Interview anonyme,
Juriste dans une société d'édition

Interview réalisée en janvier 2009

Qu’est-ce qui a motivé votre choix des études juridiques ?

Ma haine des maths ! Je ne savais pas très bien vers quoi m’orienter après mes études secondaires. Les études en droit avaient l’avantage d’être très généralistes. Je me suis donc inscrite à l’ULB, en me disant que je pourrais toujours utiliser l’une ou l’autre passerelle après ma deuxième année. Mais, à leur issue, j’hésitais toujours sur la voie à suivre. Après avoir hésité à bifurquer vers le journalisme, j’ai finalement décidé d’achever mon droit. Mais, une fois mon diplôme en poche, je n’étais toujours pas plus décidée sur ce que j’allais faire.

Votre parcours a donc été dicté par le hasard ?

Non, pas totalement, bien sûr. Après mon master en droit, j’ai donc décidé de m’inscrire en cinéma. Là, j’ai rencontré des gens venus d’horizons totalement différents. Cette année a beaucoup influencé la suite de ma carrière. Tout en suivant les cours, j’ai appris, un peu par hasard, qu’un poste de chercheur sur les aspects juridiques des coproductions audiovisuelles se libérait pour 9 mois. J’ai postulé et j’ai été retenue. 9 mois, ça me semblait raisonnable comme délai…
Mais, à peine avais-je fini que j’ai enchaîné sur une étude de la protection des droits d’auteur, puis une autre et encore une autre. Finalement, j’ai fait 3 ans de recherches à l’ULB. Cependant le statut de chercheur est instable car il dépend énormément des subventions accordées. Donc, et même si je n’en avais aucune envie, je me suis résignée à m’inscrire au barreau.

Sans enthousiasme aucun, donc ?

Exactement. J’ai donc fait mon stage, suivi les cours. 

Et ensuite ? Comment avez-vous rebondi ?

C’est alors que j’ai été contactée par un ancien professeur de droit auprès de qui j’avais effectué des recherches pendant mes études. Il m’a appris que les éditions Dupuis cherchaient un(e) responsable juridique. A l’époque, les droits intellectuels n’étaient pas une matière très à la mode.

Ce n’est que quelque temps plus tard, avec le "boum" du multimédia que l’explosion est survenue. J’ai donc fait oeuvre de pionnière sans même le savoir. Quand je suis arrivée chez Dupuis, il travaillait avec un avocat externe et ne s’occupait que d’achat et de vente de droits intellectuels.

Toute la problématique du merchandising et du multimédia était ignorée. Il a fallu tout mettre en place.

Juriste d’entreprise, un choix ou un hasard ?

Mon métier me permet de rester en contact avec le monde des créatifs, le livre. Pour moi, il était hors de question de travailler dans un secteur trop austère, comme les assurances. De même, j’aurais été frustrée en tant qu’avocate, j’ai eu ma dose au cours de mon stage. Les délais interminables, les dossiers mal ficelés... Non, merci ! La fonction de juriste d’entreprise est une fonction proactive qui permet de mettre en place des stratégies pour éviter les conflits et ne pas perdre un temps précieux à devoir les résoudre par après.

Est-ce un travail d’équipe ou plutôt un travail solitaire ?

Je cumule dorénavant les fonctions de responsable juridique et des ressources humaines. Arrivée à une certaine taille, une entreprise ne peut se contenter d’utiliser uniquement des juristes externes, particulièrement une maison d’édition internationale, comme la nôtre, dans un secteur en évolution permanente, en raison des développements technologiques que nous connaissons depuis une dizaine d’années.Dans l’aspect juridique de mon travail, j’ai deux collaborateurs.

Existe-t-il un profil type du "juriste d’entreprise" ou bien cela varie-t-il en fonction des sociétés et de leur but social ?

Je ne crois pas qu’il y ait un profil type du juriste d’entreprise. Je crois qu’il est grandement façonné par le but social de l’entreprise. A mon sens, d’ailleurs, il vaut mieux choisir un secteur qui vous passionne si on veut continuer à prendre du plaisir à ce qu’on fait.

Une spécialisation est-elle préférable, voire nécessaire, pour devenir juriste d’entreprise ?

Non, je ne pense pas qu’une spécialisation au cours des études soit un passage obligé pour les études de droit. Ce n’est, bien sûr, pas inutile, mais rien ne remplace l’expérience pratique. On apprend énormément au contact du terrain. Je plaide d’ailleurs vigoureusement pour que les stages en entreprises soient inscrits au programme des études de droit. Par contre, une fois entré dans la vie professionnelle, la spécialisation est indispensable mais elle se fait toute seule en fonction de la carrière. Les matières deviennent de plus en plus complexes et il faut sans cesse se remettre en question si on veut continuer à garder les choses en mains.

Que manque-t-il au cursus universitaire pour se préparer efficacement à la fonction ?

Un bon juriste d’entreprise doit être ouvert, réceptif et maîtriser les nouveaux outils. Il doit aussi être débrouillard et prendre le temps de réfléchir. En Belgique, on nous fait ingurgiter des tonnes de matières mais il y a peu de cours pratiques et de stages pendant les études. Attendre un minimum de 5 ans pour se frotter à la réalité est un non sens absolu.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.