Arts numériques

Paola Anello

Publié en Février 2018  —  Magazine précédent / suivant  —  Tous les magazines
photo couverture arts numériques

« Art digital », « Computer based arts », « Net arts », « Arts électroniques », etc., les appellations sont nombreuses pour désigner ce secteur qui mêle à la fois l’art, les technologies et les sciences.

La Fédération Wallonie-Bruxelles entend par « œuvre d’art numérique » toute création innovante associant des médias différents (données, images animées ou non, sons, textes, vidéos…) grâce à des processus informatiques et des technologies numériques, en vue de proposer un « usage » reposant sur une interactivité[1]. Cette œuvre sera éditée sur support numérique (off-line), sur un réseau (on-line) ou présentée dans un environnement public. L’ordinateur jouera un rôle important dans le processus de création et de diffusion de l’œuvre car il doit être fait usage de logiciels (programmation, codes).

Le terme « Arts numériques », tel que nous l’avons développé, comprend donc différentes disciplines artistiques qui ont pour but de créer des produits multimédias au moyen des techniques numériques. Par produit multimédia, on entend un produit qui associe des contenus divers (son, texte, image…) et qui est consulté ou utilisé de façon interactive par l’utilisateur. Il peut s’agir d’un site internet, d’un jeu vidéo, d’un clip vidéo, d’une application mobile, d’une exposition interactive, d’une animation, etc. Ce contenu sera généralement créé et traité de façon informatisée, faisant appel aux technologies numériques, c’est-à-dire au traitement,  à la manipulation et au transfert de données. Les textes, sons et images sont donc mis en forme afin de créer une œuvre dite numérique. Ces œuvres se retrouvent dans des domaines de compétences variés tels que  la robotique, le jeu vidéo, l’architecture, le cinéma, l’animation…

L'artiste numérique est majoritairement autodidacte. A la fois technicien et créatif, il produit lui-même son espace de diffusion afin de partager ses créations : Internet, téléphonie mobile, jeu vidéo, galeries virtuelles... Il s'exprime aussi via des performances physiques (set de vijing, installation 3D, exposition interactive...), dans les espaces culturels (galeries, musées, théâtres...) et même dans la rue ! Tant de lieux de représentation des œuvres mais aussi d'échanges entre artistes issus de milieux artistiques différents ! Le secteur évoluant beaucoup et rapidement, ces artistes veilleront à continuer à se former tout au long de leur carrière.

De par les techniques et les supports de diffusion utilisés, les arts numériques ont pour particularité de donner naissance à des œuvres mouvantes, interactives, qui traduisent si bien notre époque en constante évolution. La structure nomade du web et les performances live limitées dans le temps engendrent des œuvres éphémères, souvent partagées et modifiées au gré des envies de chacun. Pluridisciplinaires, les œuvres sont très souvent réalisées en collaboration, en équipe, avec d'autres professionnels spécialisés (programmeurs, webdesigners, développeurs...). Selon la taille de l'équipe ou l'envergure du projet, les artistes peuvent toutefois endosser différents rôles et être polyvalents.

L'artiste numérique invente sans cesse de nouvelles formes de représentations pour le plus grand plaisir d'un public qui découvre une autre facette des outils de communication utilisés au quotidien.

Ce magazine présente plusieurs savoir-faire et compétences que l'on retrouve dans le domaine des arts numériques. Bonne lecture !

 

 

Les métiers

 

Autant savoir

Les domaines du numérique

Parmi les domaines du numérique, on peut notamment citer[1] :

  • le software art (art programmé) qui consiste à créer des images statiques issues d’instructions et d’algorithmes ;
  • l’installation interactive qui peut être sonore et visuelle et qui aborde souvent les domaines de l’électronique par la mise en place de capteurs enregistrant des phénomènes physiques (lumière, mouvement, pression, etc.) convertis en valeurs numériques afin de produire un résultat ;
  • le web-art qui permet à de nombreux artistes de diffuser des objets audiovisuels interactifs ou encore de développer des œuvres utilisant les langages propres au réseau ;
  • le domaine du jeu (sur consoles, en ligne ou en réseau) ou game-art, qui devient un terrain d’expérimentation pour les artistes numériques qui en détournent les formes et les codes et qui permet notamment aux joueurs de personnaliser des scènes, des personnages, d’ajouter des niveaux, etc. Le jeu est même présent au sein de certaines unités d’hôpitaux dans le cadre de traitements contre la douleur ou de réhabilitation. Mais aussi dans certaines entreprises qui l’utilisent comme outil de formation. C’est ce que l’on appelle le « serious gaming ».

État des lieux en Fédération Wallonie-Bruxelles

Alors que les pays européens voisins et anglo-saxons s’intéressent aux arts numériques depuis bien longtemps (dans les années 60, on parlait déjà d’arts technologiques ou d’arts médiatiques au sein de l’art contemporain), les premiers signes de reconnaissance dans la partie francophone de la Belgique apparaissent en 2003, sous la forme d’articles dans la revue « L’Art Même » qui consacrait un numéro aux arts électroniques.

Nos voisins flamands, français et allemands ont, depuis de nombreuses années, mis en place des structures de soutien à la culture digitale alors qu’en Wallonie, il faudra attendre les États généraux de la Culture en 2005 pour faire avancer le débat et reconnaître le secteur de la Culture digitale (arts numériques) dans les « Priorités Culture » publiées la même année.

En 2006, une commission est mise en place et un premier appel à projets est lancé. La Commission consultative des arts numériques, composée de professionnels du secteur (artistes, professeurs, producteurs…), examine les demandes et propose une répartition des aides au Ministère compétent. Elle conseille également sur l’évolution du secteur des arts numériques en termes de développement, d’initiatives et d’actions à mener.

Le système de soutien aux arts numériques en Fédération Wallonie-Bruxelles est composé de deux parties :

  • Un soutien financier aux structures dont le rôle est d’accueillir les artistes, produire et promouvoir l’art numérique (Transcultures, le CECN, Imal…)
  • Un soutien aux projets et aux événements soumis tout au long de l’année par les artistes et organismes

Cinq types d’aide sont proposés : l’aide à la conception, à la production, à la promotion, à la diffusion et l’aide aux événements.

Depuis 2005, les moyens mis en œuvre pour assurer des aides à la création ainsi qu’à la production n’ont cessé d’augmenter. Un concours multimédia a également été mis en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles et permet d’assurer le soutien des initiatives originales et novatrices en la matière. Le 21e siècle confirmera, lentement mais sûrement, la place de la culture digitale et des arts numériques parmi les formes majeures de la culture et des arts en Belgique.

Aujourd’hui, personne ne pourrait nier le bouleversement qu’ont entraîné les technologies de l’information et de la communication. Internet est omniprésent,  l’industrie des jeux vidéos dépasse celle du cinéma en termes de chiffre d’affaires, les réseaux sans fils se multiplient… Les modes de production, de communication et d’échange des biens culturels ont considérablement changé, transformant tous les aspects quotidiens de nos vies. L’heure est à l’information omniprésente, aux technologies nomades et donc, à l’apparition de nouvelles formes artistiques, à consommer différemment.

Le marché de l’emploi : l’importance de la pluridisciplinarité

Forts de nombreuses collaborations et évolutions, les arts numériques donnent naissance à de nouvelles compétences, de nouvelles qualifications, de nouveaux profils requis. De nombreuses opportunités de travail sont ainsi créées et continueront à se développer compte tenu des changements qui apparaissent tous les jours dans le domaine. Les arts numériques et leurs applications se retrouvent partout : dans l’enseignement, la santé, les loisirs, les médias, la culture, le tourisme….autant de secteurs explorés !

Pourtant, il se pourrait que certaines applications des arts numériques connaissent une pénurie de talents dans les années, voire les mois à venir. En effet, les jeunes capables d’associer compétences techniques et innovation artistique sont de plus en plus recherchés et rares !

Outre la technique et la créativité, l’anglais est également demandé étant donné le caractère international des équipes mais aussi des recherches et applications des arts numériques. Enfin, aux yeux de nombreux professionnels, la meilleure voir d’entrée dans le secteur resterait le stage[2].

Soutien, promotion et aide aux artistes

Différentes initiatives ont été mises en place afin de permettre un soutien et une aide aux artistes numériques mais aussi de promouvoir les arts numériques.

L’association iMAL[3] (pour interactive Media Art Laboratory) fut créée en 1999 par un collectif comprenant des artistes, des producteurs de « nouveaux médias », des designers de l’interactivité, des informaticiens, mais aussi des membres du NICC (association belge fédérale d’artistes plasticiens).

L’iMAL soutient les artistes en les aidant non seulement à élaborer leur dossier, à rechercher des partenaires et à assurer leur promotion mais aussi en leur permettant d’expérimenter les médias numériques sous tous leurs aspects : interactivité, code, processus, réseau, etc.

Ce véritable laboratoire du numérique permet également de réaliser des projets faisant appel aux technologies numériques, que l’on appelle également « arts numériques », à travers différentes formules : la résidence (ou l‘accès à l’atelier-laboratoire), les workshops et formations ou la co-production. Outre ces soutiens, l’iMAL organise également de nombreux événements (concerts, expos, performances) permettant la rencontre entre artiste et public. L’association dispose également d’un centre de ressources en documentation, en conseils et mise à disposition d’équipements spécialisés.

Intégré au manège.mons, le Centre d’écritures contemporaines numériques (CECN)[4] propose des formations continues sur l’utilisation des technologies dans les arts de la scène et dans les arts numériques. Le CECN assure également une veille technologique, une documentation et effectue des recherches dans le domaine des arts numériques appliqués aux arts de la scène et aux arts plastiques, en collaboration avec Technocité (Centre de compétences dans le domaine des Technologies de l’Information et de la Communication). Le CECN organise des résidences, des stages spécialisés, des rencontres professionnelles (dans le cadre du festival transfrontalier VIA en partenariat avec le Manège à Maubeuge) et édite deux fois par en un magazine dédiés, entre autres, aux écritures numériques. Le CECN met également en place des soutiens à la production en Fédération Wallonie-Bruxelles et en France.

Transcultures[5] soutient, promeut et développe des échanges artistiques et culturels interdisciplinaires ainsi que les pratiques créatives innovantes. Installé à Mons, Transcultures y développe un Centre intermédia des cultures électroniques et sonores et conçoit un programme de productions, de diffusions, de résidences, workshops et autres initiatives intégrant les technologies numériques. Transcultures organise également le festival City Sonic[6] et les Transnumériques[7].

Bel exemple de création en Belgique, LAB[au][8] a pour principale activité la création d’installations interactives et de performances audiovisuelles. Fondé en 1997, LAB[au] développe ses propres logiciels et interfaces. Les quatre membres constituant LAB[au] sont issus de l’architecture, des arts plastiques et de la musique. Depuis 2003, ils animent une galerie, le MediaRuimte, dédié a à l’art et la culture numérique. LAB[au] a déjà exposé dans le monde entier, s’intéressant plus particulièrement à ce qu’ils appellent le « meta-design » (transformations des structures spatiales et temporelles relatives aux technologies de computation et de communication et aux modes de production et de conception propres).

 

[1] I sing the body digital, M.Cleempoel et M. Wathieu in « La culture en action, Les arts numériques en Communauté française », Ministère de la Communauté française, 2007, pp13-23

[2] Le Multimédia manque de bras, Promimage, Portail de la Recherche et des Technologies en Région wallonne, n°235, novembre 2007.

 

Bonnes adresses

Arts numériques

La cellule Arts numériques, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, soutient les œuvres, les événements et les structures d'art numérique.
Site : http://www.arts-numeriques.culture.be/

La saison des cultures numériques

Depuis 2013, un soutien spécifique de la Fédération Wallonie-Bruxelles est destiné aux événements visant à faire connaître les arts et les cultures numériques au large public, et plus particulièrement aux plus jeunes. La Saison des cultures numériques s’inscrit dans ce contexte depuis 2016.
Site : http://saisonnumerique.be/

Le KIKK Festival

Festival international des cultures numériques et créatives, le KIKK Festival s’intéresse au déploiement économique et artistique des nouvelles technologies.
Site : https://www.kikk.be/

Transcultures

Centre interdisciplinaires des cultures numériques et sonores.
Site : http://transcultures.be/

 

 

Sources

 

Remerciements

Nous tenons à remercier toutes les personnes interviewées pour le carnet Arts numériques comme pour notre site Internet, ainsi que celles qui nous ont fourni les contacts de professionnels. Nous remercions tout particulièrement Monsieur Richard Roucour de Technocité et Monsieur Michel Cleempoel, artiste numérique et professeur d'arts numériques à l'ESAPV, pour les précisions apportées concernant ce secteur.


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