Mme Virginie Pierreux,
Médiatrice culturelle

Interview réalisée en octobre 2010

Médiatrice culturelle au sein de l'asbl Article 27 Bruxelles.

Qu’entend-on par “médiation culturelle“ ? En quoi cela consiste-t-il ?

La médiation culturelle est un concept dont je ne prétends pas donner la bonne définition. En ce qui me concerne, je m'y familiarise depuis 2 ans. Avant cela je parlais d'animation socioculturelle. Terme devenu pour moi réducteur puisqu'il ne tient pas compte de deux aspects fondamentaux de la médiation : le partenariat et plus largement le travail en réseau.

La médiation culturelle consiste, selon moi, à accompagner le public vers la culture avec une visée émancipatrice de celui-ci inscrite dans le long terme. L'objectif est dès lors de contribuer à la création d'un espace-temps permettant aux publics de se rendre sensible aux contenus culturels et de se les réapproprier. Il ne s'agit pas simplement de transmettre un savoir savant en le vulgarisant mais bien de contribuer au tissage relationnel qui doit exister entre une institution sociale, une autre culturelle et le public bénéficiaire. L'action de la médiation s'inscrit dans une continuité, dans la durée. 

En quoi consiste votre travail au sein de l’asbl ?

Lorsque j'étais animatrice socioculturelle, mon travail consistait à informer le public bénéficiaire de l'existence d'Article 27 et à le sensibiliser à la culture au sens large. Je n'avais alors qu'une vision parcellaire de l'action d'Article 27 puisque j'invitais les personnes à se saisir de l'offre culturelle sans moyen, ensuite de savoir si elles l'avaient fait ou non. J'ai ainsi développé plusieurs outils pédagogiques visant la sensibilisation des bénéficiaires à la culture (adulte et enfant).

Depuis deux ans, Article 27 Bruxelles se structure différemment. Nous sommes une équipe de médiatrices culturelles responsables de plusieurs secteurs associatifs et nous rencontrons à la fois les travailleurs sociaux et culturels et le public. Cela nous offre une vision beaucoup plus complète de notre action et nous permet d'investir les différents partenariats de façon plus approfondie. Mes tâches consistent à observer et évaluer la vivacité des partenariats afférent à mes secteurs ; à rencontrer les relais sociaux afin de les informer sur le fonctionnement d'Article 27 ; à définir avec eux un projet sur mesure permettant la participation culturelle des bénéficiaires ; à promouvoir les initiatives propres aux lieux culturels permettant de faciliter l'accès à la culture des publics vivant en situation de pauvreté ; à informer et à sensibiliser le public, à développer des outils pédagogiques d'animation et de sensibilisation et encore d'autres outils qui concourent au tissage relationnel entre institutions sociales et culturelles, à dynamiser le réseau des partenaires sociaux et culturels ; à garantir et à stimuler un esprit d'ouverture et de découverte permettant de dépasser la simple consommation culturelle et enfin, à participer aux réflexions de fond sur le rôle et les enjeux de la médiation culturelle au sein d'Article 27.

Quels sont les publics avec lesquels vous travaillez ?

Je suis responsable de trois secteurs associatifs : les maisons d'accueil (enfants, ados, adultes, familles), l'insertion socioprofessionnelle (chômeurs en formation ou en recherche active d'emploi) et le travail communautaire (public mixte). Autant dire que je travaille avec un public très varié !

Pourriez-vous nous parler concrètement de la mise en place d’une animation ?

La plupart des animations que je donne sont des animations de sensibilisation et d'information pour adultes. Elles se font à la demande des associations. J'ai développé plusieurs outils qui me servent de support à l'animation et je choisis le plus adéquat en fonction des objectifs de l'animation, du niveau en langue du groupe, de l'utilisation avec le groupe de techniques d'animation similaires aux miennes ou non. Il est évident que pour que de telles demandes d'animation émergent un important travail de sensibilisation des équipes sociales a du être mené en amont. Et ce, afin de faire connaître nos services et outils.

L'aspect logistique est peu important, il s'agit simplement de fixer un rendez-vous et de réunir le groupe pour l'animation. Article 27 ne dispose pas de lieu pour accueillir le public. Les animations se font donc au sein des associations sociales partenaires. La médiatrice culturelle prévoit le matériel nécessaire à l'animation (outil d'animation et petit matériel). Les animations durent entre 1 et 2 heures. Lorsqu'il s'agit d'une animation avec une équipe sociale c'est quasiment la même chose : aspect logistique peu important, utilisation d'un outil d'animation, durée 1 à 2 h. 

Par contre lorsqu'il s'agit de la sensibilisation à la culture de jeunes enfants, c'est très différent ! En effet, Article 27 Bruxelles a développé un outil de sensibilisation à la culture pour les enfants de 7 à 12 ans : le Coffre des petits explorateurs de culture. Celui-ci contient 5 outils qui s'utilisent dans une continuité (seuls deux outils peuvent être utilisés indépendamment des autres). Nous mettons alors en place plusieurs journées complètes d'animation autour de ce coffre. Il peut s'agir d'une demande d'une association ou bien c'est la médiatrice culturelle elle-même qui fait la proposition après avoir évalué la pertinence de mettre en place ce type de stage dans l'association. Ici, l'aspect logistique est important puisqu'Article 27 prend tout en charge. Si le stage ne peut se dérouler au sein de l'association par manque de place, Article 27  trouve un local, fournit tout le matériel, prend en charge toutes les réservations de spectacles. Seules les inscriptions sont gérées par l'association.

Mais comme je le dis plus haut, le travail en amont des animations est très important. D'abord une première rencontre avec le relais associatif, parfois une deuxième rencontre avec toute l'équipe sociale et enfin une animation avec le public qui peut parfois déboucher sur une sortie culturelle accompagnée avec ensuite une dernière animation pour discuter de la sortie et décider de ce qu'on peut faire ensemble ensuite. Chaque association demande une approche différente. Ce n'est jamais la même chose. Cela dépend fort de la volonté de l'association d'inscrire ou non une dimension culturelle à un travail avant tout social.

Quels sont les autres professionnels avec lesquels vous travaillez ?

Je travaille avec des professionnels du secteur associatif (pour la plupart assistants sociaux, éducateurs, animateurs, conseillers emplois et formateurs) et culturel (responsable associatif ou des relations publiques, guides de musées). Pour le développement de certains outils, je travaille avec des graphistes et des illustrateurs. Pour la mise en place d'ateliers artistiques, je travaille avec divers artistes animateurs (plasticiens, comédiens, danseurs, etc.).

Selon vous, est-ce important de continuer à se former ? Si oui, dans quels domaines ?

Oh, oui ! Et les domaines sont larges. Pour ma part, j'ai suivi une formation très enrichissante sur les précarités contemporaines. Se nourrir de nouvelles techniques d'animation est très important. S'outiller en informatique pour pouvoir concevoir et réaliser des outils pédagogiques variés et adaptés l’est aussi.

Quelles sont les qualités qu’il faut posséder pour travailler en tant que médiateur culturel ?

La curiosité est peut-être la qualité la plus importante à mes yeux. Elle permet de conserver un dynamise en créant du lien entre des êtres, des formes et des contenus qui à priori auraient eu peu de chances de se rencontrer. Celle-ci va de pair avec une ouverture à la multitude des contenus culturels en diffusion.

Quel est votre parcours ?

J'ai fait des études à l’IHECS en communication appliquée section animation socioculturelle et éducation permanente. J'ai directement commencé à travailler pour Article 27. Dans le cadre de mes études, j'ai développé mon premier outil pédagogique pour Article 27, il est toujours utilisé aujourd'hui.

Pourquoi avez-vous choisi ce métier ?

Je n'ai pas choisi mes études dans l'idée d'exercer un métier spécifique. J'ai d'abord choisi mes études car le contenu des cours m'intéressait beaucoup. C'était pour moi la seule façon de réussir : m'intéresser à ce que j'étudie et pas au métier que je voudrais faire. J'ai, pendant longtemps, nourri un certain complexe d'infériorité vis-à-vis de la culture artistique pensant que comme on ne m'y avait pas initiée, je n'y connaissais rien et ça ne me parlait pas aussi bien qu'aux autres, certainement beaucoup plus cultivés que moi. Quand je me suis rendue compte que j'adorais ça et que je pouvais en parler sans crainte, je me suis dit que quelque chose n'allait pas. J'ai pris conscience que j'avais une place dans les théâtres, les salles de concerts, les expos non pas parce que j'avais la chance de comprendre ce qui s'y passait mais bien parce que tous ces lieux et tous ces contenus étaient là pour moi et nous tous. Or, je n'étais pas la seule à nourrir cette pensée que la culture s'adresse aux plus nantis intellectuellement et financièrement parlant. J'ai eu envie de témoigner de cela, de défendre la culture par et pour tous et j'ai découvert l'existence d'Article 27. Tout ça pendant mes études à l'IHECS ! 

Qu’est-ce que vous donneriez comme conseils aux personnes qui voudraient exercer ce métier ?

De ne pas trop penser à la place du public auquel on s'adresse. Dans la mesure du possible, de travailler en réponse à une demande. De travailler avec et pas pour. De toujours veiller à ne pas se censurer a priori (oser le risque, accueillir la critique et en tenir compte). De se donner le droit à l'erreur tout en étant extrêmement exigeant vis-à-vis de soi et de son travail pour ne pas tomber dans une forme d'immobilisme stérile. De ne pas travailler seul, de rencontrer d'autres professionnels et d'échanger ses pratiques, son expérience.

 
SIEP.be, Service d'Information sur les Études et les Professions.