles ou si les indépendants sauront préserver une approche plus humaine et personnalisée.

Le Vif, 22 juin 2024


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