Mr Marc Lange,
Capitaine d'un bateau de plaisance

Interview réalisée en janvier 2009

Le bateau de plaisance "Pays de Liège" effectue des croisières sur la Meuse à partir de la Cité ardente.

Comment êtes-vous devenu capitaine du "Pays de Liège" ?

Mon parcours personnel est assez atypique puisque j’ai d’abord travaillé dans la marine marchande avant de naviguer sur ce bateau de plaisance. Au départ, j’ai effectué mes études à l’École de Navigation d’Anvers où j’ai obtenu un master en sciences nautiques avant de parcourir les mers durant de longues années. Ensuite, parce que je changeais de secteur, je passais de la marine marchande à la batellerie, j’ai dû naviguer un an durant sur un bateau de plaisance en tant que matelot puis réussir un examen pour obtenir un certificat de conduite de bateau de navigation intérieure, certifié "P", qui autorise la navigation sur un bateau transportant plus de douze personnes, une sorte d’accès à la profession. Cette passerelle est obligatoire et la procédure stricte mais j’ai eu de la chance car normalement, malgré mon expérience, j’aurais dû naviguer quatre ans ! Heureusement, une directive européenne est tombée à point nommé.

Et sinon, quel est le parcours-type d’un capitaine ?

Sur un bateau, on démarre comme matelot puis matelot qualifié, timonier et enfin capitaine, le tout après voir navigué au moins quatre ans. Pour les bateliers, la réussite d’un examen de connaissance est également devenue obligatoire pour avoir accès à la profession alors qu’auparavant, le métier se transmettait de père en fils de manière empirique. Désormais, on exige du matelot une grande expertise. Cela dit, c’est sur le tas que l’on apprend le mieux les ficelles du métier. Je m’en suis vite rendu compte en côtoyant ceux qui étaient "nés dedans". Donc, deux fois par an, une session d’examen est organisée : une fois en Flandres, une fois en Wallonie. Les cours se donnent sur un bateau-école ayant le statut de CEFA (Centre de Formation en Alternance) qui se trouve à Huy. Pour évoquer notre secteur, disons que nous effectuons le même travail qu’un batelier, le contact avec les gens et le sens des relations publiques en plus.

Quel est votre statut ?

Je suis employé à temps plein par l’asbl "Domaine Touristique de Blegny Mine" qui organise notamment des croisières. Le concept est assez original. Nous proposons des visites de la mine située à Blegny que nous associons (mais pas systématiquement) à des croisières simples ou dites "gourmandes" sur la Meuse, voire à des visites des Cristalleries du Val Saint-Lambert à Seraing. Concrètement, des bords de Meuse à Visé, on se rend à Blegny Mine en car ou en tortillard. Quant aux cristalleries, situées quasi en bord de Meuse à Seraing, le trajet se fait à pied. Enfin, possibilité est donnée aux passagers de visiter Liège entre deux escales. Le programme est assez varié mais je ne participe pas aux visites guidées ou au transport des visiteurs d’un site à l’autre : je ne fais que piloter le bateau.

Que représente la charge de travail d’un capitaine ?

Pour ce bateau, nous sommes deux capitaines. Comme nous avons des horaires décalés et prestons généralement plus d’heures que celles d’une journée ordinaire, il est impératif de se répartir la charge de travail. Mon collègue par exemple, est capitaine à temps plein. Il navigue donc plus que moi et s’occupe par ailleurs de l’entretien du bateau, et ce principalement au niveau des moteurs. Il gère la partie technique comme la sécurité du bateau. En ce qui me concerne, je suis également responsable du volet commercial de l’exploitation, de la gestion et de l’administration du "Pays de Liège".

Comment s’organise votre temps de travail ?

Je preste le tiers de mon temps de travail sur le bateau et le reste dans les bureaux du site de Blegny Mine. Contrairement aux bateliers qui travaillent et vivent sur leur péniche, le capitaine ramène le bateau tous les soirs au port de plaisance de Liège. Le "Pays de Liège" navigue toute l’année à l’exception des périodes de fin d’année soit 350 jours par an.  

Que représente l’activité de votre bateau ?

Question chiffres, nous transportons près de 20000 passagers par an dans le cadre de 250 sorties dont 75 locations privées. Enfin, 20 croisières gourmandes par an sont organisées dont 95% sont publiques. Dans ce cas, le "Pays de Liège" fait davantage office de restaurant sur l’eau.
Pour une sortie comme une croisière simple, l’équipage se compose du capitaine et d’un matelot-responsable HORECA qui s’occupe du bar auxquels il faut ajouter une hôtesse qui est responsable de l’accueil, de la guidance sur le site de Blegny ou du Val Saint Lambert mais aussi de la billetterie. Dans le cas d’une croisière gourmande, la présence d’une hôtesse n’est plus indispensable et c’est le personnel du traiteur qui prend en charge le service.

En quoi consiste concrètement les diverses activités que vous menez ?

Je suis une sorte "d’homme-orchestre", responsable notamment des horaires des membres de l’équipage en fonction des demandes et des réservations. Quand nous organisons des croisières gourmandes, je dois, par exemple, prendre contact avec le traiteur, coordonner le travail entre son personnel et le nôtre. Par ailleurs, dans le cadre de l’aspect marketing de mon activité, je dois "vendre" le bateau donc je prospecte pour les différents produits proposés à des individuels, des groupes (scolaires, pensionnés, etc.) ou des sociétés privées dans le cadre de location. En effet, le bateau peut être loué à l’heure comme à la journée pour organiser des séminaires ou des conseils d’administration suivis d’un repas. 

Quel regard portez-vous sur le secteur du tourisme fluvial ?

Dans les faits, il y a peu de bateaux de plaisance collective. La plupart des matelots travaillent dans le secteur de la batellerie pure. Sur les bateaux de plaisance, les temps pleins sont rares, même pour les capitaines. C’est un secteur d’avenir dans la mesure où le tourisme fluvial marche bien et de mieux en mieux surtout à Liège où le potentiel est intéressant mais, par définition, avec seulement deux personnes par sortie, le capitaine et le matelot, cela ne génèrera jamais beaucoup d’emplois. Ce qui est sûr, c’est qu’après avoir réussi l’École de batellerie, des possibilités de travailler à l’étranger sont données aux plus motivés. 

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.