Mr Alain Berliner,
Producteur de cinéma
Comment les manques de moyens se traduisent-il dans la situation des cinéastes et des producteurs en Belgique ?
Aujourd'hui lorsqu'on parle de film majoritaire belge c'est une illusion, un tour de passe-passe. La Fédération Wallonie-Bruxelles est dans l'incapacité de financer des projets à hauteur de 50%, on appelle donc majoritaire un film dont le réalisateur est belge par exemple. Ces films "majoritaires" sont aidés à 20 ou 30% et on va jusqu'à imputer la participation de Canal + France et de Eurimages à la part belge. L'insuffisance des possibilités de financement se fait sentir à plusieurs niveaux. En tant qu'auteur, nous sommes obligés de renoncer à certains droits. Il y a aussi les difficultés qui commencent à naître avec certains partenaires français qui se retrouvent à investir majoritairement dans un film qui sera étiqueté majoritairement belge.
Aujourd'hui si elle veut survivre, une société de production doit produire au moins un majoritaire et deux minoritaires sur l'année. Sans compter, que sans même parler de survie, il est triste de constater qu'avec la réputation du cinéma belge, aucune maison de production n'est aujourd'hui capable de passer à la vitesse supérieure, de quitter un mode de fabrication artisanal. En augmentant, cela représente une augmentation des retours, tant pour l'auteur, le producteur que la Fédération dans son ensemble. Si l'on prend en compte les recettes directes et indirectes que génère le tournage d'un film en Belgique on peut chiffrer à 80 millions le retour financier d'un investissement de 20 millions.
Comment vivez-vous ce manque de moyens dans la poursuite de votre carrière ?
Je suis très partagé. Mes deux derniers films se sont faits sans argent belge. Avec les Américains, je n'ai même rien demandé ça devait aller très vite, trop vite par rapport à la vitesse à laquelle les projets sont traités en Belgique. Aujourd'hui je suis dans une période d'écriture et de recherche de financement de deux projets, l'un en anglais est un projet de science-fiction où j'aimerai que l'Europe, et surtout la Belgique, soient investies. Le deuxième projet pourrait être 100% français mais là aussi ce n'est pas la solution que je souhaiterai idéalement.