Mr Arnaud Join-Lambert,
Professeur de Théologie et chercheur
Interview réalisée en janvier 2001 |
Professeur de Théologie pratique et de liturgie, fait également partie de l’Institut Religions Spiritualités Cultures Sociétés.
Pouvez-vous nous présenter l’Institut Religions Spiritualités Cultures Sociétés et les groupes de recherche auxquels vous appartenez ?
Cet institut de recherche de l’UCL regroupe la plupart des professeurs ayant la question religieuse comme un des objets de leurs recherches. Il regroupe ainsi les théologiens, mais aussi des philosophes, des pédagogues, des historiens, des sociologues. Soit actuellement 33 professeurs. Unique en son genre en Belgique, cet Institut offre un cadre permettant des approches pluridisciplinaires sur toutes les questions de religions et de spiritualité. Concrètement, il consiste en une sorte de confédération de groupes de recherches plus pointus, qui se mettent ensemble pour des projets plus larges. Je suis ainsi coordinateur d’un groupe de recherche en théologie pratique, spécialisé sur la pastorale en Belgique francophone ainsi que d’un groupe "Cinespi" travaillant les rapports entre le cinéma et la spiritualité. Je participe au Centre Vincent Lebbe qui travaille sur les questions religieuses dans les pays du Sud ainsi qu’au Centre de recherche en théologie exclusivement voué à la réflexion théologique selon les différentes composantes de cette discipline académique.
Ces groupes sont le lieu de rattachement de la dizaine de doctorants que j’accompagne, leur offrant des occasions de se confronter avec d’autres chercheurs proches de leurs centres d’intérêt.
Quels sont vos principaux domaines de recherches ?
Mes recherches actuelles portent sur la synodalité dans les Eglises particulières (c’est-à-dire la manière de décider des orientations), les mutations des paroisses et du ministère des prêtres, la prière des Heures, les liens entre culture, spiritualité et théologie, particulièrement au cinéma.
Comment expliquez-vous votre intérêt pour ces thèmes ?
J’aime travailler sur les réalités les plus concrètes du Christianisme, ce qui affecte la vie des croyants au quotidien. Par exemple, les structures institutionnelles sont ainsi au service des personnes dans leur chemin de foi et de vie. Je vois dans la démarche propre à la théologie pratique un véritable service à la pensée humaine, avec tout ce que cela exige de rigueur, ainsi qu’une contribution à un meilleur vivre-ensemble, en laissant place à Dieu tel qu’il s’est fait connaître par Jésus-Christ et les évangiles.
Pouvez-vous, nous décrire la méthode de travail utilisée pour l'une de vos recherches ?
La particularité de la théologie pratique (qu’on appelle aussi théologie pastorale) est d’utiliser des méthodes empiriques, mais pas exclusivement. Toute pratique chrétienne ou affectant des chrétiens peut être l’objet de recherche dans notre domaine. Par exemple, j’ai travaillé en 2009/2010 à partir de travaux de groupes de prêtres du diocèse de Namur sur ce qui constitue aujourd’hui l’identité et la mission du prêtre sur le terrain paroissial. Ce qu’ils expriment dans les rapports de ces travaux révèle quelque chose de Dieu, des êtres humains et des relations entre eux. Mon travail spécifique consiste alors à mettre en corrélation ces données avec des sources du Christianisme (Bible, tradition théologique, documents de l’Eglise) pour mieux comprendre tout ce qui se joue dans cette partie de la vie de l’Eglise actuelle.
Pourquoi et comment vous êtes-vous orienté vers la théologie ?
Chaque professeur de théologie l’est devenu par un itinéraire propre. Pour moi, ce fut par passion et par hasard. C’est la découverte de l’amour bouleversant de Dieu qui m’amena à entrer au séminaire, après des études de lettres et une année consacrée à l’accompagnement des personnes sans domicile fixe à Paris. Les études de théologie n’étaient pas ma priorité mais j’y ai pris goût. Entrer peu à peu dans le mystère de Dieu fut, et reste, une aventure fascinante. La création, l’Alliance avec Abraham puis le peuple juif, l’incarnation, le mystère pascal, la rédemption, l’Eglise, etc., sont autant de notes disant cet amour de Dieu pour l’humanité. Le hasard aussi… d’abord un professeur belge de Paris qui m’indiqua la possibilité de travailler comme assistant puis maître-assistant à l’Université de Fribourg en Suisse, puis un professeur québécois qui fit de même vers l’UCL. Et me voilà avec mon épouse suissesse en Belgique : la francophonie en actes !
Vous enseignez également. Quel est selon vous la motivation première des étudiants qui s'inscrivent en théologie ?
Comme responsable du premier cycle ainsi que de la mineure en théologie (programme spécifique aux étudiants d’autres facultés), j’ai la chance de rencontrer tous les étudiants à leur arrivée. Les motivations sont variées, mais la dominante va vers la soif de comprendre ce qui se joue de fondamental dans la destinée humaine. La question de Dieu, et du Christ en particulier, est souvent au cœur des démarches de ces personnes croyantes ou non, engagées dans l’Eglise ou non. En général, la dimension professionnalisante n’est pas première pour les étudiants issus de rhétorique ou se réorientant après un début dans une autre filière. Notre second profil d’étudiants concerne les personnes en reprise d’études. Plus matures et plus au clair sur leur projet, ces personnes viennent en faculté de théologie pour se former en vue d’enseigner la religion ou de travailler dans l’Eglise catholique, parfois dans l’Eglise protestante. Enfin, nous avons de nombreux étudiants internationaux en master et en doctorat, qui viennent se préparer à être formateurs, professeurs ou chercheurs dans leur propre pays.
Quels sont selon vous les débouchés principaux après des études en théologie ?
En fait, les débouchés sont nombreux. L’enseignement est l’orientation la plus fréquente. Mais il y a aussi le travail en pastorale dans l’Eglise (paroisses, mouvements, aumôneries d’hôpitaux ou de prison), la communication (institutions chrétiennes, médias chrétiens ou autres recherchant des spécialistes de questions religieuses). D’autres anciens travaillent dans des secteurs non religieux mais friands de personnes formées en sciences humaines.