Mr Christian Flamand,
Auditeur énergétique

Interview réalisée en janvier 2008

Depuis combien de temps exercez-vous la profession d’auditeur énergétique ?

En fait, j’ai trois professions. Je suis architecte, urbaniste et coordinateur en sécurité sur les chantiers temporaires et mobiles. Le métier d’architecte est le tronc commun avec des ramifications au fil du temps, dont celle d’audit. La fonction d’audit est tout à fait nouvelle.

En tant qu’auditeur, en quoi consiste votre activité au quotidien ?

L’auditeur, c’est celui qui a le premier contact avec la personne concernée et le bâtiment concerné. Je vais voir le bâtiment, je discute beaucoup avec les propriétaires, je regarde ce qu’ils ont déjà mis en place, quel est le profil du bâtiment et quels sont leurs plans ou prévisions. L’objectif est de les aiguiller dans leurs décisions en matière d’économie d’énergie thermique. Concrètement, je relève l’enveloppe du bâtiment c’est-à-dire toute la peau extérieure : sols, murs, toits, plafonds, vitres, portes, etc. J’identifie la composition des parois pour déterminer leur pouvoir de résistance thermique. Je multiplie le tout par les surfaces et je détermine quelles parois sont les plus exposées à la déperdition thermique et celles qui sont les plus faciles à isoler. Bien souvent, on commence par le toit, puis on passe aux châssis, puis aux murs. Pour les bâtiments existants, c’est toujours plus compliqué d’obtenir un niveau performant que pour une maison neuve. Même si pour une maison neuve, ce n’est pas toujours de la tarte !

Quelles sont, à votre avis, les qualités personnelles et les compétences attendues dans ce domaine professionnel ?

D’abord, il faut bien connaître son métier en tant qu’architecte. Je sais que l’audit est ouvert aux chauffagistes, aux ingénieurs, etc. Mais, il faut vraiment connaître le bâtiment et avoir une expérience du bâtiment, comprendre comment fonctionne le bâtiment.

Quels sont, à votre avis, les avantages et les inconvénients de ce type d’activité ?

Avantage(s) : c’est un sujet qui m’intéresse, je le fais avec intérêt. Le premier objectif n’est pas l’aspect financier, même si je tiens à être rémunéré pour ce que je fais. C’est un métier créatif, intellectuel, de copilote dont on est partie prenante et où on nous demande d’apporter des solutions. Et pour trouver des solutions, il faut se mouiller.

Quel est l’horaire de travail ?

Cela dépend de la disponibilité du client. Comme le client doit être présent quand je fais l’audit sur place, je dois adapter mon horaire au sien. Ce qui veut dire parfois travailler le soir ou le week-end. J’essaie d’éviter car je tiens à avoir mes heures de repos comme tout le monde, mais j’exerce une profession libérale. Chez les indépendants, il n’y a pas de règle.

Comment décririez-vous le milieu de travail ?

C’est un travail en partie sur le terrain. Je fais un relevé du bâtiment. Je photographie. Je discute avec le client. Ensuite, toutes ces données sont collectées au bureau. Elles sont traitées pour que je me forge une opinion que je présente au client afin de l’aiguiller. Bien souvent, ma proposition est recommencée une seconde fois suite à des éclairages nouveaux donnés par le client. C’est un travail que je fais seul. Celui qui a recueilli les informations est le mieux à même de les encoder et de les traiter. Pour auditer, il n’est pas nécessaire de se tourner vers des compétences extérieures, sauf pour obtenir des valeurs mues, des valeurs d’isolation de certains matériaux. Là, parfois je contacte les firmes ou je surfe sur leurs sites pour obtenir le renseignement technique. Ces informations me permettent de compléter le relevé fait chez le client. Ceci dit, lors d’un audit, je renvoie le propriétaire vers d’autres professionnels. Pour une prospection de marché, une comparaison de prix, une recherche de corps de métier, c’est à l’architecte qu’il faudra faire appel, pas à l’auditeur. Ces deux métiers sont très complémentaires. Pour moi, l’audit est une activité qui est très valorisante en tant qu’architecte. Le fait de visiter des bâtiments et de voir des cas réels affine la perception de mon métier d’architecte. Quand je peux, je pousse mes clients à aller beaucoup plus loin que les normes, à aller pratiquement vers des maisons basse énergie.

Quel a été votre parcours professionnel ? Quelles fonctions avez-vous exercées jusqu’aujourd’hui ?

J’ai commencé mes études d’architecte en 1975. Ce qui veut dire que j’ai connu le premier choc pétrolier pendant mes études. Lors de ces études, on nous avait déjà touché un mot de la nécessité d’isoler les bâtiments et du problème de la condensation intérieure qui résultait de l’isolation. On posait les premiers jalons. Dans les années 1984, on nous a demandé de compléter nos permis de bâtir (appelés maintenant permis d’urbanisme) par un volet énergétique. On devait atteindre le niveau K70. A l’époque, j’ai suivi une formation pour le K70. Ensuite, le prix du pétrole a diminué et j’ai continué à isoler comme on me l’avait appris, mais sans plus de conviction. Les économies d’énergie n’intéressaient personne. Et ce, jusque dans les années 2000 à 2002, où les prix ont de nouveau monté. J’ai suivi une formation en panneaux solaires, complétée par celle d’auditeur. Maintenant, on découvre une série d’autres problèmes : ventilation, surchauffe, etc. plus on isole, plus cela devient complexe et plus c’est délicat. On découvre ! C’est très intéressant, palpitant et tout neuf. 

Quelles sont les perspectives d’avenir ?

Pour l’instant, tout le monde cherche à diminuer sa consommation. Quand j’ai commencé la formation d’auditeur, on nous disait que le pétrole cher arriverait dans une dizaine d’années. Que les prix allaient monter et qu’à un moment donné, il n’y aurait plus de pétrole du tout et qu’il fallait s’y préparer. Mais avec l’émergence de pays comme la Chine et l’Inde on s’est fait rattraper. C’est beaucoup plus tôt qu’on ne croyait et ça ira beaucoup plus vite. Donc, au lieu de chauffer 8 mois sur 12, on va commencer à chauffer 7, puis 6, puis 5, puis 4 mois. On passera dans l’entre-saison avec des pulls. On va vivre dans des maisons plus petites, plus compactes et on ne chauffera plus certaines pièces comme les chambres. Pour l’instant, on essaie de régler le problème par la technique. Mais, il y aura un moment où la technique devra être relayée par des comportements. Des comportements que certains de nous adoptent déjà quand ils n’ont pas les moyens d’acheter une nouvelle chaudière, par exemple : c’est le pull !

Quels conseils donneriez-vous à une personne qui souhaite se lancer dans cette voie ?

D’être curieux de tout, tous azimuts. D’avoir une très grande culture générale parce que le problème énergétique n’est pas qu’un problème de construction. Il est beaucoup plus vaste et beaucoup plus global. Il faut trouver de nouveaux produits, de nouvelles méthodes, de nouvelles techniques. Il faut souligner aussi l’importance des aptitudes relationnelles et communicationnelles de l’auditeur.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.