Interview anonyme,
Documentaliste dans une Organisation Non Gouvernementale (ONG) d'aide humanitaire
A qui s'adresse votre centre de documentation ?
C'est un centre de documentation interne. C'est-à-dire qu'il s'adresse aux membres du siège et au personnel de terrain, en mission dans d'autres pays. Une fois par semaine, le centre est ouvert au public : ce sont surtout des étudiants et des chercheurs qui viennent.
Quelles informations peut-on trouver dans votre service ?
Principalement, les gens qui partent sur le terrain viennent recueillir des infos sur le contexte économique, sanitaire ou politique des pays dans lesquels ils se rendent ou des données sur le travail qu'ils y effectueront : infos médicales, techniques, rapports de missions, etc.
Les gens qui sont en mission à l'étranger nous contactent pour trouver des renseignements sur des personnes, pour se procurer des coupures de presse.
Les membres du siège, quant à eux, viennent pour y trouver des infos dans le cadre de l'appui à l'action de terrain.
Nous tentons également de conserver la mémoire de l'institution. Tous les documents transitent par notre service. Il est important de sauvegarder tous ceux-ci : P.V. de réunion, circulaires, etc.
C'est très difficile, car dans notre institution, il n'y a pas réellement de gestion centralisée des flux d'information. De plus, nous développons surtout une culture orale et informelle. Beaucoup de réunions ont lieu sans qu'elles produisent le moindre écrit. Nous devons donc organiser toutes les procédures qui nous permettront de réaliser ce travail efficacement : debriefing, formulaires standardisés.
Quelles sont les qualités requises pour travailler chez vous ?
Une certaine souplesse, flexibilité et adaptabilité. Une ouverture d'esprit développée. Nous exigeons de plus en plus des personnes qualifiées dans la recherche documentaire. Finalement, ce n'est pas tant la connaissance de l'institution qui prime que la maîtrise des sources d'information. Auparavant, c'était une infirmière qui travaillait avec moi. Elle avait plus de mal à acquérir les techniques documentaires qu'un documentaliste à acquérir la connaissance de notre institution.
La complexité est de plus en plus croissante, il faut pouvoir s'organiser.
Par rapport à la nature du travail proprement dit, on demande une volonté d'engagement importante vis-à-vis des causes que l'on défend.
C'est donc particulier de travailler chez vous ?
Effectivement, j'ai travaillé dans des entreprises commerciales et cela ne m'a pas plu. Travailler dans une ONG est quelque chose de particulièrement satisfaisant et enrichissant. Il y a une finalité qui me semble plus importante que de faire simplement de l'argent ou d'accroître la rentabilité d'une entreprise.
Au quotidien, cela se traduit par une plus grande souplesse dans la hiérarchie. Il n'y a pas de comptes à rendre à quelqu'un en particulier, cela nous procure une grande liberté et une certaine latitude de travail.
On rencontre aussi des gens qui proviennent de toutes les régions du monde, de toutes les nationalités. Il y a indéniablement une ouverture aux autres et au monde très importante.
C'est un état d'esprit, une ambiance qui procure une très grande motivation aux gens que l'on côtoie. On prend plaisir au travail, ici pas de mentalité "fonctionnaire".
Quelles sont les difficultés particulières à votre institution ?
En sus du manque de rationalisation des flux d'information écrite, il existe, dans notre ONG, une très grande rotation de personnel. Certaines personnes ne travaillent pour nous que quelques mois. Rien n'est donc jamais réellement stable, permanent.
De plus, vu notre engagement personnel, nous avons toujours des tas de projets qui nous tiennent à cœur et que nous ne pouvons pas développer aisément. En cause : la surcharge quotidienne de travail. On ne peut pas toujours se consacrer aux projets de fond. Nous sommes aussi relativement limités par nos moyens, surtout humains. On n'est pas assez nombreux pour abattre la totalité du travail.